8.1.6
Théories explicatives du sujet
La théorie retenue, qui sous-tend substantiellement
cette étude est l'étayage. Mais, elle est
accompagnée par deux autres qui en effet, permettent de comprendre
davantage, non seulement sa consistance, mais les situations éparses des
adolescents des familles divorcées. Il s'agit des théories :
écologique et de l'attachement.
8.1.7 La
théorie de l'étayage
Le concept d'étayage en pédagogie renvoie
à la théorie de Bruner (1983) et à l'intervention de
l'adulte dans l'apprentissage de l'enfant. Elle se présente comme
suit :
Ø Consistance de la théorie
Étymologiquement, le terme étayage provient de
l'allemand Anlehnung, qui signifie « appuyer sur, se poser
sur... ». La compréhension à se faire de la
théorie de l'étayage amène à se focaliser sur ce
sens premier, retenu par la tradition psychanalytique. Elle désigne
l'ensemble des interactions d'assistance de l'adulte permettant à
l'enfant d'apprendre à organiser ses conditions afin de pouvoir
résoudre seul un problème qu'il ne savait pas résoudre au
départ.
S'inspirant de l'exposé de Djamila, Piaget (1896-1980)
pense que l'environnement social n'influence que de manière marginale le
développement cognitif. Il n'est pas constitutif de l'activité
mentale. Le rôle du langage est secondaire dans le développement
de la connaissance. Vygotsky (1985) quant à lui, considère que
l'enfant grandit en interaction étroite avec deux aspects de la culture:
les outils qu'elle produit (langage écrit et oral) et les interactions
sociales (entre adultes et enfants et entre enfants). Et pourtant, l'apparente
contradiction des deux approches n'a pas dissuadé Bruner (1983) d'en
concilier les apports.
Bruner (1983) s'inspire du modèle de
l'équilibration de Piaget (1896-1980) pour proposer un modèle
d'acquisition des connaissances « en spirale ». Les notions
enseignées dès l'enfance doivent être vraies,
verbalisées correctement et adaptées à la structure
cognitive de l'enfant. Par accommodation et sous l'influence du langage,
l'enfant parviendra à élaborer des systèmes conceptuels
performants et accéder aux modes de représentation symboliques.
Il préconise une pédagogie de la découverte. Mais accorde
un rôle capital au maître en tant que médiateur des
apprentissages.
Bruner (1983) s'intéresse à la façon
dont les adultes « organisent le monde pour l'enfant dans le but
d'assurer sa réussite dans l'apprentissage des concepts ».
L'interaction sociale est nécessaire ; c'est-à-dire
l'interaction interpersonnelle entre l'enfant et l'adulte dans le contexte de
la culture. Il parle « d'interaction de tutelle »
qui existe entre un adulte et un enfant, et par laquelle l'adulte essaie
d'amener l'enfant à résoudre un problème qu'il ne saurait
résoudre seul. À ce propos, il compare ces interactions à
un système de support. Pour lui, « ce système de
support, fourni par l'adulte à travers le discours ou la
communication (...), est un peu comme un étayage,
à travers lequel l'adulte restreint la complexité de la
tâche permettant à l'enfant de résoudre des
problèmes qu'il ne peut accomplir seul ». L'étayage
est ainsi lié au concept de ZPD, concept issu du travail de Vygotsky
(1985). Ceci dit, l'étayage devient une aide provisoire, et le tuteur
prive peu à peu l'apprenant des aides dont il disposait pour lui
permettre de réaliser la tâche. C'est le principe de
« désétayage ».
Bruner (1983) reconnait six fonctions de l'étayage
caractérisant ce soutien temporaire de l'activité de l'enfant par
l'adulte : il s'agit de : l'enrôlement,
la réduction des degrés de liberté,
le maintien de l'orientation, la signalisation des
caractéristiques déterminantes, le
contrôle de la frustrationet de démonstration/
présentation des modèles de solution.
Pour ce qui est de l'enrôlement, il faut susciter
l'adhésion de l'enfant aux exigences de la tâche. S'agissant de la
réduction des degrés de liberté, la simplification de la
tâche est importante, ceci en réduisant la difficulté du
processus de résolution. Pour le maintien de l'orientation, il faut
faire en sorte que l'enfant ne change pas d'objectif durant la
résolution de la tâche et qu'il conserve le but initialement
fixé. La signalisation des caractéristiques
déterminantes quant à elle, permet de faire prendre
conscience à l'enfant des écarts qui existent entre ce qu'il
réalise et ce qu'il voudrait réaliser. Le contrôle de la
frustration préconise d'essayer de maintenir l'intérêt et
la motivation de l'élève en utilisant divers moyens et en
prémunissant d'une trop grande dépendance. Pour la
démonstration enfin, il faut présenter sous une forme
« stylisée » la solution de l'élève,
pour qu'il tente de l'imiter en retour sous la forme appropriée.
Ø Synthèse de la théorie
La théorie de l'étayage est un concept
lisière entre psychanalyse et éthologie. Elle stipule
brièvement que, le jeune enfant a besoin nécessairement de
l'accompagnement d'un adulte pour arriver à se suffire personnellement.
Dans ce processus, l'adulte expert, assure un rôle pédagogique
afin de permettre à l'enfant d'accomplir une tâche qu'il n'aurait
pu effectuer tout seul. À ce propos, dans le cadre de l'école, le
déroulement du cours et les objectifs pointés sont
« pensés » par l'enseignant. Une fois qu'un contrat
didactique est établi entre les inter actionneurs, les stratégies
d'étayage de l'enseignant peuvent se déployer. Ici,
l'appropriation des savoirs se fait suivant que, l'enseignant voit l'apprenant
agir (seul), tout en le guidant. Cette tutelle donne à voir que
l'étayage permet à l'apprenant de dépasser le niveau
actuel de son expérience. Selon Bruner (1983 : 263) :
« la plupart du temps, l'intervention d'un tuteur comprend une
sorte de processus d'étayage qui rend l'enfant capable de
résoudre un problème, de mener à bien une tâche ou
d'atteindre un but qui auraient été, sans cette assistance,
au-delà de ses possibilités ». De son coté,
l'enfant doit reconstruire pour son propre compte le savoir qui est mis
à sa disposition.
Bien que consistante, la théorie de l'étayage
reste relative.
Ø Limites de la théorie
De prime abord, le caractère complexe de cette
théorie n'amène pas à nettement la saisir. Entant que
« pédagogie par découverte », les principaux
postulats de base de l'étayage ne permettent pas de savoir
préalablement dans quel type de pédagogie par découverte
elle s'inscrit. C'est après moult réflexions qu'on sait qu'elle
défend une pédagogie par découverte fortement
guidée par l'enseignant. De principe, il existe deux types de
pédagogies par découverte : les pédagogies
non-guidées, qui limitent la participation de l'enseignant au strict
minimum, et les pédagogies guidées, dans lesquelles l'enseignant
enseigne les prérequis et guide fortement la découverte.
En outre, Vannier (2006) s'illustre comme l'un des auteurs
ayant éprouvé de gênes. Elle rend compte d'observations
réalisées auprès d'adolescents, scolarisés dans des
institutions dédiées aux élèves reconnus en
échec dans le cursus normal du collège. Selon elle, l'analyse des
pratiques enseignantes met en évidence la difficulté à
maintenir les conditions d'un progrès cognitif pour tous. De ce fait,
elle aborde la question de la transposition du concept de tutelle telle que
examiné par Bruner (1983) dans un cadre scolaire. Sa difficulté a
trait aux questionnements suivant, « comment aider les
élèves qui ont du mal à apprendre ? »
à ceci, quelles compétences professionnelles développer
pour arriver à la réussite de ces derniers? Pour répondre
à ces questions, Vannier (2006) souligne que le sujet doit
bénéficier d'une aide appropriée, dans la
réalisation des tâches pour lesquelles il ne dispose pas encore de
toutes les compétences requises, qu'il peut accéder dans un
second temps.
La difficulté ci-dessus exprimée d'une
manière interrogative de Marie-Paule Vannier, peut être
retranscrite dans le cadre de ce travail, car suscitant tout
l'intérêt qui y est porté. Le fait est que, Bruner confie
dans l'entièreté cette délicate tâche (l'aide
appropriée) au didacticien sachant pertinemment qu'il n'a reçu
qu'une formation lapidaire et rudimentaire voire flasque en la matière.
Cette tâche est à confier au spécialiste de la question.
Ø Plus-value de la théorie
Quoi qu'il en soit, il est clair que la théorie de
l'étayage a tout son pesant dans le cadre de cette réflexion. En
effet, grâce à elle, le tuteur sait assurément comment
manier l'interaction entre l'apprenant et lui. Ceci, en accordant ses
interventions aux capacités des élèves ainsi que tous ses
processus d'ajustement (Granaty et Chemla, 2004). Parce qu'il est un geste
professionnel (Bucheton, 2009), la pratique de l'étayage revient
à faire un métier qu'il faut reconnaitre à
« l'étayeur », qu'il partagera soit de
manière explicite, soit implicite avec les membres d'une
communauté professionnelle.
Aussi, en milieu scolaire, grâce à
l'étayage, le Conseiller d'orientation fait avec son client pour
l'accompagner dans ses apprentissages et dans la mise en place de conduites et
attitudes qui leur sont propices. C'est l'intervention du maitre dans un espace
d'apprentissage que l'élève ne peut mener seul (Bucheton,
2009 : 59).Qu'en est-il de la théorie écologique ?
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