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Le contrôle de l’état sur les actes budgétaires des collectivités locales au Gabon.


par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI
Université Omar Bongo de Libreville (Gabon) - Master 2 Professionnel en gestion financière des collectivités locales 2014
  

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Section 2 : La compétence exceptionnelle des juridictions non financières en
matière de finances locales

En dehors des juridictions financières, les violations des règles budgétaires et comptables peuvent interpeller, à titre exceptionnel, d'autres juridictions. Il en est ainsi

92 Article du professeur T.K.G, « le contrôle des finances publiques », journal hebdo info, N°185, 13 mai 1989, page 76.

93 En ce qui concerne la rétractation des décisions de la cour des comptes. En principe, selon l'article 152 de la loi organique n°11/94, l'arrêt définitif dessaisit la formation de jugement qui l'a rendu, à moins qu'il ne s'agisse d'une décision d'avant-dire-droit93 ou provisoire. Toutefois, il appartient à toute formation de rétracter sa décision si des erreurs et omissions matérielles affectent celle-ci. La Cour est saisie par simple requête de l'une des parties ou par requête commune. Elle peut aussi se saisir d'office. La demande de rétractation doit, à peine d'irrecevabilité, faire mention des erreurs ou omissions ayant motivé la saisine de la Cour (article 153). Si la Cour déclare la demande recevable, elle doit la dire fondée ou non. La décision rendue est alors notifiée aux parties dans les formes prévues par la loi (article 154).

Les décisions du juge des comptes peuvent également faire l'objet de révision en cas de nécessité. En effet, selon l'article 155 : « la Cour nonobstant l'arrêt de jugement définitif d'un compte, peut pour erreur, omission, faux ou double emploi découvert postérieurement à l'arrêt procéder à sa révision, soit sur la demande du comptable appuyée de pièces justificatives recouvrées depuis l'arrêt, soit d'office ». Cette demande en révision est adressée au premier président de la Cour. Elle doit comporter l'exposé des faits et moyens invoqués par le requérant, être accompagnée d'une copie de l'arrêt attaqué, des justifications servant de base à la requête ainsi que des pièces établissant la notification de cette requête aux autres parties intéressées.

Après instruction et selon qu'elle estime que les pièces produites permettent ou non d'ouvrir une instance en révision, la Cour, statuant à titre définitif, admet ou rejette la demande en révision. Quand elle admet la demande, la Cour prend, par le même arrêt, une décision préparatoire de mise en état de révision des comptes et impartit au comptable un délai de deux mois pour produire des justifications supplémentaires éventuellement nécessaires à la révision lorsque celle-ci est demandée par lui, ou faire valoir ses moyens lorsque la révision est engagée contre lui. Après examen des réponses, ou après l'expiration du délai susvisé, la Cour procède s'il y a lieu à la révision de l'arrêt et des comptes concernés. Lorsque la Cour agissant d'offi ce estime, après instruction, que les faits dont la preuve est apportée permettent d'ouvrir une instance en révision, elle rend un arrêt préparatoire de mise en état de révision des comptes et procède conformément aux règles prévues par l'article 156.

Par ailleurs, l'exercice des recours en rétractation et en révision n'est soumis à aucun délai (article 158).

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 50

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

lorsque l'irrégularité financière est constitutive d'une infraction à la loi pénale. Dans ce cas, la responsabilité de son auteur peut être engagée devant le juge pénale. Parfois c'est une question de légalité qui se pose, alors le juge administratif ou constitutionnel peut être saisi, selon la nature de l'acte local litigieux.

L'attribution de tels conflits à des organes juridictionnels, indépendants du pouvoir exécutif d'Etat comme local, traduit selon Aimé Felix AVENOT « le souci du législateur gabonais de garantir non seulement les collectivités secondaires contre les empiètements et les usurpations de compétences d'une collectivité vis-à-vis d'une autre, mais également contre les ingérences intempestives et le risque de l'arbitraire de la part des autorités de l'Etat »94.

Autrement dit la question de la légalité des actes locaux, incluant les actes financiers, peut être posée aussi bien devant le juge administratif, pour les actes budgétaires non règlementaires (Paragraphe 1), que devant le juge constitutionnel, pour les actes ayant un caractère règlementaire (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le juge administratif, juge de la légalité des actes financiers
locaux non réglementaires

C'est parce que le juge administratif gabonais est le gardien de la légalité républicaine et le censeur de l'activité administrative, qu'il contrôle, a posteriori, la légalité des actes des autorités administratives en générale.

Par conséquent, le contentieux de la légalité des actes budgétaires locaux non règlementaire relève des tribunaux administratifs du ressort territorial, saisit par l'autorité de tutelle locale, le représentant légal de la collectivité locale ou par tout administré de la collectivité locale concernée, au moyen d'un recours pour excès de pouvoir qui court à partir du jour de la publication l'acte attaqué95.

Selon le législateur, le juge administratif peut être saisi pour examiner non seulement la légalité des délibérations à caractère financier (A), mais aussi celle les décisions de l'autorité de tutelle, objet de litiges (B).

A- Le contrôle des délibérations à caractère financier

Ce sont les dispositions de l'article 77 de la loi organique 001/2014 qui disposent que « la juridiction administrative locale est compétente pour connaitre en premier ressort des recours pour excès de pouvoir introduits contre les délibérations des conseils n'ayant pas un caractère règlementaire ». Il s'agit d'une affirmation de la pleine compétence des tribunaux administratifs sur le contrôle de légalité de l'ensemble des délibérations des

94 Cf. République du Gabon, FDSE, UOB, mémoire de droit public, « Remarques à propos de la loi organique n°15/96 du 6 juin 1996 relative à la décentralisation », Aimé Felix AVENOT, 1997, p.57.

95 Cf. les articles 75 à 77 de la loi organique 001/2014 sus citée.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 51

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

conseils locaux, peu importe leur nature. Autrement dit, c'est le même régime est applicable à tous les actes des autorités décentralisées.

Mais le texte ne déterminant pas un régime particulier en ce qui concerne le contentieux de la légalité des actes budgétaires et financiers, il convient d'avoir une interprétation large de l'expression « délibération à caractère non réglementaire » utilisée, en y incluant les délibérations ayant un caractère financier. Elles relèvent de la catégorie des actes administratifs dit « spéciaux »96.

C'est en effet par délibération97 que les conseils des collectivités locales, « décide sur leurs attributions et ressources spécifiques ; de leur participation financière dans les entreprises nationales d'économie mixte ; votent leurs budgets, leurs autorisations spéciales de dépenses et leurs virements de crédits ; approuvent leurs comptes administratifs ; la création des impôts locaux, des taxes et amendes locales ; entendent, débattent et arrêtent leurs comptes de gestion ; autorisent leurs emprunts ; leurs signatures des marchés et conventions après dépouillement, examen et sélection des dossiers d'appel d'offre »98. Il en ressort que chaque acte budgétaire local soumis à l'approbation obligatoire de la tutelle doit être accompagné d'une délibération du conseil laquelle sert de support juridique audit acte.

Notons que les requérants peuvent assortir leurs requêtes d'une demande de sursis à exécution de l'acte. Sur cette question, l'apport de la jurisprudence administrative gabonaise est considérable99. Ce sursis est accordé dans certaines conditions : caractère sérieux de l'un des moyens invoqués dans la requête en l'état de l'instruction pouvant justifier l'annulation de l'acte, possibilité d'une compromission de l'exercice d'une liberté publique, ou c'est le juge administratif qui décide de sa propre initiative de surseoir à l'exécution d'un marché public local que lui transmet par exemple le représentant de l'Etat aux fins d'annulation.

96 Du fait de la nature exclusivement administrative de la décentralisation au Gabon, les autorités décentralisées sont détentrice du pouvoir de décision règlementaire local.

En qualité donc d'autorité administrative les actes qu'elles édictent sont des actes administratifs (actes de gestion administrative et actes de gestion financière). Leur caractère spécial tient au fait que ces actes visent un intérêt général spécial : celui des populations locales de la collectivité concernée.

97 Il s'agit d'un acte qui émane d'un organe collectif ou délibérant. Ici, le terme est spécialement employé pour désigner les décisions prises par les assemblées des collectivités locales. La délibération du conseil a un caractère financier si l'acte principal est un acte budgétaire par exemple, c'est-à-dire lorsqu'elle est prise dans une matière financière de la collectivité.

98 Selon l'article 36 de la loi organique n°001/2014.

99 Cf. la Jurisprudence administrative : Décision NZET BITHEGHE, de la chambre administrative de la cour suprême, du 24 novembre 1989 sur les conditions de forme de la recevabilité d'une demande de sursis («il faut que l'exécution de la décision dont il s'agit risque d'entrainer pour la victime des conséquences difficilement réparables ») ; et Décision TCHICKAYA PORTENCE, du tribunal administratif, du 25 février 2003 sur les conditions de fond de la recevabilité d'une telle requête (« la mesure de sursis à exécution ne peut être ordonnée à la demande du requérant que si l'urgence le justifie et si les moyens énoncés dans la requête apparaissent, en l'état de l'instruction, sérieux (...) pour justifier la demande de sursis, l'exécution de la décision attaquée doit être de nature à entrainer pour le requérant des conséquences difficilement réparables actives d'un préjudice certain »).

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Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Lorsqu'un particulier ou administré a intérêt à agir contre un acte à caractère budgétaire ou financier, soumis à l'approbation préalable qui est devenu exécutoire, il peut intenter un recours direct devant le juge administratif. Ce dernier, après avoir examiné les conditions de recevabilité du recours, se prononce sur tous les éléments de la légalité interne comme externe, en procédant à un examen formel et matériel de l'acte budgétaire incriminé.

Dans le premier cas (contrôle formel), le juge administratif peut alléguer deux moyens pour annuler une délibération attaquée : l'incompétence et le vice de forme.

L'incompétence peut être définie comme l'inaptitude légale d'une autorité à prendre une décision. Elle se présente lorsqu'une autorité administrative agit au-delà de ses compétences. La doctrine fait de plus en plus le distinguo entre incompétence ratione materiae, ratione loci et ratione temporis100. Le vice de forme consiste à l'omission ou l'accomplissement incomplet ou irrégulier des formalités auxquelles un acte administratif est assujetti par les lois et règlement. C'est une irrégularité liée à la rédaction d'un acte administratif.

Dans son office, le juge différencie les formes obligatoires (cas des contreseings) des formes facultatives (cas des visas) de l'acte examiné. La nullité de la délibération peut être acquise si elle est substantielle. Exemple : une absence de mention obligatoire, dénaturant ainsi l'acte. Par contre, si la présentation est uniquement altérée par une imperfection accessoire, il y a irrégularité vénielle101 et la délibération dans ce cas d'espèce ne pourrait être déclarée nulle.

Dans le second cas (contrôle matériel), il existe deux cas d'ouverture du recours pour excès de pouvoir : la violation de la loi et le détournement de pouvoir.

La violation de la loi ne constitue un moyen d'annulation que si elle constitue en même temps une atteinte à une règle de droit. C'est une illégalité qui touche le contenu même de l'acte, c'est-à-dire à toute contradiction avec les normes qui lui sont supérieures. Quant au détournement de pouvoir, il consiste à détourner un pouvoir légal du but pour lequel il a été institué. Le juge va s'en tenir ici aux irrégularités consécutives aux mobiles qui ont inspiré l'auteur de l'acte incriminé. Il va alors voir si le conseil de la collectivité locale a exercé ses compétences à des fins autres que celles liées à la satisfaction de l'intérêt

100 L'incompétence ratione materiae, c'est par exemple lorsque le conseil d'une collectivité locale n'est pas compètent quant à la matière traitée, car relevant soit du législateur, soit du juge ou d'une autre autorité administrative.

L'incompétence ratione loci, c'est lorsqu'une autorité locale a ignoré les limites territoriales de sa compétence. Le cas d'un conseil municipal qui statue en réalité à l'égard de personnes qui ne dépendent pas de lui.

L'incompétence ratione temporis, c'est quand un élu local a agi en dehors de la durée de son mandat, soit avant le début, soit après le terme de celui-ci.

101 C'est-à-dire une légère irrégularité ; une entorse à la loi peu sévère, excusable ou insignifiante, qui ne saurait en l'espèce aboutir à l'annulation de l'acte incriminé.

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Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

général ou si le conseil a bien exercé ses compétences à des fins d'intérêt général, mais la délibération a été adoptée en visant un but différent102.

C'est à la suite de son contrôle de légalité qu'il procède à l'annulation de la délibération à caractère financier, s'il l'estime illégale. Dans le cas contraire, le recours est rejeté et l'acte rendu exécutoire dès notification du président du conseil local.

L'annulation, qui peut être partielle ou totale, consiste à anéantir rétroactivement l'acte. C'est-à-dire faire disparaitre de l'ordonnancement juridique national, la délibération attaquée. Elles sont alors considérées comme n'ayant jamais existées. Ce qui entraine l'anéantissement de toutes les conséquences de droit qui résultent de l'application de ladite délibération103.

Mais s'il n'y a pas que les délibérations à caractère financier des collectivités locales qui peuvent être contrôlés et sanctionnées par la juridiction administrative locale. Les décisions de l'autorité de tutelle en font aussi l'objet.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote