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Le contrôle de l’état sur les actes budgétaires des collectivités locales au Gabon.


par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI
Université Omar Bongo de Libreville (Gabon) - Master 2 Professionnel en gestion financière des collectivités locales 2014
  

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B- Une compétence jurisprudentielle contestée

La cour constitutionnelle gabonaise s'est attribuée le contentieux de la totalité des actes administratifs réglementaires en république gabonaise. Ce qui inclut de facto les actes des collectivités locales, peu importe leur nature administrative ou financière.

Cette confiscation s'est faite à travers deux décisions fondamentales : la décision n°16/CC du 15 septembre 1994 sur la cour administrative109 et la décision n°144/CC du 28 octobre 2002 sur le Conseil d'Etat110. Ces deux décisions, qui ne sont pas les seules en la matière111, consacrent explicitement la compétence exclusive de la cour constitutionnelle en matière de « contrôle de la régularité juridique des actes réglementaires ».

Par ailleurs, la haute juridiction exerce un contrôle indirect des finances locales chaque fois qu'elle contrôle une loi organique relative à la décentralisation (Cf. décision n°009/96/CC du 3 mai 1996 sur la loi organique relative à la décentralisation).

Il en est de même, lors du contrôle de la loi de finances de l'année prévoyant les ressources et les charges de l'Etat, dans la mesure où c'est dans cette loi que sont prévues les différentes subventions que l'Etat alloue aux Collectivités locales sur le fondement du principe constitutionnel de leur libre administration, voire même les différents impôts locaux (Cf. loi de finances rectificative de 2009, en son article 15).

En outre, le juge constitutionnel gabonais a eu à intervenir à plusieurs reprises, de manière indirecte mais certaine et sur saisine des citoyens, pour réaffirmer et renforcer les grands principes budgétaires et comptables de l'Etat, qui fondent également le contrôle des finances locales (Cf. décision n°114/CC du 28 octobre 2002).

109 Il en ressort ceci : « Considérant qu'aux termes de l'article 84-1 de la constitution, la cour constitutionnelle statue obligatoirement sur la constitutionnalité (...) des actes réglementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques ; qu'il en résulte que le contrôle de la régularité juridique des actes budgétaires relève de la compétence de la haute instance ».

110 Il en ressort ce qui suit : « ...à la différence de l'article 61 de la constitution française qui limite l'intervention de la juridiction constitutionnelle, en matière de contrôle de constitutionnalité, aux seules lois organiques et ordinaires ainsi qu'aux règlements des assemblées, le constituant gabonais a confié la compétence de la régularité juridique des actes réglementaires à la seule cour constitutionnelle ».

111 En effet, en de nombreuse occasions, la cour constitutionnelle a relevé son incompétence en matière de contrôle des actes administratifs individuels, incluant donc les actes financiers locaux individuels (Cf. Décision n°10/CC du 10 juin 1992, NDOUTOUME MISSO : recours d'un chef de canton contre une décision de révocation), ou, au contraire, affirmé implicitement ou explicitement sa compétence en matière des actes administratifs à caractère réglementaires (Cf. Décision n°008/CC du 17 avril 2001, Comptoir gabonais du pneumatique : recours pour excès de pouvoir aux fin d'annulation d'un arrêté du Ministre des transports relatif à la production des plaques d'immatriculation des véhicules automobiles).

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 57

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Elle a non seulement reconnu l'existence des budgets autonomes et fait la distinction entre autonomie financières et autonomie de gestion financières (Cf. décision n°2/CC du 17 mars 1999), mais aussi précisé que l'autonomie financières112 constitue une exception au principe d'unité que seul le constituant peut déroger et non le législateur113 (Cf. décision n°1/CC du 28 février 2002).

Le juge administratif, influencé sans doute, n'a fait qu'entériner par la suite cette position jurisprudentielle, notamment dans l'affaire Comptoir Gabonais du Pneumatique (COGAPNEU).

Dans cette affaire, la cour administrative a estimé que « cons..., s'agissant de la compétence de la cour administrative à connaitre du recours pour excès de pouvoir formé contre cette décision dont le caractère réglementaire est acquis, qu'il résulte des motifs essentiels au dispositif de la décision n°16/CC du 15 septembre 1994 de la cour constitutionnelle que le contrôle de la régularité juridique des actes réglementaires relève de la compétence de cette haute instance ; qu'il s'ensuit que la cour administrative est désormais incompétente à connaître des recours pour excès de pouvoir formés contre tous les actes réglementaires, comme le confirme du reste l'écriture subséquent de l'article 35 de la loi organique n°10/94 du 17 septembre 1994... »114.

De ce qui précède, l'analyse suivante peut être faite : du législateur au juge constitutionnel, en passant par le juge administratif lui-même, tous, ont trahi ou dénaturé la pensée réelle du constituant gabonais de 1991. Lequel n'a nullement envisagé de dépouiller les juridictions de l'ordre administratif d'un pan, le plus important de surcroit, du contentieux administratif 115. Le Gabon est le seul pays au monde qui remplit cette curiosité intellectuelle. Qui plus est, le juge constitutionnel ne saurait annuler les actes de l'administration, ni indemniser les victimes. Elle se contente de les déclarer inconstitutionnels.

112 Notons que cette expression qui découle de la libre administration revêt une double mission :

- En premier lieu, c'est la capacité juridique à produire des normes financières : En matière de recette,

elle implique la reconnaissance au profit des collectivités locales d'un véritable pouvoir fiscal local, le pouvoir de créer et de lever l'impôt. En matière de dépense, c'est la liberté de décider d'affecter les ressources à telle ou telle dépense précise.

- En second lieu, c'est la possibilité pour les collectivités locales d'assurer le financement de leurs

dépenses par des ressources propres en volume suffisant.

113 Pour la haute juridiction gabonaise, seul le constituant peut donc prévoir le principe d'autonomie financière. Il s'agit là d'une technique de constitutionnalisation de ce principe, notamment lorsqu'elle affirme que : « considérant que la possibilité pour une institution d'avoir des ressources autres que les crédits inscrits pour elle au budget de l'Etat implique nécessairement que cette institution bénéficie de l'autonomie financière ».

114 Cf. C.A du 23 juin 2000, Comptoir gabonais du pneumatique c. /Etat gabonais, Rép. N°36.

115 Observons avec l'auteur S.M. KWAHOU que cet « auto-attribution du contentieux des actes réglementaires115 par le juge constitutionnel gabonais rend encore plus complexe la lecture du droit positif gabonais en matière de répartition d'attributions juridictionnelles ».

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 58

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

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