Conseiller d'orientation et adaptation des adolescents de familles instables en milieu scolaire.par D&éberny Lopez AMAGNOU ETOLO Ecole Normale supérieure de Bertoua - Diplôme de conseiller d'orientation, pour le master en sciences de l'éducation 2020 |
9 CHAPITRE II : EXPERIMENTATION ET RESULTATSSelon le Guide de rédaction des mémoires en sciences de l'éducation, l'objectif de ce chapitre est de procéder à une présentation des données en respectant les exigences scientifiques. Alors, il est question de présenter d'une manière descriptive les résultats obtenus lors des échanges dans une première approximation, et de concrétiser dans une seconde approximation, les hypothèses émises. 9.1 PRESENTATION DESCRIPTIVE DES RESULTATSLa présentation des résultats dont il s'agit correspond à l'exposition des données observables et obtenues. Afin de mieux comprendre l'élève en milieu scolaire, le Conseiller d'orientation joue un rôle qui peut être résumé à quatre niveaux d'intervention qui se font avec lui, soit en séance d'information, soit en entretien individuel. Dans ce cas, l'apprenant en difficulté bénéficie de son accompagnement afin de chercher ensemble les solutions qui permettront de résoudre ses difficultés. Ainsi, il est demandé à l'apprenant de « raconter sa vie », et de fournir toutes les informations nécessaires dans l'optique de mieux comprendre ses problèmes. Cette action de suivi permanant est appelée « examen psychologique »7(*). Lequel, aux termes des travaux, peut faire l'objet d'un compte-rendu. 9.1.1 Identification des enquêtésL'identification des enquêtés s'est faite sous forme tabulaire. Par souci de confidentialité, des noms de code ont été attribués aux élèves choisis pour l'enquête. Tableau n° 4 : Identification des enquêtés.
9.1.2 Anamnèse des enquêtés et observations enregistréesOn présentera d'abord l'anamnèse avant les observations. 9.1.3 Anamnèse des enquêtésØ Sujet 1 : « Ena » est issue d'une fratrie de trois enfants dont elle est la dernière-née. Suite au divorce de ses parents, sa maman avec qui elle vivra désormais, voyant les conditions de vie difficiles, a trouvé bon de l'envoyer vivre à Bertoua chez une tante, qui lui avait proposée son aide d'avance. Révélatrice d'un caractère salvateur, l'aide ne pouvait être que la bienvenue. Une fois arrivée à Bertoua chez cette tante, la situation de la jeune fille se dégradait petitement. Ni la maman de la jeune fille, ni la jeune fille elle-même ne pouvaient s'imaginer qu'à Bertoua, la jeune fille serait mutée en domestique, ou du moins en « femme à tout faire » à la maison. Elle mange à peine le soir avant de dormir. Tout ceci la démotive, et finalement, elle veut retourner chez sa mère, malgré que celle-ci ne soit pas présentement dans une situation stable. Ainsi, voulant joindre ses paroles aux actes, et suite à ces traitements qu'elle qualifie de « durs », elle a effectivement informé sa maman à l'aide du téléphone d'une amie. Dès que sa tante l'a appris, et après discussions vives avec sa mère qu'elle a convaincue d'ailleurs de ce que la petite se trompait à ce sujet, elle lui a administrée des fessées sévères ; et depuis ce jour elle a multiplié ses tâches quotidiennes. Cette situation d'ajout à la maison a entrainé comme conséquences à l'école : des absences répétées, la somnolence en classe, des punitions régulières par le Surveillant de secteur du fait qu'elle est toujours en retard, de la procrastination, du stress en longueur de temps, et finalement de la boulimie intempestive. Tous les jours, dès que « Ena » rentre des classes, elle est contrainte d'effectuer des travaux champêtres. Aussi, elle est contrainte d'effectuer des éternels travaux ménagers chaque fois en soirée avant de se coucher. Elle dit que ses études sont menacées parce qu'elle manque de temps de repos, et de temps d'apprendre ses leçons. Ø Sujet 2 : « Oumar » est un jeune garçon issu d'une fratrie de quatre enfants dont il est le deuxième né. Son père est boutiquier et sa mère est restée ménagère depuis le divorce d'avec son père. Depuis lors, il a éprouvé d'énormes difficultés dans l'apprentissage des matières enseignées à l'école. Son papa jouait de temps en temps le rôle du répétiteur. De ce fait, il ne supporte pas le fait de vivre avec un seul de ses parents alors qu'il était habitué par le passé de vivre avec les deux. Sa maman avec qui il reste, n'a pas assez de moyens financiers pour subvenir à leurs besoins de base. Cette situation de précarité et d'indigence entraine que, les agents de la SONEL les ont suspendus de l'électricité. Et lorsqu'il se retourne vers son papa (sur incitation de sa mère), qui s'est de nouveau marié, ce dernier ne manque pas de les « envoyer se balader » ; car dit-il « votre mère saura quoi faire de vous ». De tous ses frères, il est le seul qui a essayé de poursuivre des études malgré cette situation déplorable. Les autres se sont presque livrés à la débauche. Etant le seul à aller à l'école, il n'a pas de soutien à la maison, il se bat seul à apprendre ses leçons. Dans la quête du bien-être, afin de chercher à relier « les deux bouts », il se voit souvent obligé de mener certaines tâches au quartier qu'il n'aurait jamais faites par le passé lorsque ses parents étaient encore mariés. De là, il consacre difficilement de temps à ses études ; d'où les devoirs souvent mal faits et parfois non faits. Quand même il a un peu de temps pour apprendre, il bute aux éternels « bavardages et embêtements » de la part de sa maman qui, rentrée tard de « ses routes », s'est livrée à l'alcool. Toute cette situation ne l'encourage pas, et veut de ce fait partir de la maison. Et si possible abandonner le chemin de l'école. Ø Sujet 3 : « Yonta » est un jeune garçon, fils unique à ses parents biologiques. Après le divorce de ceux-ci, il a été contraint de vivre avec son papa, qui s'est récemment remarié à une femme qui avait déjà deux enfants issus de sa précédente union. Son papa ne reste pas très souvent à la maison parce qu'il est chauffeur de grumiers. Entre-temps, sa maman est partie vivre dans une autre ville loin d'eux, où elle a eu également à se remettre en couple avec un homme qui n'envisage pas « hébergerles enfants de sa femme chez lui »; avançant comme argument que : « leur père est encore vivant ; et chacun s'occupe de ses enfants ». À la maison, il se retrouve très souvent à effectuer des tâches (ménagères) très lourdes et « dépassant ses forces ». Sa « nouvelle maman » ne manque pas de lui infliger des fessées même lorsqu'il estime n'avoir pas commis de fautes. C'est lui qui fait tout le ménage à la maison ; c'est lui qui fait toute la vaisselle, le repassage, et bien d'autres choses qui devraient en principe être partagées à tous les enfants vivant sous un même toit. Cet état de fait entraine comme situation : il manque de temps nécessaire pour se reposer et apprendre ses leçons. De surcroit, il n'a pas un emploi de temps personnel auquel il peut se référer ; donc il est inorganisé. Dans le même temps, ses « deux autres frères sont occupés à jouer», ne faisant rien d'important pour la maison ; tout au contraire, ils le « narguent parce qu'ils sont, eux,dans la maison de leur mère ». A chaque fois que « Yonta » décide de reporter à son papa tous ces sévices et ces traitements inégaux, dès qu'il revient des voyages en fin de semaine, il ne cesse de le renvoyer, lui disant qu'il est très fatigué. Mais, « comme par coup de magie », il arrive qu'il trouve un peu de temps et cause avec lui. Alors, dans leurs conversations, son papa éprouve de la compassion. Mais, il ne réagit pas tout de suite à cause du caractère acariâtre et grincheux de sa femme. Ce qui fait qu'ils sont toujours interrompus par elle. D'après « Yonta », sa « maman » intervient dans le but de les étouffer afin qu'il ne dise rien de concluant à son papa ; qui ne lui accorde même pas un peu d'attention. À la maison, il n'apprend pas ses leçons. Il arrive régulièrement en retard en classe et se fait punir par le surveillant. Il est toujours absent aux cours de rattrapage qui passent le samedi parce qu'il est contraint d'aller au champ. Il n'a pas quelqu'un qui le suit, et qui s'occupe de lui. Il se bat à trouver à manger seul quand il a été absent lors du repas à la maison. Ø Sujet 4 : « Aicha » vit avec sa mère, qui s'occupe d'elle et de ses quatre frères depuis son divorce avec leur père. Elle est l'ainée de cette fratrie. Sa maman est commerçante ; et occupe une place au marché de Monou. Elle est revendeuse de « couscous de manioc » et fruits qu'elle va acheter tous les week-ends à Batouri. Etant en classe d'examen, elle n'éprouve pas trop de difficultés de rétention des matières parce qu'elle est particulièrement intelligente. Elle a des capacités de retenir des matières lorsque l'enseignant est entrain de dispenser son cours. C'est elle qui joue le rôle de répétiteur à la maison pour ses autres frères qui, eux par contre, ont besoin d'être suivi continuellement afin de retenir leurs leçons. Sa maman lui confie toutes les responsabilités à la maison. Elle s'y prend bien. Toutefois, au regard de ce contexte élogieux, et de la place de choix qu'elle occupe à la maison, elle estime que « quelque chose lui manque ». En effet, un jour alors qu'elle discutait avec certains de ses camarades, l'un d'eux a eu à lui avancer « des paroles blessantes » au regard de ce qu'elle (et reprenant ce dernier) « se prend trop la tête ». Ce camarade lui rappelait qu'elle est « une enfant abandonnée » par son papa ; et donc, elle n'a en principe rien à dire à ceux qui sont d'une famille normalement constituée. Pour ce camarade, le fait pour « Aicha » de ne pas vivre avec ses deux parents comme les autres adolescents de son âge, il y a des choses qui lui échappent totalement. D'après lui, elle a beau être brillante et intelligente en classe, mais elle doit s'abstenir et se préserver lorsqu'elle est au milieu des enfants qui ont toute l'attention de leurs parents. Ces « mots blessants » l'ont amenée à se rétracter en classe. Elle est devenue presque inconfiante en elle. Elle s'est de plus en plus renfermée et devenue totalement émotive. Ses performances scolaires, qui étaient très bonnes avant cette situation à la première séquence, ont chuté à la fin du premier trimestre. De peur de se tromper, elle n'avait lus depuis ce temps, envie de lever sa main en classe lorsque les enseignants posaient des questions. Elle sortait difficilement lors des recréations ; préférait rester en classe et pleurait lorsqu'elle se retrouvait toute seule. Ø Sujet 5 : « Dalya » vit seule avec son papa qui ne s'est plus remis en couple avec une autre femme depuis que sa maman est partie en avril de l'année 2019. Etant dans une classe de dix élèves cette année, elle est la seule de seize élèves de la même classe l'an dernier qui a raté son examen. Ses précédents camarades ont pu passer tous leurs examens l'an dernier et poursuivent désormais leurs études dans diverses universités dans le pays. L'échec lui a beaucoup déplu parce qu'elle avait toujours de meilleures notes en classe ; elle était même parmi les premiers lorsqu'on leur remettait les résultats. A la rentrée scolaire de cette année, certains de ses anciens camarades, venus lui rendre visite dans l'optique de lui remonter le moral, ont pris compassion pour elle parce qu'elle ne se cachait pas pour pleurer. Dans leurs conversations, ils ne manquaient pas de lui dire que, « certes ils ne sont plus ensemble cette année, mais ils resteront en contact ; encore qu'elle n'est pas seule puisque d'autres camarades partagent la classe avec elle ». Justement, elle n'est pas seule dans sa classe. Mais le problème réside au fait que, ses nouveaux camarades viennent tous d'une même classe. Ce sont des anciens camarades, et pour d'autres ce sont des amis. En réalité, elle se retrouve parmi des gens qui ont un passé commun, des habitudes et attitudes communes; des gens qui s'entendent relativement tous. Car, ils sont très solidaires en classe. « Dalya » n'éprouve en réalité aucune gêne de se sentir au milieu des gens qui partagent tout leur quotidien ensemble. Mais, ce qui la dérange et la frustre, c'est la perception que ces derniers ont d'elle. En fait, ses nouveaux camarades la voient comme « une raté » ; comme « la plus nulle d'une promotion collective ». De surcroit, ils l'abandonnent toute seule sur un banc. Quand il arrive qu'ils n'aient pas cours, tous sortent se balader, la laissent couchée en classe. Ses moments favoris sont la lecture des bouquins, et romans qui lui rappellent certains souvenirs. Supposée être la meilleure élève de sa classe cette année au regard de son statut de redoublant, elle piétine encore ; toute chose corroborant les dires de ses camarades. Pour « Dalya », ce que ses camarades ignorent est qu'elle était l'une des plus brillants élèves de cette même classe l'an d'avant. C'est le départ de sa maman qui a bouleversé tout en elle. Son seul souhait est d'arrêter les études. Elle n'y trouve plus d'intérêt. Sa seule source de motivation était sa maman qui ne l'avait jamais abandonnée par le passé. Elle la conseillait toujours, et lui montrait toutes les choses aussi basiques qu'elles fussent par moment. En classe, il arrive que certaines de ses camarades parlent en mal d'elle parce qu'elle ne fait « pas son âge ». Et très souvent, la raison en est que, le centre de discussion de ces dernières ne l'intéresse pas. « Elles parlent de garçons, des sorties les week-ends, des charters ; elles évoquent même toutes leurs dérives commises entre elles ». - Commentaires Voici présentées ci-dessus les différentes histoires de vie des adolescents qui ont été choisis pour constituer l'échantillon de cette étude. Ces histoires ont été contées à l'occasion de nos premières rencontres au bureau du service de l'orientation-conseil du Lycée; généralement pendant les heures de pause. Le moment de ces entretiens a été délibérément choisi dans le souci de ne pas perturber les heures de cours. Mais aussi, dans le souci de ne pas occuper les heures de sortie des classes qui allaient pour la plupart des sujets à 17h. Pour d'eux, des tâches ménagères les attendaient à la maison, et il ne fallait pas être une cause de réprimande contre eux par « leurs parents », une fois qu'ils seront arrivés à la maison. Afin d'avoir amples informations, il faut souligner que nous avons rencontré certaines personnes qui partagent plus ou moins le quotidien de ces adolescents à l'école dans l'optique d'avoir des contre-indications. Dans la plupart du temps, c'étaient les Surveillants Généraux, leurs Professeurs titulaires, leurs amis, leurs camarades de bancs. Les dires de ces personnes d'ajout pouvaient aider l'analyse à étendre des perspectives plus concluantes. Quelques tests leur ont été passés opportunément. Notamment, l'EMT de Cantineau. Ce test a pour objectif de déterminer les attitudes vis-à-vis du travail scolaire. Il permet en réalité d'observer chez l'apprenant quatre niveaux : l'organisation du travail (Planning et timing) ; la technique d'étude et de méthode de travail ; la concentration ; la motivation. En outre, en dehors de l'EMT, il fallait faire recours à d'autres méthodes pratiques faisant intervenir des outils à l'exemple de l'entretien clinique. Cette méthode contribue à la démarche diagnostique en s'appuyant sur les informations, mais aussi sur l'observation du comportement non verbal. C'est au regard de ces entretiens que certains maniérismes ont été observés, et enregistrés. * 7L'examen psychologique est donc cette méthode de connaissance et de compréhension de l'individu, visant d'une part à obtenir un éclairage sur la nature et les origines des difficultés de l'élève ; et d'autre part, à lui proposer des solutions |
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