B - L'OPPOSITION : UN CONTRE - POUVOIR NECESSAIRE
Le critère fondamental de la démocratie
pluraliste se trouve dans la reconnaissance de l'opposition174,
appréhendée comme le « critérium de la
démocratie véritable »175.Institution
vivante176 et protéiforme177, déployant son
action aussi bien dans le champ électoral que parlementaire, elle joue
généralement un rôle manichéen : contester le
pouvoir de la majorité (1) et en même temps le légitimer
(2).
171 Hans KELSEN cité par Basile
RIDARD, « la définition juridique de l'opposition
parlementaire en France et au Royaume - Uni », VIIIe Congrès
français de droit constitutionnel, Atelier «Aspects institutionnels
nationaux »
Nancy, 16 - 18 juin 2011, p. 1.
172 Philippe LAUVAUX, Les grandes
démocraties contemporaines, op.cit., p. 48.
173 Ibid.
174 Maurice DUVERGER cité par Mamadou
NDIAYE, E - Gouvernance et démocratie en Afrique : le
Sénégal dans la mondialisation des pratiques, Thèse pour
le doctorat en sciences de l'information et de la communication,
Uuniversité de Bordeaux 3, 2006, p. 30.
175 Georges BURDEAU cité par Léopold
DONFACK SOKENG, « L'institutionnalisation de l'opposition : une
réalité objective en quête de consistance »,
op.cit., pp. 47, 59.
176 Si l'on se réfère à la classification
du Doyen HAURIOU, qui distingue les « institutions
vivantes » des « institutions inertes », l'on se rend compte que
l'opposition de part ses fonctions appartient à la catégorie des
« institutions vivantes ».
177 L'opposition peut être définie sous deux
angles. Sur le plan électoral, c'est l'ensemble des partis politiques
ayant échoués aux élections et se trouvant exclus
partiellement ou totalement du pouvoir. Sur le plan parlementaire, c'est
l'ensemble des parlementaires (députés et sénateurs) qui
par leur vote se trouvent régulièrement dans la minorité
au parlement. Voir Delphine Edith EMMANUEL, «
L'institutionnalisation de l'opposition dans les Etats d'Afrique francophone
», Nouvelles Annales Africaines, 2012, p. 54.Voir
également Michel de VILLIERS, Dictionnaire de droit
constitutionnel, op.cit., p. 166.
Le pluralisme au Cameroun
1 - La fonction de contestation de
l'opposition
La fonction de contestation de l'opposition178
réside dans sa capacité à critiquer l'action du
gouvernement179. Depuis son institutionnalisation au Cameroun, elle
est sorti du « maquis », de la
clandestinité180.L'entrée des partis politiques de
l'opposition au parlement en 1992 a en effet marqué le début du
« nouveau parlementarisme pluraliste »181.En plus
de la plateforme électorale, l'opposition a désormais un nouveau
cadre d'expression qu'est le parlement. Depuis lors lors, la critique du
régime emprunte une voie plutôt pacifique, les moyens de
contestation usités étant dorénavant les meetings
politiques, les prises de positions dans les médias ou la pratique des
amendements des projets et propositions de loi.
Cette fonction de contestation participe de l'équilibre
de la société politique182. Le débat politique
se trouve ainsi porté sur la place publique, au grand bonheur du citoyen
qui n'hésite pas à donner son avis. Hormis ce statut d'instrument
de contestation, l'opposition contribue également à
légitimer le pouvoir de la majorité.
2 - la fonction de légitimation de
l'opposition
Corollaire essentiel de la libre concurrence
politique183 et sans laquelle le pouvoir ne serait qu'une valeur
d'acclamation184, l'opposition légitime le pouvoir
de la majorité d'une part dans la mesure où ce pouvoir a pour
essence une opinion majoritaire formée dans un climat de libre opinion
185.De manière triviale, c'est parce que les autres partis
politiques ont échoué que celui qui a réussi devient la
majorité.
178 Au Cameroun, plusieurs partis politiques d'opposition ont
été crées à partir de 1990, le plus actif d'entre -
eux demeure le S.D.F de Ni John FRU NDI.
179 Delphine Edith EMMANUEL, «
L'institutionnalisation de l'opposition dans les Etats d'Afrique francophone
», Nouvelles Annales Africaines, 2012, pp. 47 - 94
(spéc.p. 53).
180 Lire en ce sens Abel EYINGA, L'UPC,
une révolution manquée ? , vol. 13, Paris, Afrique
Contemporaine, 1991, 191 p.
181 Léopold DONFACK SOKENG, «
L'institutionnalisation de l'opposition : une réalité objective
en quête de consistance », op.cit., p. 60.
182 Delphine Edith EMMANUEL, «
L'institutionnalisation de l'opposition dans les Etats d'Afrique francophone
», op.cit., p. 56.
183 Philippe LAUVAUX, Les grandes
démocraties contemporaines, op.cit., p. 161.
184 Denis JOUVE, « Les droits de
l'opposition à la suite de la révision constitutionnelle de 2008
: atténuation ou renforcement de la démocratie majoritaire ?
», RDP, n° 2, mars 2014, pp. 445 - 471 (spéc.p.
445).
185 Delphine Edith EMMANUEL, «
L'institutionnalisation de l'opposition dans les Etats d'Afrique francophone
», op.cit., p. 56.
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33
Le pluralisme au Cameroun
D'autre part, la légitimation du pouvoir de la
majorité est la conséquence de la participation de l'opposition
à l'exercice du pouvoir. Les partis de l'opposition disposent
généralement de représentants au parlement et
contrôlent certaines municipalités. En effet, siègent
actuellement au parlement 32 représentants du SDF, à raison de 14
au sénat et 18 à l'Assemblée nationale186.Pour
ce qui est des municipalités, une kyrielle est contrôlée
par l'opposition187.
Elle conteste le pouvoir et le légitime en même
temps. Cette attitude, à première vue paradoxale de l'opposition
est somme toute logique et compréhensible dans une démocratie
pluraliste.
186 Suivi par l'UNDP (4 députés), l'Union
Démocratique du Cameroun (UDC) 4 députés, l'Union des
Populations du Cameroun (UPC) 3 députés, et le Mouvement pour la
Renaissance du Cameroun (MRC) 1 député.
187 C'est le cas de la mairie de Bafang contrôlée
par L'UMS, des mairies de Foumban, Koutaba, Massagan, Malentouen
contrôlées par l'UDC, de Bafoussam II par le SDF, de Tibati et
Galim par l'UNDP.
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Le pluralisme au Cameroun
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