CHAPITRE II
LA RECONNAISSANCE DE LA DIVERSITE SOCIOLOGIQUE
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Le pluralisme au Cameroun
Le pluralisme ne saurait être limité à une
dimension purement politique, tant est - il qu'il postule également la
reconnaissance et l'acceptation des différences dans les domaines
ethniques, linguistiques et religieux188.Or, l'attrait du Cameroun
pour le jacobinisme189 dès son accession à
l'indépendance, se manifeste par « une aversion envers les
particularismes locaux, notamment ethniques et culturels
»190.Il se développe dès lors une
législation prohibant les associations à caractère
exclusivement ethnique et subordonnant la publication de tout journal ou
périodique en langues autres que celles officielles à une
autorisation ministérielle191.
Plus tard cet attrait pour l'idéal jacobin sera
supplanté par l'adhésion au multiculturalisme192,
exprimée par la reconnaissance de la diversité sociologique.
Comment se matérialise cette reconnaissance de la diversité
sociologique et quelles en sont les conséquences sur le plan du droit
?Il ressort que l'affirmation d'un droit à la différence qui en
est la principale manifestation (section I),n'a pas manqué de conduire
à la redéfinition des certains principes constitutionnels
cardinaux (section II).
SECTION I - L'AFFIRMATION D'UN DROIT A LA
DIFFERENCE
Parmi toutes les revendications qui se font en notre temps et
qui concernent la plupart des sociétés post-modernes figure le
droit à la différence193.En effet, toutes les
communautés ont des différences194 dont, l'expression
et la préservation constitue un droit qu'il appartient à
188 Juan Camilo SALAS CARDONA,
Démocratie pluraliste et droits des minorités,
op.cit., note 57.
189 Le jacobinisme est défini comme une doctrine
centralisatrice axée sur l'autonomie de l'individu dans son rapport avec
l'Etat. Voir René OTAYEK, « Démocratie,
culture politique, sociétés plurales. Une approche comparative
à partir de situations africaines », Revue française de
science politique, 47ème année, n°6, 1997.
pp. 798 - 822 (spéc.p. 809) ; Voir également Michel
BIARD, « Etat jacobin et centralisation ou la
pérennité de quelques idées fausses sur la
révolution française », Pouvoirs locaux, Presses
Universitaires de Paris Sorbonne, décembre 2009, pp. 1 - 5.
190 Jean Claude EKO'O AKOUAFANE, La
décentralisation administrative au Cameroun, op.cit., p.
28
191 C'est notamment ce que prescrivait l'ordonnance n°
62/OF/18 du 12 mars 1962 portant répression de la subversion.
192 Le multiculturalisme est une expression venue d'Outre -
Atlantique, qui signifie, la reconnaissance de multiples identités
culturelles au sein d'une même société. Voir Guy
HERMET et al, Dictionnaire de la science politique et des
institutions politiques, op.cit., p. 177.
193 François VALLANçON, «
Altérité et droits des minorités », in :
Henri PALLARD / Stamatios TZITZIS
(dir.), Minorités, culture et droits
fondamentaux, Paris, L'harmattan, 2001, pp. 89 - 109
(spéc.p.89).
194 Pour Georges WALD, si l'on ne tolère et ne cultive
pas les différences, l'on assistera à la fin de
l'évolution humaine. Cf. Narcisse MOUELLE KOMBI, La
démocratie dans la réalité camerounaise,
op.cit.,p.63.
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Le pluralisme au Cameroun
l'Etat de garantir et
d'aménager195.Affirmé par l'article 2 de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 et repris par le
préambule de Constitution du 18 janvier 1996, ce droit recouvre
plusieurs aspects, dont deux seront étudiés, à savoir
l'aspect ethnolinguistique (paragraphe I) et l'aspect religieux (paragraphe
II).
PARAGRAPHE I - LA DIMENSION ETHNOLINGUISTIQUE DU DROIT A
LA
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