B- Les difficultés liées à la
qualité des documents budgétaires transmis et aux moyens de
contrôle
S'agissant des difficultés liées à la
qualité des documents budgétaires transmis pour approbation au
représentant de l'Etat, on remarque généralement des
irrégularités relatives aux procédures de passation de
certains marchés publics locaux (recours injustifié à
l'entente direct, défaut d'appel d'offre,...). Les services
chargés du contrôle de légalité constatent
très souvent que les dossiers de marchés transmis sont incomplets
: certaines pièces relatives à la procédure de mise en
concurrence sont omises telles que les rapports de
119 En principe, les organes délibérants locaux
doivent pouvoir établir librement des prévisions
budgétaires (article 112 de la constitution). Mais un plafonnement des
budgets, à ne pas dépasser, est fixé aux
collectivités locales. Pour chaque exercice, le montant plafond est
déterminé pour chaque collectivité en calculant la moyenne
des recouvrements réalisés au titre des trois années
précédentes. Les collectivités locales sont contraintes de
tenir compte des montants plafonds ainsi déterminés par
l'Administration centrale et dont le respect s'impose lors de l'exercice du
pouvoir d'approbation des budgets locaux.
120 Il n'existe pas de statistiques nationales fiables sur le
personnel des collectivités locales.
Dans ces conditions, il est difficile de définir une
politique de Gestion des Ressources humaines ou de formation. La mise en place
récente d'une Direction centrale des ressources humaines devrait
permettre de corriger à moyen terme cette situation. Chaque
collectivité locale (département ou commune) dispose d'un
Secrétaire général qui coordonne les services sous
l'autorité du président du bureau du conseil de la
collectivités concernée. Le Secrétaire
général assure par ailleurs la continuité de
l'Administration locale pa r - delà le renouvellement des organes
politiques. Il n'existe pas pour l'instant de texte fixant
précisément le statut du Secrétaire général
(règles applicables, avantages, garanties, etc.). Le recrutement au
poste de Secrétaire général de mairie est politisé.
Ce qui n'est pas sans incidence sur la qualité des actes
élaborés et transmis à la tutelle.
121 Les ressources financières locales étant
insuffisantes pour recruter des cadres ou du personnel
spécialisé. Alors que la masse salariale absorbe, à
l'échelle des communes du pays, 80 à 85% des budgets, le
personnel est peu performant. Généralement recrutés par
les élus sur le mode du clientélisme et par affinités,
l'effectif des agents des communes gabonaises s'accroît au gré des
changements d'exécutifs communaux. Le souci n'est ni l'optimisation ni
la productivité du travail.
Mémoire de Master 2, présenté par
Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 63
Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
présentation ou encore les rapports de la commission
d'appel d'offres. En outre, les collectivités locales ne respectent pas
toujours l'ordre chronologique de transmission des actes d'exécution
budgétaire. Ce qui retarde le travail de contrôle de la tutelle
:
V' la délibération et la convention de
marché sont transmises simultanément. Dès lors, la
délibération n'ayant pas acquis son caractère
exécutoire, le marché ne peut pas être signé et est
par conséquent frappé d'illégalité ;
V' la transmission de marchés ou d'avenants
intervient alors que les prestations sont déjà en cours
d'exécution. Lesdits avenants doivent s'accompagner là aussi de
leurs délibérations.
De même, les autorités de tutelle relèvent
très souvent le défaut de signature du procès-verbal de la
commission par ses membres ou les irrégularités dans la
composition de la commission d'appel d'offres : les participants ne sont pas
toujours convoqués (par exemple les représentants des services de
la tutelle compétentes), le président n'est pas présent,
ou les conditions de quorum ne sont pas réunies (présence
systématique des suppléants pour remplacer des titulaires).
Parfois même, l'acte d'engagement n'a pas été signé
par le représentant légal de la collectivité ou l'acte
d'engagement est signé avant que la délibération de
l'assemblée délibérante autorisant la personne responsable
du marché à signer ne soit exécutoire.
Il est souvent aussi mis en exergue l'absence de production ou
de transmission de l'intégralité des documents budgétaires
annexes. Ces annexes budgétaires obligatoires122 sont
porteuses d'informations utiles relatives à certains
éléments patrimoniaux et aux engagements de la
collectivité locale contrôlée. De nombreuses
irrégularités en ce domaine ont été la
conséquence directe de rejet ou d'annulation d'actes budgétaires
et d'alourdissement des procédures de la dépense locale. Elles ne
sont pas de nature à faciliter
122 Ces annexes sont regroupées en cinq catégories
:
1. Les annexes détaillant certains
éléments du vote du budget. Ce sont les annexes retraçant
le détail des opérations d'ordre de section à section,
l'état de la reprise du résultat de l'exercice
précédent et l'état des méthodes
utilisées.
2. Les annexes relatives à certains postes du bilan
comme l'état de la dette, l'état des immobilisations,
l'état des provisions constituées et l'état des transferts
des charges.
3. Les annexes relatives aux engagements donnés et
reçus. Elles regroupent les états développant des
informations relatives à des dépenses ou recettes n'ayant pas
donné lieu à comptabilisation, mais aya nt une incidence
potentielle sur les finances locales.
4. Les annexes diverses au nombre de six : l'état du
personnel, la présentation agrégée du budget principal et
des budgets annexés ou rattachés, les décisions en
matière de taux de contributions directes, la constatation du vote ainsi
que les signatures requises, l'état des biens acquis, détruits ou
réformés.
5. Les annexes spécifiques : la liste des concours
attribués par la commune aux associations sous forme de prestations en
nature et de subventions, la présentation consolidée des
résultats afférents au dernier exercice connu du budget principal
et des budgets annexes, le cas échéant les tableaux de
synthèse des comptes administratifs afférents au dernier exercice
connu, le bilan certifié conforme du dernier exercice connu des
organismes dans lesquels la commune détient une part de capital ou au
bénéfice desquels la commune a garanti un emprunt ou versé
une subvention ; un tableau retraçant l'encours des emprunts garantis
par la commune ainsi que l'échéancier de leur amortissement, les
comptes et annexes produits par les délégataires de service
public.
Mémoire de Master 2, présenté par
Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 64
Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
le travail de contrôle des agents de tutelle. La
qualité de l'acte budgétaire transmis détermine donc
l'efficacité du contrôle.
S'agissant du caractère lacunaire des moyens de
contrôle dont disposent les services de l'Etat, il ne concourt pas
à l'efficacité des contrôles exercés.
Il y a d'abord le manque de formation des agents de l'Etat. En
effet, les agents ne disposent pas toujours d'une formation adaptée
pouvant leur permettre d'assurer la régularité et l'efficience de
la gestion financière locale, compte tenu de la technicité des
documents budgétaires et financiers. Il constitue d'ailleurs un
problème fondamental qui, au-delà du contrôle des actes
budgétaires, affecte tout le fonctionnement des collectivités
locales. Certes il existe beaucoup d'initiatives de renfoncement de
capacités, en partenariat avec des partenaires étrangers, mais
celles-ci se révèlent, généralement, peu efficaces
en raison des courts délais de formation pour des agents qui, en
générale ne sont pas prédisposés à
accueillir les connaissances relatives au droit budgétaire et comptable
qui, il faut le signaler, pose des problèmes même aux
initiés. Notons que ce manque de formation n'est pas spécifique
aux agents de l'Etat.
Ensuite, il y a l'insuffisance de personnel qui empêche
à ces administrations d'Etat d'exercer convenablement leurs missions. En
effet, les organes compétents en matière de contrôle des
finances des collectivités locales sont confrontés à de
sérieux problèmes de ressources humaines, en qualité et en
quantité. Le personnel nécessaire pour asseoir un
véritable contrôle fait parfois défaut dans ces organes. Ce
qui va expliquer, sans doute, la lenteur dans le travail, dans la mesure
où il n'y a pas suffisamment d'hommes pour pouvoir traiter dans les
délais requis l'ensemble des dossiers qui leur sont transmis, quand on
sait le nombre important de collectivités locales, soit cent (100) au
total, ainsi que celui des actes budgétaires locaux manipulés au
quotidien.
D'ailleurs, la concentration, dans le temps, de l'examen d'un
nombre assez considérable d'actes ne permet pas aux autorités de
contrôle de respecter les délais et d'exercer un contrôle
efficace, digne de ce nom dans le respect des délais légaux. En
fait, le nombre élevé d'actes à contrôler
nécessite que tous les organes de contrôle disposent d'un
personnel suffisant. Or, la réalité nous montre que le personnel
nécessaire n'est pas mis à leur disposition. C'est dire que les
moyens en personnel des organes de contrôle sont limités, au
regard de l'importance de leurs missions.
Nous pouvons signaler aussi les insuffisances textuelles ou
juridiques. Il est à décrier une absence de textes d'application
en matière d'exercice de la tutelle au Gabon, comme le prévoit
pourtant la loi sur la décentralisation depuis 1996. De même, il
n'existe même pas de texte réglementaires ou circulaires pouvant
prévoir des procédures internes applicables en matière de
contrôle des actes des collectivités locales en
général, ou pour fixer, régler les
spécificités des mécanismes de contrôle par l'Etat
des actes financier locaux. Autrement dit, les normes et manuels de
procédures de contrôle font défaut. La conséquence
en est que les pratiques administratives sont sans cadres de
référence et se situent souvent en marge de la
légalité (non-respect des obligations d'impartialité, de
neutralité, de responsabilité, etc.).
Mémoire de Master 2, présenté par
Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 65
Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
Notons que ce manque d'outils de contrôle (lois
d'orientation, plans de développement locaux,...) est une source de
difficultés considérables qui concourt à l'instauration
d'un environnement défavorable à l'efficacité du
contrôle des actes budgétaires locaux. Mais à ces
difficultés s'ajoute celles relatives au contrôle
budgétaire.
|