8.1.8 La
théorie écologique
L'approche écologique dans les théories de
l'apprentissage concerne, comme plusieurs autres théories, le
« sujet-apprenant ». Elle a un contenu qu'il faut excaver.
Ø Consistance de la théorie
L'approche écologique, extraite fondamentalement de
Vygotsky et Lewin (cité par G. Absil, Vandoorne, Demarteau, 2004) trouve
son essor théorique dans les travaux du psychologue russe Bronfenbrenner
(1979), théoricien du développement humain. Connue surtout par la
modélisation des emboitements de milieux qui interagissent entre eux et
concourent au développement de l'enfant, la théorie
écologique stipule à l'origine que, « les
interactions sociales sont essentielles pour le développement de
l'intelligence » : c'est la théorie du
développement social telle que préconisée par Vygotsky
(1985) pour qui, cette théorie met l'accent sur le rôle de la
culture, des interactions sociales et du langage dans le développement
cognitif de l'enfant. Deux idées la soutiennent: le
« MKO » et la ZPD.
La première idée représente l'image d'une
personne qui possède une connaissance, une maitrise plus
élevée que l'apprenant. La seconde indique la différence
entre ce qu'un enfant peut accomplir seul et ce qu'il peut accomplir lorsqu'il
est accompagné et encouragé par un « MKO ».
Bronfenbrenner (1979, 1986), ajoutant l'idée que le comportement est
fonction des interactions entre les personnes et leur environnement reprendra
les deux idées de Vygotsky (1985) et formera sa pensée qui
permettra de le démarquer.
L'écologie du développement humain implique
donc, l'étude scientifique de l'accommodation progressive et mutuelle
entre un enfant et les changements des propriétés des milieux
dans lesquels il vit ; étant donné que ce processus est
influencé par les relations entre ces milieux et les contextes qui les
englobent. Techniquement, cette théorie repose sur une idée
motrice : l'environnement, au sens large
influence le développement de l'enfant. Il développe une
taxonomie des environnements emboités. Ainsi, l'environnement dans
lequel l'enfant vit est représenté comme une série de
milieux ajustés les uns dans les autres, à l'image d'une
poupée russe. Le développement de l'enfant se produit dans
l'interaction de quelques types d'environnements: le
microsystème, le chronosystème,
l'exosystème, le macrosystème, et le
mésosystème. Ces environnements, appelés
systèmes sont différenciés selon le degré de
participation de l'enfant et de ses parents (la mère surtout), selon que
l'enfant et ses parents sont directement acteurs et impliqués.
Le microsystème est un milieu social
formé des groupes ayant un contact direct et plus ou moins étroit
avec l'enfant. Cet environnement a un effet à géométrie
variable sur lui. Ses composantes sont la famille d'un coté, et
l'école de l'autre coté. Ils abritent alternativement l'enfant.
Et c'est du fait de ce tour à tour qu'ils parviennent à produire
des effets sur lui. En réalité, si la famille est harmonieuse,
l'enfant aura des bonnes performances à l'école, et son avenir
est certain. Par contre, si la famille connait des turbulences, l'enfant aura
moins de chance à s'adapter à l'école, et son avenir est
contingent.
Le mésosystème quand à lui est
constitué des relations existantes entre ceux du premier niveau que
sont l'école et la famille. De cette façon, la relation des
parents avec les enseignants de l'enfant aura une influence directe sur
l'enfant. L'exosystème pour sa part,est lié à des
éléments qui affectent la vie de l'enfant. Cependant, ces
éléments n'ont pas de relations directes avec lui mais il subit
l'influence de l'extérieur. C'est le cas de l'entreprise dans laquelle
travaillent les proches du parent. Quant au macrosystème, il se
compose des éléments de la culture dans laquelle est
plongée l'enfant. Ici, l'influence se produit parce que les
éléments déterminent la façon par laquelle les
autres systèmes peuvent s'exprimer. Le chronosystème
enfin, fait référence au moment de la vie où se
trouve la personne, en lien avec les situations qu'elle vit peu à peu.
Il peut s'agir du décès d'un parent survenu à un âge
relativement fragile de l'enfant.
Ø Synthèse de la
théorie
Urie Bronfenbrenner insiste sur une notion fondamentale :
celle de l'interaction, de l'interdépendance entre les systèmes
dans lesquels le développement de l'enfant est possible. Cette
théorie est l'une des explications les plus souffertes à propos
de l'influence du milieu social sur le développement des personnes.
L'hypothèse de base est que, l'environnement dans lequel grandit le
sujet affecte tous les plans de sa vie.
Pour Bronfenbrenner, la façon d'être des enfants
change en fonction de l'environnement dans lequel ils évoluent.
S'inspirant de son vécu, il a donc décidé d'étudier
les éléments qui conditionnent le plus le développement
infantile. Il comprenait l'environnement comme un ensemble de systèmes
reliés entre eux. Toutefois, cette théorie n'est pas
restée sans bémols.
Ø Limites de la théorie
Bien que séduisante, l'approche écologique
développée par Bronfenbrenner a connu de critiques incisives et
est restée trop souvent annihilée au moyen d'un schéma
quasi vide de sens : « la poupée russe ». Mais
d'une manière spécifique, Bouchard (1987), Absil et Vandoorne
(2004) se sont faits remarqués comme les principaux examinateurs.
Pour Bouchard (1987), bien que depuis maintenant près
de dix ans l'approche écologique a gagné la curiosité, la
sympathie et, parfois l'engouement des intervenantes de différents
domaines de la santé et des services sociaux, elle ne prescrit cependant
aucune technique spécifique ; elle ne produit aucun
« guide de l'usage », ne propose aucun
« kit » d'intervention, aucun élément que les
intervenantes pourraient rapidement ajouter à leur boîte à
outils. En outre, elle présente même, à première
vue, des éléments auxquels les milieux de l'intervention ont
déjà été sensibilisés et qui ont
été pour plusieurs, critiqués ou rejetés :
analyse de type systémique ou structurel, analyse fonctionnelle et
carrément pragmatique et empirique, abondance de
références à des facteurs qui dépassent largement
le pouvoir d'influencer de l'intervenant vu dans son cadre de définition
de tâches. Etc.
Absil et Vandoorne (2004), pensent pour leur part que, la
théorie écologique est avant tout interactionniste :
l'individu se développe en interaction avec son environnement. En fait,
dans cette théorie, il n'y a pas de place pour l'individu en dehors du
microsystème. D'ailleurs, il s'agit d'une théorie du processus de
développement et non d'une théorie de l'individu.
Belski (cité par Absil, et al, 2004) collaborateur de
Bronfenbrenner, a ajouté aux différents systèmes
l'ontosystème, c'est-à-dire l'individu en interaction
avec lui-même et porteur de caractéristiques propres.
L'introduction de l'ontosystème forcerait à conclure
qu'un microsystème est un système
d'ontosystèmes en interaction, ce que Bronfenbrenner nomme une
« dyade », c'est-à-dire la relation engagée
entre deux personnes. La qualité d'une dyade, c'est-à-dire ses
effets potentiels, dépend du degré de réciprocité
dans l'activité et du passage petit à petit du pouvoir en faveur
de la personne en développement. Absil, et al, (2004), n'ont pas
insisté sur l'ontosystème dans la
présentation de la théorie Bronfenbrennerienne, ce pour plusieurs
raisons.
Tout d'abord, Bronfenbrenner, inspiré par Lewin, est
très attentif aux rôles des personnes engagées dans
l'interaction. L'individu est donc implicitement présent, mais jamais
seul. Ensuite, il semble que l'ensemble de ces concepts préserve la
couture entre l'individu et la société. Le débat à
propos de l'ontosystème se greffe sur la question de la sur
responsabilisation de l'individu et des dérives liées
à l'utilisation sociale de la génétique. D'une part,
nier l'originalité de chaque individu serait le condamner au
déterminisme social ; d'autre part réifier l'individuation
revient à nier la dimension collective et sociale du sujet. Or, l'accent
mis sur le développement comme processus d'interaction entre la personne
et son environnement ouvre la voie à un retour du « social »
et du déterminisme qu'il engendre, sans que ce déterminisme ne
soit une fatalité. La théorie du développement humain
n'est pas une théorie de la soumission de la personne au
déterminisme, il s'agit plutôt de l'exploration des processus
d'apprentissage qui permet à la personne de « maîtriser
», de composer, de transformer son environnement. La pensée de
Bronfenbrenner est toujours systémique : les environnements sont des
systèmes qu'il faut envisager dans leur complexité.
Réduire ces systèmes à un seul de leur composant conduit
à une mécompréhension préjudiciable de la
théorie.
Ø Plus-value de la théorie
La théorie écologique de Bronfenbrenner n'est
pas parfaite. Mais elle a son pesant scientifique. Elle s'applique dans de
nombreuses disciplines. Même si elle ne prend pas en compte les facteurs
biologiques, il s'agit de l'une des meilleures explications qui existent
à propos de la façon dont les différents groupes sociaux
influencent sur la vie d'une personne. Aussi, malgré qu'elle fut sous
exploitée, elle continue d'inspirer les chercheurs, notamment en
santé publique qu'il s'agisse de prévention ou
d'épidémiologie.
Elledonneàtouslesindividusunemeilleurecompréhensiondece
qu'ilspeuventfairepourconstruireunmeilleurfutur. Que dire de la théorie
de l'attachement ?
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