Paragraphe 2 : Le contrôle a priori du
représentant de l'Etat sur les actes budgétaires locaux
Le représentant de l'Etat, en principe24 le
Préfet, exerce un double contrôle sur les documents
budgétaires locaux : il examine leur légalité (A)
et procède à un contrôle budgétaire
spécifique (B). Il s'agit d'un contrôle, a
priori, varient intervenant lors de l'élaboration et lors de
l'exécution des différents actes budgétaires locaux, vus
précédemment.
A- L'examen de légalité des actes
budgétaires
Le contrôle exercé par le représentant de
l'Etat consiste à détecter, ce que René CHAPUS appelle
« les vices susceptibles d'affecter la légalité des
actes administratifs »25. L'objet étant d'encadrer
juridiquement l'action publique locale, en veillant à ce que les
décisions financières prises par les collectivités locales
soient conformes à la règle de droit et compatibles avec les
intérêts généraux de l'Etat26.
Conformément aux articles 357, 358 et 362 de la loi
organique 001/2014 du 15 juin 2015 relative à la
décentralisation, tous les actes budgétaires des
collectivités locales sont transmis au représentant de l'Etat, au
niveau local, dans les huit jours francs suivant leur adoption, lequel en
délivre aussitôt accusé de réception. La preuve de
la réception de l'acte peut être rapportée par tout
moyen.
Cette transmission de l'acte budgétaire local est
obligatoire. En effet, selon l'article 280 alinéa 2, le projet de budget
de la Collectivité locale « est transmis pour approbation au
représentant de l'Etat qui dispose d'un délai de quinze (15)
jours, à compter de la date de dépôt du projet de budget,
pour faire ses observations ». Ce n'est qu'après les
observations de la tutelle que l'acte budgétaire local est rendu
exécutoire par arrêté du président du conseil de la
collectivité locale concernée (article 281).
Aussi longtemps qu'ils n'accomplissent pas la formalité
de la transmission leurs actes ne sont ni exécutoires, ni opposables.
C'est en réalité l'exécution de cette obligation de
transmission et l'approbation qui s'ensuit qui impriment aux actes
budgétaires locaux leur caractère exécutoire. Selon
Jacques Moreau, cette transmission constitue « une mesure de
publicité originale imposée aux exécutifs locaux pour
certains des actes juridiques les plus importants au nom de la
collectivité locale qu'ils administrent »27.
24 Toutefois la pratique montre que ce sont plutôt les
services centraux qui jouent ce rôle de contrôle. Les élus
locaux étant amenés à se déplacer personnellement,
avec tous les risques que cela comporte, au ni vea u de la tutelle central pour
le dépôt de leurs actes et leurs suivis.
25 Cf. R. CHAPUS, Droit administratif, op.cit. p.26.
26 Comme le dit Ismaila Madior FALL, « la
finalité du contrôle est par conséquent d'assurer le
respect de la loi par les collectivités locales. Cette soumission
à la règle de droit étant, dans un Etat unitaire, la
condition de l'Etat de droit au plan local ».
27 J.MOREAU, « Bilan jurisprudentiel du contrôle
administratif de légalité », in AJDA, 1993,
spécial, p.50.
Mémoire de Master 2, présenté par
Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 22
Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
Le représentant de l'Etat procède uniquement aux
vérifications des éléments de légalité de
l'acte budgétaire et des délibérations qui l'accompagnent,
en s'interdisant toute appréciation de son opportunité. Ainsi,
les moyens tirés de la légalité externe pouvant affecter
les actes financiers locaux sont : l'incompétence de l'auteur de
l'acte28 et, les vices de forme29 et de
procédures30. Par contre, ceux tirés de la
légalité interne sont : le détournement de
pouvoir31, la violation directe de la loi32, l'erreur de
droit33, l'erreur sur l'exactitude matérielle des
faits34, et le contrôle de la qualification juridique des
faits35. Il examine en particulier :
- la tenue au sein du conseil de la collectivité
locale, dans le mois précédent l'examen du budget primitif, d'un
débat sur les orientations budgétaires ;
- la préparation du projet de budget ainsi que sa
présentation devant l'assemblée locale par l'organe
exécutif de la collectivité locale (Président du Conseil
départemental, Président du Conseil municipal) ;
- la transmission du projet de budget, avec les rapports
correspondants, aux conseillers de la collectivité locale quinze (15)
jours avant l'ouverture de la première réunion consacrée
au budget ;
- le vote du projet de budget par l'assemblée locale
conformément à la nomenclature budgétaire et au plus tard
le 31 mars de l'exercice en cours, sauf exception36;
- la transmission conjointe du budget et de tous les documents
permettant au Représentant de l'Etat de s'assurer de l'adoption dudit
budget et d'avoir une appréciation exhaustive de la situation
administrative et comptable de la collectivité locale.
28 Lorsque l'auteur de l'acte budgétaire local n'avait
pas l'aptitude juridique pour l'adopter. On parle soit d'incompétence
matérielle, soit d'incompétence territoriale, soit
d'incompétence temporelle.
29 Le vice de forme concerne la présentation externe de
l'acte budgétaire local et peut s'agir de l'absence d'une signature.
30 Lorsqu'il y a violation d'une règle organisant la
procédure d'élaboration des décisions budgétaires
et financières locales, exemple lorsque l'autorité de
l'exécutif local n'a pas solliciter une délibération du
conseil pour procéder à un virement de crédit de chapitre
à chapitre comme prévu par les textes.
31 L'illégalité tient ici au mobile de l'acte
budgétaire pris : l'Administration locale a usé de ses pouvoirs
en vue d'un objectif autre que celui pour lequel ces pouvoirs lui ont
été confiés. En outre, toute décision
financière locale doit poursuivre un intérêt
général local certain.
32 Ici, le contenu lui-même de l'acte budgétaire
est contraire aux prescriptions des textes composant le bloc de
légalité auquel doit être soumis toute décision
locale.
33 L'illégalité tient aux motifs de droit qui
fondent l'acte budgétaire de la collectivité locale : exemple
l'application d'un texte erroné par l'autorité locale.
34 C'est l'hypothèse dans laquelle les faits
avancés par l'Administration locale, pour motiver sa décision
financière, sont erroné.
35 Lorsque les faits invoqués par l'Administration
locale ne sont pas de nature à justifier juridiquement sa
décision financière.
36 Lorsque le conseil n'a pas reçu les informations
indispensables au vote du budget.
Mémoire de Master 2, présenté par
Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 23
Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
Le représentant de l'Etat dispose d'un délai de
quinze jours pour se prononcer, à compter de la date de l'accuse de
réception. Ce délai peut être ramené à huit
jours en cas d'urgence et à la demande de l'autorité locale. Au
terme de ces délais, les actes sont réputés
approuvés tacitement par l'autorité de tutelle.
En cas d'irrégularité, le représentant de
l'Etat ne peut annuler l'acte depuis la réforme de 1996 et
confirmée par celle de 2015. Par contre il peut refuser de l'approuver.
Dans ce cas, le président de la collectivité locale
concernée peut, dans le délai de huit jours francs à
compter de la notification du refus d'approbation, saisir la juridiction
compétente aux fins d'annulation de la décision de la tutelle.
L'annulation de celle-ci est synonyme d'approbation dès la notification
de la décision juridictionnelle à la collectivité
locale.
En somme, l'examen de légalité consiste à
vérifier le respect d'une exigence de conformité et de
légalité des budgétaires. Si le contrôle de
conformité porte sur la présentation c'est-à-dire
l'effectivité de certaines mentions obligatoires37, la
légalité au contraire, porte sur le contrôle de
subsidiarité. Autrement dit, la question est de savoir si l'acte
budgétaire local est juridiquement correcte, au regard de la
légalité administrative. Il s'agit de vérifier si la
collectivité locale à statuer sur un objet relevant de son
domaine de compétences, la qualité de l'auteur de l'acte, le
respect de sa procédure de mise en oeuvre, le but poursuivi qui, doit
être un but d'intérêt public local.
Les contrôles effectués par le
représentant de l'Etat se poursuivent tout au long de l'exécution
du budget par la transmission obligatoire de tous les actes d'exécution
du budget au représentant de l'Etat.
En outre, lorsque « l'autorité de tutelle estime
l'acte budgétaire illégal, elle invite l'autorité locale
à la mettre en conformité, en lui notifiant les motifs de
l'illégalité. En cas de non-exécution des orientations de
la tutelle dans un délai de quinze (15) jours, cette dernière
défère l'acte querellé devant la juridiction
compétente et en informe aussitôt le président du conseil
»38. Autrement dit le représentant de l'Etat disposent
du pouvoir de saisir le juge compétent afin de faire annuler les actes
budgétaires des autorités locales décentralisées
non conformes aux lois. Leur mission ne se résume qu'à la seule
saisine de la juridiction territorialement compétente, car «
l'autorité de tutelle ne peut, par elle-même, ni suspendre, ni
annuler les actes d'une collectivité locale... », depuis la
réforme de 1996.
Ce recours de l'autorité de tutelle,
dénommé « déféré tutélaire
»39, quoique de même nature que le recours pour
excès de pouvoir, présente quant à lui des traits
37 Il s'agit de vérifier que d'un point de vue
formel l'acte budgétaire comporte bien le pays, la devise, les armoirie
de la collectivité locale, le timbre, le titre et le numéro
d'enregistrement, l'auteur de l'acte, le préambule, les visas, la
réalisation du quorum, le dispositif, le lieu et la date
d'établissement, la signature et le cachet.
38 Cf. selon l'article 359 alinéa 2 de la nouvelle
loi organique sur la décentralisation suscitée.
39 L'expression « déféré
», utilisée pour désigner le recours de l'autorité de
tutelle afin de contester la légalité d'un acte local notamment
budgétaire, est surtout usité en doctrine et en jurisprudence,
justement, pour le distinguer du recours pour excès de pouvoir dont il
est très proche. Sur ce, la doctrine française, dans une
lancée d'assimilation des deux recours, est allée jusqu'à
le qualifier d' « une simple modalité du recours pour excès
de pouvoir » (Cf. M. GOHIN, Institutions administratives,
op.cit., p.596).
Mémoire de Master 2, présenté par
Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 24
Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
spécifiques40. Il peut être assorti
d'une demande de sursis à exécution de l'acte
attaqué41. L'autorité de tutelle dispose
également de la possibilité d'introduire un
référé précontractuel afin de demander la
suspension ou différer la signature d'un contrat, par exemple en
matière de commande publique locale.
Mais le représentant n'exerce pas sur les actes
budgétaires locaux qu'un contrôle de légalité.
Celui-ci est complété par un contrôle dit
budgétaire.
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