Paragraphe 2 : Le juge constitutionnel, juge de la
régularité des délibérations à
caractère règlementaire
Le contentieux de la légalité des actes
administratif présente une spécificité au Gabon. En effet,
contrairement à la France et même le Sénégal qui ont
opté pour un système de dualisme juridictionnel, et
attribué le contentieux de l'ensemble des actes administratifs à
un seul ordre juridictionnel, notamment l'ordre administratif, le Gabon a
préféré reconnaitre
cette compétence à trois juridictions
différentes (administrative, judiciaire et constitutionnelle).
La compétence de la cour constitutionnelle en
matière de contrôle des actes budgétaires locaux est
implicitement déduite de l'interprétation des dispositions
constitutionnelles et législatives en vigueur (A), mais
consacrée indirectement par la jurisprudence constitutionnelle et
administrative (B).
A- Une compétence constitutionnelle et
législative implicite
Dans le droit positif gabonais, un pan entier du contentieux
administratif est dorénavant reconnu au juge constitutionnel. Certains
auteurs comme sylvestre MILTON KWAHOU parlent même de « la
dépossession d'une catégorie de recours contentieux au
détriment de la juridiction administrative »105.
104 À Libreville, ils existent un Tribunal
Administratif (TA) et une Cour Administrative d'Appel (CAA).
Conformément aux dispositions transitoires de la loi n°7/94 du 16
septembre 1994 portant organisation de la justice, en attendant la
création des tribunaux administratifs, ce sont les sections
administratives des tribunaux d'instance de l'ordre judiciaire qui connaissent
du contentieux administratif local à l'intérieur du territoire
national. Le Conseil d'État, installé à Libreville, jouant
le rôle de juge de cassation (rôle juridictionnel) et de conseiller
du Gouvernement (rôle consultatif) en la matière.
105 Cf. Son cours de contentieux administratif gabonais
dispensé en 4e année de droit public, FDSE, UOB,
année 2011-2012.
Mémoire de Master 2, présenté par
Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 55
Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
Cet état du droit aurait pour fondement l'article 84
alinéa 1 de la constitution du 26 mars 1991, modifié par la loi
constitutionnelle n°13/2003 du 19 aout 2003. En effet, selon le premier
tiret de cet article : « la cour constitutionnelle statue
obligatoirement sur la constitutionnalité (...) des actes
règlementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de
la personne humaine et aux libertés publiques »106.
Or à la lecture de cette disposition, il ressort que le contrôle
de constitutionnalité, et non de légalité107,
préconisé ici n'intéresse que les « actes
réglementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de
la personne humaine et aux libertés publiques ». Il ne s'agit
pas de l'ensemble des actes administratifs réglementaires, puisqu'il
n'est nullement fait mention d'un contrôle général sur la
totalité des actes administratifs réglementaires, nationaux comme
locaux.
Mais il semble que le législateur gabonais n'est pas de
cet avis. En effet, l'article 38 de la loi organique n°5/2002 du 27
novembre 2002 sur le Conseil d'Etat, déterminant les compétences
d'attribution du Conseil d'Etat, dispose en substance que ce dernier connait en
premier et dernier ressort, les « recours pour excès de pouvoir
formés contre les actes individuels des autorités administratives
à compétence nationale ». Par la même, le
législateur de 2002 exclu délibérément de la
compétence du Conseil d'Etat, les recours pour excès de pouvoir
à l'encontre des actes réglementaires, peu importe leur objet.
Il en va de même pour les juridictions administratives
locales, qui sont habilitées à ne connaitre que des recours pour
excès de pouvoir formés contre les décisions individuelles
ou collectives des autorités déconcentrées et
décentralisées c'est-à-dire celles qui ont une
compétence locale.
On peut aussi citer le législateur de 2014 qui en
adoptant la nouvelle loi organique sur la décentralisation a
limité expressément la compétence des juridictions
administratives locales à la seule légalité des
délibérations non règlementaires. Ce qui implique par
déduction, a contrario, que pour le contrôle des
délibérations ayant un caractère réglementaire, la
compétence serait constitutionnelle108. La juridiction
constitutionnelle serait donc compétente pour connaitre de la
régularité à la loi de tout acte budgétaire des
collectivités locales.
106 Remarquons qu'expressément le
législateur mentionne dans cet article 84 l'exercice par la cour
constitutionnelle d'un « contrôle de constitutionnalité
» et non d'un contrôle de légalité. Autrement dit,
d'un point de vue matériel, une distinction doit être faite entre
les champs d'intervention des juridictions constitutionnelle et administrative
: la cour constitutionnelle exercera un contrôle de
constitutionalité et le juge administratif comme financier, un
contrôle de légalité.
Tout comme la cour constitutionnelle est sensée
prolonger et approfondir le contrôle de légalité du juge
administratif en exerçant en plus du contrôle de
constitutionnalité des lois, « un contrôle de
constitutionnalité des actes administratifs ».
107 En effet, il est tout à fait possible de
distinguer d'un point de vue matériel, les champs d'intervention d'un
contrôle de constitutionnalité (juge constitutionnel) et d'un
contrôle de légalité (juge administratif).
108 Cf. article 77 de la loi organique n°001/2014 du
15 juin 2015.
Mémoire de Master 2, présenté par
Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 56
Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
En réalité, cette position du législateur
a été inspirée d'une décision constante de la cour
constitutionnelle depuis 1994. L'origine de tout cet état de de choses
est une interprétation extensive et dénaturée des
dispositions constitutionnelles.
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