PARTIE I :
LE REGIME DES MODALITÉS DE CONTRÔLE DES
ACTES BUDGÉTAIRES LOCAUX
Mémoire de Master 2, présenté par
Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 15
Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
Les finances locales conservent un caractère
subordonné et secondaire par rapport aux finances de l'Etat. Ce
caractère primordial fait de la notion de contrôle
budgétaire, une notion qui domine le droit budgétaire local.
Le régime de tutelle de l'Etat sur les actes
budgétaires locaux est marqué par la diversité des acteurs
ayant des compétences et des pouvoirs différents, et intervenant
au moyen de procédés divers. Il est donc fondamental d'identifier
les organes chargés d'exercer ces contrôles. Il est tout aussi
essentiel de voir quelles sont leurs compétences, les pouvoirs, les
moyens ont-ils disposent pour exercer de manière efficace ou non les
missions qui leur sont dévolues.
On entend par tutelle, le contrôle exercé par
l'État sur les collectivités locales. C'est « l'ensemble
des pouvoirs limités et accordés par la loi ou en vertu de
celle-ci à une autorité supérieure, afin d'assurer le
respect du droit et la sauvegarde de l'intérêt
général contre l'inertie, les excès et les
empiètements des agents décentralisés
»15.
Par conséquent, il s'agira de voir la diversification du
contrôle administratif exogène (chapitre 1) avant
de passer au contrôle des organes juridictionnels (chapitre 2)
des actes budgétaires locaux.
15 J. Dembour, les actes de la tutelle
administrative, Lardier, 1995, in M. Gohin, « Institutions
administratives », p. 310.
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Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
CHAPITRE I :
LES CONTRÔLES ADMINISTRATIFS
TUTÉLAIRES
Les contrôles exercés sur les actes
budgétaires des Collectivités locales sont dit «
administratifs » parce qu'ils sont l'oeuvre des autorités relevant
de l'administration d'Etat, c'est-à-dire des autorités
administratives de tutelle16, situées aussi bien au niveau de
l'Administration centrale qu'au niveau de l'Administration
déconcentrée. Ces autorités administratives sont
chargées de veiller au respect des lois et règlement dans
l'élaboration et la mise en oeuvre des budgets locaux.
Sur ce, l'article 353 de la loi organique n°001/2014 du
15 juin 2015 relative à la décentralisation dispose clairement
que « la tutelle est le contrôle exercé par une
autorité administrative sur une collectivité locale dans les
conditions fixées par la loi. Ce contrôle porte sur la
légalité des actes... ». Ce qui proscrit ipso facto,
une tutelle sans texte ou au-delà des textes, car le principe de base,
en la matière, est que « la tutelle ne se présume
pas».
L'exercice de ce contrôle peut être analysé
sous plusieurs angles. Selon le moment où il est exercé on
parlera de contrôle a priori, de contrôle concomitant et de
contrôle a posteriori. Le premier intervient avant l'exécution, le
deuxième en cours d'exécution et le dernier après
l'exécution du budget.
Aussi, nous verrons d'abord le contrôle exercé
par le représentant de l'Etat (section 1) sur les actes
budgétaires locaux ; puis, celui du contrôleur financier local,
devenu « contrôleur budgétaire » et du comptable public
local, encore appelé « receveur de la collectivité locale
» (section 2).
Section 1 : Le contrôle du Représentant de
l'Etat, autorité de tutelle locale
Le régime juridique du contrôle de
légalité des actes des conseils locaux, y compris ceux à
caractère financier, a été fixé par le
constituant17. Le représentant de l'Etat veille à la
sauvegarde des intérêts nationaux. Il veille en outre à
l'exercice régulier par les collectivités locales de leurs
compétences et à l'utilisation régulière de leurs
ressources.
En vertu de des dispositions de la loi organique 001/2014 du
15 juin 2015 relative à la décentralisation, il exerce, à
la fois sur l'élaboration et l'exécution des actes
budgétaires locaux, un contrôle de légalité et un
contrôle budgétaire a priori (Paragraphe 2). Mais
avant de voir comment il s'exerce, il importe d'identifier la nature des
différents actes budgétaires contrôlés
(Paragraphe 1).
16 Ces autorités relèvent essentiellement de
deux départements ministériels : Ministère de
l'Intérieur et Ministère du budget et des comptes public.
Auxquels on pourrait ajouter le Ministère des affaires
étrangères, pour le contrôle de toute convention de
coopération décentralisée et internationale des
collectivités locales.
17 Article 112 b de la constitution gabonaise (Loi n°3/91 du
26 mars 1991).
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budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
Paragraphe 1 : L'identification des actes
budgétaires contrôlés
Les actes budgétaires des Collectivités locales
sont des actes administratifs spéciaux, à la différence
des actes administratifs ordinaires. L'article 356 de la loi organique
n°001/2014 du 30 juin 2015 relative à la décentralisation
énumère lesdits actes soumis à l'approbation de la
tutelle, préalablement à leur entrée en
vigueur18.
Afin de déterminer les actes rentrant obligatoirement
dans le champ du contrôle du représentant de l'Etat19,
le législateur met en évidence un lien de rattachement organique
entre les actes concernés par le contrôle et les
Collectivités locales, personnes publiques. Ces actes émanent
soit de leurs organes délibérants (conseils départemental
ou municipal), soit de leurs organes exécutifs (président du
conseil départemental ou municipal).
Parmi la masse des actes budgétaires pris par les
collectivités locales20, il y a lieu de regrouper ceux actes
concernés par le contrôle de légalité21
et budgétaire en deux catégories. Nous avons d'une part, les
actes budgétaires prévisionnels (A) qui
engagent
18 Il s'agit des projets de budgets ; des autorisations
spéciales de dépenses ; des virements de crédits de
chapitre à chapitre des Collectivités locales ; des
délibérations relatives à la participation
financière des Collectivités locales dans les organismes publics
ou privés ; des concessions de services publics locaux ; des contrats
d'une durée supérieur à cinq (05) ans ; des actes
d'aliénations et échanges des propriétés des
Collectivités locales ; des emprunts souscrits par les
Collectivités locales auprès des organismes internationaux, ainsi
que ceux souscrits auprès des organismes nationaux dépassant les
30% des ressources propre de la collectivité ; des conventions ou
accords signés par les Collectivités locales gabonaises ou
groupements dans le cadre de la coopération décentralisée
; des conventions de marchés publics ; des comptes administratif et de
gestion de la collectivité.
19 Seuls les actes budgétaires ayant un
caractère règlementaire sont obligatoirement
déférés à la tutelle pour contrôle de
légalité, notamment les actes budgétaires
prévisionnels et ceux rétrospectifs, accompagnés de leurs
délibérations. Y compris les actes budgétaires et
financiers locaux de caractère individuel portant atteinte aux droits
individuels et libertés publiques.
20 Au sens de la loi, les actes financiers locaux soumis
à l'obligation de transmission sont essentiellement : les
délibérations des assemblées locales, relatives aux actes
financiers locaux ; les décisions prises par délégation de
l'assemblée délibérante : il s'agit de décisions
prises par le maire, par délégation du conseil municipal, dans
les domaines des finances locales ; les décisions réglementaires
ou individuelles prises par le maire en sa qualité d'ordonnateur de
crédits de la collectivité ; les conventions relatives aux
marchés, aux emprunts et les conventions de concession ou d'affermage
des services publics locaux.
En revanche, tous les autres actes des collectivités
locales n'ont pas à être transmis (actes de gestion courante,
actes d'administration interne, conventions autres que celles
mentionnées ci-dessus).
21 La ligne de démarcation juridique entre les actes
rentrant dans le champ du déféré et ceux qui n'y rentrent
pas a été posée par le Conseil d'Etat français qui
indique récemment, dans l'arrêt Commune du Port , que le
législateur de 1982 n'a pas entendu limiter la faculté qu'a le
préfet de former un recours pour excès de pouvoir « à
l'encontre de tous les actes des collectivités territoriales ».
Cette jurisprudence étend ainsi le déféré aux actes
non soumis à l'obligation de transmission, et montre du coup que la
frontière est évanescente entre les actes soumis au
contrôle et ceux qui ne le sont pas, mais au-delà entre le
déféré et le recours pour excès de pouvoir.
En définitive, en droit français, sont des actes
susceptibles d'être déférés : les actes soumis
à obligation de transmission et les actes non soumis à obligation
de transmission, c'est-à-dire presque tous les actes. Seuls sont exclus
les actes émanant des autorités locales mais accomplis au nom de
l'Etat et les actes relevant du droit privé. La pratique en droit
gabonais, concernant le champ d'application du déféré,
embrasse la presque totalité des actes locaux qui sont susceptibles
d'être déférés par le représentant de l'Etat
au juge.
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Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
l'avenir de la collectivité locale, et d'autre part,
les actes budgétaires de bilan ou rétrospectifs (B)
qui soldent le passé de la Collectivité locale, et qui
sont précédés par les actes dits d'exécution
budgétaire.
A- Les actes budgétaires prévisionnels et
d'exécution budgétaire
Nous présenterons d'abord les actes budgétaires
des collectivités locales dit « prévisionnels
», puis les actes budgétaires locaux dit «
d'exécution budgétaires ».
Sont appelés « actes
budgétaires locaux prévisionnels », les actes
qui prévoient et autorisent les ressources et les charges de la
collectivité, pour l'année à venir. Il en existe de deux
sortes compte tenu de leur objet, de leur date d'adoption et de leur
application dans le temps, notamment :
V' Le budget primitif :
décision politique la plus importante de la collectivité
locale, puisqu'elle traduit, en termes de charges et de ressources, les choix
de la collectivité pour l'année à venir,
c'est-à-dire qu'il rend compte des prévisions de recettes et de
dépenses en fonctionnement et en investissement votées par le
conseil municipal ou départemental.
Ce document budgétaire est préparé par le
bureau du conseil de la collectivité locale en tant qu'autorité
exécutive, et est adopté par l'autorité
délibérante soit le conseil municipal ou départemental
dans le respect des objectifs et des priorités de la politique
municipale ou départementale souhaitée. Une fois voté, cet
acte budgétaire prévisionnel permet au président du bureau
du conseil d'engager les dépenses dans la limite des crédits
prévus, ainsi qu'à poursuivre le recouvrement des recettes
attendues. Un budget primitif doit en principe tout prévoir et devrait
se suffire à lui-même.
Aussi, des règles particulières régissent
le délai de vote de cet acte juridique, car une collectivité
locale ne peut perdurer sans budget. Une telle situation pouvant
déboucher sur le règlement du budget par l'autorité de
tutelle. C'est pourquoi, cet acte de prévision et d'autorisation
annuelle des ressources et des dépenses de la collectivité doit
être adopté à une période précise de
l'année. D'où l'intérêt du contrôle de la
tutelle, qui veille à ce que le budget primitif soit
arrêté, délibéré et adopté par
l'assemblée délibérante au plus tard le 30 novembre de
l'année qui précède l'année d'exécution du
budget concerné, conformément à l'article 274 de la loi
organique n°001/2014 du 15 juin 2015 relative à la
décentralisation.
V' Les budgets additionnels (ou décisions
modificatives) : Elles peuvent être votées
après l'adoption du budget primitif, en cas de nécessité
ou d'urgence. Appelées lois de finances rectificatives dans les finances
de l'État, les décisions modificatives sont établies,
délibérées et adoptées au plus tard le 30 juin de
l'année en cours d'exécution du budget primitif.
Selon l'article 275, « le budget additionnel a pour
objet de rapporter au budget de l'année en cours les résultats de
l'année précédente, les crédits
supplémentaires reconnus nécessaires depuis l'ouverture de la
gestion en cours, les recettes non prévues dans le budget primitif et,
d'une manière générale, les opérations non
apurées provenant des gestions antérieures... ».
Autrement dit cet acte budgétaire prévisionnel, aussi
appelé
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Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
« budget supplémentaire » ou « budget de
report de crédits de l'exercice antérieur », permet
d'ajuster, de compléter les inscriptions du budget primitif. Il remplit
donc une double fonction :
- c'est un budget d'ajustement, qui prévoit par exemple
des dépenses nouvelles, à condition de respecter
l'équilibre réel. Autrement dit, il est important et
nécessaire lors du vote de ces dépenses additionnelles de
prévoir les recettes correspondantes de manière à ne pas
compromettre l'équilibre du budget (primitif).
- le budget supplémentaire est non seulement un budget
de report (du solde du dernier compte administratif sur le budget en cours
d'exécution), qui assure la liaison entre les budgets locaux successifs.
En matière de finances locales, le budget supplémentaire n'est
pas obligatoire. Mais il peut en avoir un ou plusieurs dans un exercice
budgétaire donné.
Pour ce qui concerne les actes dits «
d'exécution budgétaire », l'expression
désigne l'ensemble des actes pris par les autorités
décentralisées (organes exécutif et
délibérant) dans le but de faire exécuter leurs budgets
(primitif ou additionnel) après son approbation par la tutelle. Ce type
d'acte budgétaire intervient donc au cours de l'exercice
budgétaire pour l'exécution tant en dépenses qu'en
recettes des prévisions du budget primitif ou additionnel.
Par conséquent, ils prennent généralement
la forme des conventions de marchés publics et autres contrats de
délégation de service public ; des virements de crédits de
chapitre à chapitre ; des autorisations spéciales de
dépenses ; des demandes d'admission en non-valeur. Il s'agit là
d'un ensemble d'actes juridiques et financiers liés au budget de la
collectivité et donc susceptibles de contrôle de la part des
services de l'Etat central.
On peut y ranger également les
délibérations portant reformation des biens de la
Collectivité locale ; les délibérations relatives aux
emprunts des Collectivités locales ; celles relatives aux prises de
participation dans les organismes privés ou publics et autres
délibérations à incidence financière locale (Ex :
les décisions visant l'accroissement des ressources fiscales de la
collectivité).
Mais outre les actes budgétaires prévisionnels
et ceux dit d'exécution budgétaire, les collectivités
locales prennent aussi des actes dits rétrospectifs susceptibles
d'être contrôlés.
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