B- Le contrôle budgétaire
spécifique des actes budgétaires
Sur le fondement des articles 338 et 339 de la loi organique
001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation, le
représentant de l'Etat intervient tout au long de la procédure
d'élaboration pour assurer le respect des règles
budgétaires applicables aux collectivités locales.
Il ressort de l'article 339 que « l'autorité
de tutelle rejette l'acte budgétaire d'une collectivité locale
dans les cas suivants : lorsque l'acte n'a pas été établi
conformément aux lois et règlements ; lorsqu'il a
été omis l'inscription des dépenses obligatoires ; lorsque
les crédits ouverts pour faire face aux dépenses obligatoires
sont insuffisants ; lorsqu'il apparait une sur-estimation ou une
sous-estimation substantielle des recettes ou des dépenses
réelles ». Autrement dit, il existe plusieurs cas d'ouverture
prévues par la loi : la date de vote et de transmission du budget
primitif, l'équilibre réel du budget, la date de vote du compte
administratif et son équilibre, le défaut d'inscription ou de
mandatement des dépenses obligatoires et enfin, la conformité des
marchés passés par la collectivité locale.
Lorsque la date du vote n'est pas
respectée. Les actes budgétaires des
collectivités locales doivent être élaborés dans un
cadre temporel précis, que ce soit pour les actes budgétaires
prévisionnels comme ceux rétrospectifs. L'autorité de
tutelle doit s'assurer alors que l'adoption de ces actes budgétaires
soit respectueuse des délais impartis par les textes.
Selon l'article 274 de la loi organique 001/2014, le budget
primitif est arrêté, délibéré et
adopté au plus tard le 30 novembre de l'année qui
précède l'année d'exécution du budget
concerné. Alors que le budget additionnel est établi,
délibéré et adopté au plus tard le 30 juin de
l'année en cours.
Si le Conseil local concerné n'a pas voté son
budget avant la date limite alors qu'il a reçu les informations
indispensables à l'établissement du budget, le président
du
40 Non seulement l'autorité de tutelle n'a pas à
justifier d'un intérêt à agir, comme c'est de rigueur dans
le recours de droit commun ; mais encore le décompte du délai ne
cours qu'à compter de la transmission des actes locaux, notamment
budgétaires et financiers ; enfin, le champ d'application de ce recours
pourrait même être plus large que celui du traditionnel recours
pour excès de pouvoir.
41 Lire l'article 360 de la loi organique n°001/2014 du 15
juin 2015 relative à la décentralisation.
Mémoire de Master 2, présenté par
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Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
conseil reconduit le budget de fonctionnement, uniquement, de
l'exercice en cours après avis consultatif de l'autorité de
tutelle42.
Précisons cependant que dans la pratique, les
collectivités locales sont tenues d'attendre les plafonds
budgétaires avant de préparer leurs budgets43. Or, ces
plafonds arrivent souvent avec des retards. Toute chose qui est de nature
à rendre illusoire le respect des délais légaux de
dépôts desdits actes.
Hormis ces retards, il convient de souligner le manque
d'évaluation préalable à la fixation des plafonds
budgétaires, car les besoins exprimés par les
collectivités locales devraient être pris en compte par la
tutelle.
- Lorsque le budget n'est pas vote en
équilibre44. En effet, à l'opposé du
principe
fondamental de l'équilibre du budget
général de l'Etat, dans lequel il est admis l'existence de
déficit, l'équilibre financier des collectivités locales
n'accepte aucune dérogation. Ce principe veut que les montants retenus
dans leurs budgets respectifs, et correspondants aussi bien aux recettes qu'aux
dépenses, soient strictement égaux. Les collectivités
locales doivent par conséquent réaliser un même
équilibre réel dans chaque section budgétaire. Cette
règle de l'équilibre récuse non seulement tout
déficit mais aussi tout excèdent. Cela dit, l'ensemble des
recettes et des dépenses doivent être exactes. Les élus
locaux doivent alors évaluer les recettes et les dépenses avec
justesse mais encore avec sincérité45.
Si le projet de budget n'a pas été voté
en équilibre réel, le représentant de l'Etat doit d'abord
constater le déséquilibre dans les 15 jours qui suivent sa
transmission. Il propose, par la suite, dans les 15 jours qui suivent ce
constat, les mesures nécessaires au rétablissement de
l'équilibre budgétaire, en saisissant le président du
conseil local. Ce dernier le soumet alors dans les dix (10) jours à une
nouvelle délibération du conseil municipal. Celui-ci doit statuer
sous huit (8) jours, et le projet de budget est immédiatement
renvoyé à l'autorité de tutelle locale. Si le projet de
budget n'a pas de nouveau été voté en équilibre, le
Ministre de l'intérieur est alors sollicité avant la saisine de
la cour des comptes par le président du conseil.
42 Cf. article 266 de la loi organique 001/2014 du 15 juin 2015
relative à la décentralisation.
43 C'est le Ministre de l'intérieur et celui en charge
des finances qui fixent, avant le début de l'exercice budgétaire,
« les plafonds budgétaires annuels ». Ce sont des montants de
budgets ou des taux au-delà desquels les budgets locaux ne peuvent
être approuvés par les services centraux de l'Etat. Ils sont
fixés lors des réunions des techniciens des Ministères de
l'Intérieur et des Finances. Ces derniers se réfèrent aux
réalisations des trois dernières années.
44 L'équilibre présente un caractère
impératif pour les collectivités locales. En effet contrairement
à la loi de finances de l'Etat qui peut connaitre un
déséquilibre prévisionnel qualifié d'impasse par la
doctrine, le budget local doit être impérativement
équilibré. Pour ce faire 3 conditions sont à respecter :
les deux sections du budget doivent chacune présenter un
équilibre entre recettes et dépenses ; les techniques
d'évaluations réglementaires doivent être respectées
lors de l'élaboration du budget et enfin l'intégralité de
la dette arrivée à échéance doit être
couverte par un prélèvement opéré sur la section
fonctionnement.
En outre le principe de l'équilibre budgétaire
subordonne la validité des modifications proposées par les
conseillers locaux lors de l'adoption du budget à l'acception de
l'ordonnateur. En cours d'exécution la collectivité locale doit
présenter un solde constamment positif.
45 Ils ne doivent pas surévaluer les dépenses ou
sous-évaluer les recettes.
Mémoire de Master 2, présenté par
Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 26
Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
- En cas de déficit révélé
par l'arrêté des comptes. Pour ce qui est
spécifiquement du contrôle des actes budgétaires de bilan,
il ressort que lorsque l'exécution du budget du dernier exercice clos
fait apparaitre un déficit, le représentant de la tutelle devra
veiller, à ce que soient adoptées par le conseil municipal
intéressé toutes les mesures utiles à la résorption
de ce déficit. En cas d'insuffisances de ces mesures, il inviterait le
conseil à délibérer dans les quinze (15) jours, sur de
nouvelles propositions qu'il adresserait par lettre recommandée au Maire
de la commune intéressée46. Si, à l'expiration
de ce délai, le conseil municipal n'a pas voté les mesures
proposées par l'autorité de tutelle, celles-ci seront
fixées par décision de la juridiction des comptes
compétente, et l'acte sera établi par arrêté du
Ministre de l'intérieur47.
- Défaut d'inscription de dépenses
obligatoires. Lorsque le représentant de l'Etat, de sa propre
initiative ou saisi par le comptable public ou toute personne y ayant
intérêt, constate qu'une dépense obligatoire48
n'est pas inscrite au budget ou l'est pour une somme insuffisante, il adresse
une mise en demeure à la collectivité locale concernée. Si
dans le délai de quinze (15) jours, cette mise en demeure n'est pas
suivie d'effet, le représentant de l' Etat inscrit cette dépense
au budget de la collectivité locale et propose, s'il y a lieu, la
création de ressources ou la diminution de dépenses facultatives
destinées à couvrir la dépense obligatoire. Le
représentant de l'Etat, après avis de la juridiction des comptes,
règle le budget rectifié en conséquence et le rend
exécutoire.
Pour ce qui est des marchés passés par la
collectivité locale, le représentant de l'Etat s'assure que les
conventions de marchés publics soient conformes à la
réglementation en la matière. Il vérifie la
régularité de la procédure de passation, l'existence de
l'imputation budgétaire, le montant du marché, le dossier
juridique du soumissionnaire retenu, ...
Depuis la réforme administrative de 2014, l'exigence
désormais est celle de l'obtention préalable du visa de
l'autorité de tutelle des collectivités locales uniquement, avant
l'examen technique par les services de la DMP et l'approbation du projet de
convention de marché par le DGBFIP. Autrement dit, les conventions de
marché ne sont plus approuvées par le Ministère de
l'Intérieur en charge de la décentralisation mais par le
Ministère du budget et des comptes publics.
Notons, par ailleurs, que le représentant de l'Etat
veille à la régularité de l'exécution du budget
local. Il peut, à tout moment, procéder à une
vérification sur place de la comptabilité de l'exécutif
local et exiger la production de documents ou pièces justifiant la
46 OBIANG Jules, Mémoire de Maitrise en droit
public, op.cit.p23.
47 Rappelons que la loi organique n°15/96
prévoyait que c'est le juge des comptes qui, sur saisine du
Préfet ou Gouverneur, fait des recommandations utiles à la
résorption de ce déficit à l'occasion de
l'établissement du budget suivant. La nouvelle loi organique donne,
elle, cette compétence au président du conseil et non à
l'autorité de tutelle.
48 Pour ce qui est des dépenses obligatoires,
il en existe deux principales : les dépenses d'intérêt
public local et les dépenses de transfert. Pour les premières, il
s'agit des dépenses relatives à la rémunération du
personnel local, les dépenses de matériel et aussi les
dépenses d'entretien et d'élargissement du patrimoine ou
d'investissement. Pour les secondes, on y trouve les participations,
allocations, subventions et frais financiers.
Mémoire de Master 2, présenté par
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Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
légalité des initiatives financières. Au
demeurant ces vérifications sont rarement opérées. Elles
interviennent généralement lorsqu'elles sont susceptibles de
déceler des irrégularités ou des négligences dans
la gestion financière de l'ordonnateur. Gestion au terme de laquelle, un
compte administratif produit par l'ordonnateur lui est transmis. Le
représentant de l'Etat y examine les opérations
réalisées ainsi que les restes à réaliser pour
s'assurer de leur sincérité. Il vérifie la
conformité de cet acte rétrospectif avec la comptabilité
des engagements49 tenue au fur et à mesure de
l'exécution budgétaire par l'ordonnateur.
Le représentant de l'Etat exerce son contrôle a
priori50 par deux mécanismes : le pouvoir
d'autorisation51 et d'approbation52 préalable. De
même, subsiste le pouvoir de substitution d'action de la tutelle en
matière d'actes financiers locaux53.
En conclusion, on peut dire que le représentant de
l'Etat doit veiller à la légalité de l'élaboration
et de la mise en oeuvre du budget. Cette obligation découle qui fait de
lui le
49 La comptabilité des engagements de dépense
est une comptabilité de prévisions qui a pour but de fournir,
à tout moment, l'évaluation approchée des dépenses
imputables à l'année budgétaire en cours.
50 Selon Charles EISENMANN, ce contrôle a priori est la
condition de « l'entrée dans l'ordre juridique, comme un de ses
éléments, c'est l'acquisition de la force ou valeur juridique,
c'est-à-dire, de la force ou valeur de norme ». (Cf. Ch.
EISENMANN, Cours de droit administratif, Tome 1, Paris, LGDJ, 1982,
p.260).
Dans le droit gabonais des collectivités locales, le
régime de l'entrée en vigueur des actes budgétaires des
collectivités locales est conditionnés par des mécanismes
relevant d'un contrôle dit « contrôle a priori », parce
que s'exerçant justement avant cette entrée en vigueur, pour la
permettre ou pour l'en empêcher.
51 Le pouvoir d'autorisation concerne les « mesures
envisagées par les autorités décentralisées et
qu'elles ne peuvent décider que si elles ont, au préalable,
obtenu l'autorisation nécessaires », c'est-à-dire, le
quitus des autorités de tutelle. Dès lors, il s'agit d'un
pouvoir, ou « d'une faculté d'autorisation », lorsque
l'autorité sous tutelle qui envisage prendre une décision ou
effectuer une opération, doit d'abord s'en remettre à
l'autorité tutélaire pour que celle-ci se prononce sur l'adoption
ou la non-adoption de l'acte ou de l'opération. On peut ainsi citer les
autorisations requises auprès de la direction des marchés publics
(DMP) du ministère du budget, pour toute passation de marché
public local par la procédure de l'entente directe notamment.
52 Le pouvoir d'approbation quant à lui, «
intéresse les décisions prises, mais dont le caractère
exécutoire est subordonné à leur approbation, qui
rétroagit à la date de leur édiction ». Ici,
contrairement au premier pouvoir étudié, la décision ou
l'opération est déjà adoptée ou conclue, c'est
seulement celle de son entrée dans l'ordonnancement juridique qui
dépend de l'autorité de tutelle, qui peut l'accepter ou la
refuser. Son caractère exécutoire dépend alors de la
tutelle. C'est essentiellement le cas des actes budgétaires
prévisionnels (budgets primitif ou additionnels) et ceux
rétrospectifs (compte administratif ou de gestion) dont le
législateur exige l'approbation préalablement à leur
entrée en vigueur ou à leur exécution.
53 Pour ce qui concerne spécifiquement la substitution
d'action en matière de contrôle des finances locales, elle se
matérialise par l'agissement de l'autorité de tutelle « en
lieu et place » et « pour le compte » de l'autorité
décentralisée. Il s'agit d'une mesure exceptionnellement grave au
regard du principe libre administration. La tutelle n'hésite pas
à se substituer le plus souvent aux élus locaux en vue de
réaliser une tâche ou de corriger une irrégularité.
C'est généralement le cas lors de l'examen des projets d'actes
budgétaires prévisionnels locaux, sous réserve des
hypothèses où l'autorité de tutelle agit en liaison avec
la juridiction des comptes.
En l'état actuel de notre droit de la
décentralisation, le pouvoir de substitution reconnu à l'Etat
central en matière de contrôle budgétaire est limité
à certains cas : règlement du budget lorsque celui n'est pas
voté à temps par l'assemblée délibérante, ou
qu'il est exécuté en déficit ; ou inscription d'office au
budget local d'une dépense obligatoire.
Par ces mécanismes du contrôle a priori, l'Etat
central dispose d'un « véritable droit de veto », avons-nous
observé.
Mémoire de Master 2, présenté par
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Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
garant du respect des lois dans sa circonscription. Au
demeurant, il ne peut exercer qu'un contrôle de légalité
strict de l'élaboration et de l'exécution du budget. Il ne peut
se faire juge de l'opportunité des initiatives financières des
autorités locales. Son pouvoir de contrôle reste subordonné
au strict maintien de la légalité dans sa circonscription
administrative. Au-delà de celle-ci, il devient arbitraire et s'expose
aux sanctions du juge administratif sur initiative de l'administration
locale.
Le contrôle administratif n'est pas exercé par le
seul représentant de l'Etat en sa qualité d'autorité de
tutelle. En effet, il fait intervenir d'autres autorités
administratives.
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