PARTIE II :
LA PORTÉE DES MODALITÉS DE CONTRÔLE
DES ACTES BUDGÉTAIRES LOCAUX
Mémoire de Master 2, présenté par
Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 59
Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
L'efficacité de tout contrôle se mesure à
l'aune des résultats atteints ; ces derniers restant également
tributaires des moyens et méthodes utilisés pour leur
réalisation.
Ainsi, relativement aux différentes modalités de
contrôle des actes budgétaires des collectivités locales
gabonaises qu'exercent les services de l'Etat central, l'on se rend compte
qu'elles sont confrontées à de nombreux obstacles remettant en
cause leur effectivité. Elles se heurtent donc à un certain
nombre de difficultés qu'il faudra déceler afin de voir comment y
remédier.
La portée de ces différentes modalités de
contrôle permettra, d'une part, d'analyser les insuffisances qui limitent
l'efficacité des contrôles administratifs et juridictionnels
(Chapitre 1), gage d'une bonne gestion de nos finances
locales. Et d'autre part, de proposer des perspective d'amélioration
à cette situation (Chapitre 2).
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Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
CHAPITRE I :
LES LIMITES DES CONTRÔLES ADMINISTRATIFS
ET JURIDICTIONNELS
Notre passage dans les services de la tutelle administrative
(Ministère de l'intérieur) et de la tutelle financière
(Ministère du budget), nous a permis de déceler plusieurs
irrégularités juridiques, notamment lors de l'examen des divers
actes budgétaires locaux qui leur sont soumis pour approbation.
Les limites pratiques peuvent ainsi être
regroupées en deux ordres : selon qu'elles sont liées aux
contrôles administratifs (section 1) ou aux
contrôles juridictionnels (section 2) de l'Etat
central.
Section 1 : Les limites liées au contrôle
administratif tutélaire
La portée des différentes modalités de
contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires locaux ressort des
limites d'ordre administratif. L'exercice du contrôle administratif
connait des insuffisances qui portent atteinte à la protection des
deniers publics locaux.
Dans tous les cas, les insuffisances sont relatives au
contrôle de légalité (paragraphe 1) et au
contrôle budgétaire (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les insuffisances du contrôle de
légalité
Certaines limites du contrôle administratif des actes
budgétaires locaux sont relatives aux insuffisances du contrôle de
légalité. Lors de l'exerce de ce contrôle, des
difficultés diverses ont été observées. Elles
tiennent tant au fonctionnement actuel de la tutelle administrative (A)
qu'à la qualité des documents budgétaires qui
leurs sont transmis pour approbation, ainsi qu'aux moyens de contrôle
(B) dont ils disposent.
A- Les difficultés liées au
fonctionnement actuel de la tutelle administrative
Pour ce qui est du contrôle du représentant de
l'Etat, il est à observer que l'exercice actuel de la tutelle est
fortement centralisé : peu de décisions, ou aucune du tout,
peuvent se prendre au niveau des administrations déconcentrées de
l'État pourtant compétentes formellement.
En effet, l'article 357 de la loi organique n°001/2014 du
15 juin 2015 relative à la décentralisation prévoit que
« la tutelle est exercée, au niveau local, par le
représentant de l'Etat dans la localité concernée ».
Or dans la pratique, en dépit des cadres territoriaux
existant116, le contrôle de tutelle est exclusivement
exercé par les services centraux de l'Etat
116 Cf. loi organique 14/96 portant réorganisation
territoriale de la république gabonaise.
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budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
implantées dans la capitale, Libreville. Il en
résulte une situation caractérisée par d'importants
dysfonctionnements qui concernent principalement : la lourdeur dans le
traitement des dossiers, des délais relativement longs qui peuvent
constituer une source d'inefficacité de l'action administrative locale
et des contrôles tutélaires ; l'inadaptation des décisions
prises puisqu'elles sont déconnectées de la réalité
locale ; la délimitation imprécise et incohérente des
attributions entre organes administratifs centraux de contrôle, voire
entre autorités déconcentrées et autorités
centrales.
L'absence d'une réelle déconcentration du
pouvoir de tutelle, sous forme de « préfecturalisation
»117, fait en sorte qu'actuellement les actes des
collectivités locales soumis à approbation de la tutelle sont
transportés, avec tous les risques que cela comporte, par les
élus locaux eux-mêmes de l'intérieur du pays vers la
capitale. Les élus locaux se déplacent, eux- même, à
la direction de la tutelle des collectivités locales (Ministère
de l'intérieur), et au niveau des différents services du pole des
marchés publics de la DGBFIP (Ministère du budget) pour faire
approuver leurs actes budgétaires. Ce qui entraine d'importantes
dépenses financière pour les collectivités locales et une
énorme perte de temps, car il s'ensuit parfois des navettes, aller et
retour vers les deux tutelles, administratives et financières, en plus
d'autres tracasseries liés au traitement de leurs actes, qui finalement
irritent beaucoup les autorités décentralisées.
Parmi les difficultés constatées, il y a celle
du non-respect des délais sans aucun doute. Les services administratifs
de tutelle actuel doivent en effet réaliser leur contrôle dans un
délai de quinze jours à compter de la date de réception
des actes budgétaires pour pouvoir saisir par la suite la juridiction
compétente, en cas d'illégalité constatée.
L'impression de brièveté du délai est perçue comme
pesante au regard du flux de documents budgétaires à
contrôler dans un même laps de temps. Or cet écueil aurait
pu être évité si on faisait participer les organes de
tutelle locale existant (les préfets). Ils exerceraient une sorte de
filtre au niveau local et faciliterait le travail de contrôle de la
central.
À l'heure actuelle, ce sont malheureusement les agents
de la Direction de la tutelle des Collectivités locales118 du
Ministère de l'intérieur, et non les services de la
préfecture (tutelle locale), qui exercent les différents
contrôles des actes budgétaires locaux.
117 Forme de déconcentration qui mettant le
préfet au centre du contrôle de tutelle des actes des
collectivités locales. Ce dernier serait la clef de voûte du
processus de décentralisation.
118 Placée au coeur d'un Ministère clé
que constitue le Ministère de l'Intérieur, la DTCL trouve son
rôle de relais des pouvoirs locaux dans ses origines les plus profondes.
C'est en effet la nécessité pour l'Etat de maitriser sa structure
administrative générale, qui inclus l'administration locale, qui
va conduire le gouvernement gabonais à créer, au sortir de
l'indépendance du pays, un service chargé de la tutelle des
collectivités locales au sein du ministère de l'intérieur,
notamment par la prise du décret N°00858/PR/MI/CAB du 29 juin
1971.
Un peu plus tard, sous l'effet des transformations
socio-économiques et politiques, le gouvernement va décider par
le décret N°0269/PR/MI du 9 mars 1976 portant réorganisation
et attribution du Ministère de l'intérieur, d'ériger ce
service de tutelle en une Direction de la Tutelle des collectivités
locales (DTCL) rattachée à la Direction Générale de
l'Administration du Territoire (DGAT). Ceci pour parer à l'augmentation
significative du nombre des collectivités locales à
gérer118 afin de mieux faire face aux problèmes
inhérents à leur développement.
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C'est d'ailleurs, la même direction centrale, en
corrélation avec les services du réseau comptables de la DGCPT,
qui fixe, chaque année, un plafonnement119 aux budgets des
collectivités locales. La réception tardive des documents
nécessaires à l'élaboration de leur budget primitif
(plafonds budgétaires ou dotations de l'État) entraîne
également des retards dans la transmission des actes budgétaires
au Représentant de l'Etat, et partant du contrôle a priori. Le
calendrier budgétaire local n'est très souvent pas
respecté.
S'y ajoute comme insuffisances, la faible instruction de
certains élus locaux et l'insuffisance des agents administratifs en zone
rurale. Le potentiel humain y est peu satisfaisant. Le niveau des agents est en
général assez faible. Le personnel manque de formation technique.
Les services centraux ne disposent même pas de données
agrées et fiables sur le personnel des collectivités
locales120. Toutes ces carences influent sur la qualité des
actes budgétaires élaborées et les contrôles qui
s'en suivent121.
Quid alors des difficultés liées à la
qualité des actes budgétaires soumis à l'approbation de la
tutelle ou des moyens dont disposent les organes de contrôle de la
tutelle administrative ?
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