B- Le contrôle du bon emploi des deniers publics
locaux
Ici le contrôle juge financier est un contrôle de
vérification l'utilisation des fonds publics locaux par les ordonnateurs
municipaux et départementaux. La juridiction juge la qualité de
la gestion financière de ceux-ci, en analysant l'opportunité des
dépenses locales et autres. Ce contrôle s'exerce
généralement a priori ou en cours d'exercice
budgétaire.
En effet, les chambres des comptes disposent du pouvoir
d'apprécier la qualité de la gestion organismes publics. C'est
là l'originalité de leurs missions82. Selon la loi sur
la cour des comptes, « le juge des comptes examine la gestion des
collectivités locales ». Il s'assure « du bon emploi
des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de
l'Etat et les autres organismes publics».
Pour les besoins du contrôle, un magistrat rapporteur
est désigné. Celui-ci dispose de larges pouvoirs d'investigations
sur pièces et sur place. Il est chargé d'examiner les
états financiers, notamment bilans, documents annexes et en tire toutes
les conclusions sur les résultats et la qualité de la gestion.
Comme dans le contrôle juridictionnel des comptes du receveur, le
rapporteur dispose d'un droit d'accès permanent dans tous les bureaux de
la collectivité contrôlée de même que les agents de
ladite collectivité sont tenus de répondre à ses demandes
de renseignements sous peine de sanctions.
Néanmoins, l'exercice de ses prérogatives ne
peut se faire que dans le respect du principe général du droit de
la défense. Ainsi, le magistrat rapporteur ne peut formuler ses
observations sans un entretien préalable entre lui et l'ordonnateur. Par
la suite, le rapporteur établit un pré-rapport qui est
communiqué par le Président de la chambre à l'ordonnateur
de la collectivité locale concernée. Celui-ci doit apporter sa
réponse aux observations formulées dans un délai d'un mois
par mémoire écrit lequel est transmis au rapporteur et au
magistrat contre-rapporteur. En outre le juge des comptes doit garantir le
secret des investigations comme lors du contrôle des comptes.
À l'issue de la procédure, la chambre
arrête définitivement le rapport. Elle peut au préalable
procéder à l'audition des parties s'elle l'estime
nécessaire pour éclaircir certains points. Le rapport permet
ainsi à la chambre de donner son avis sur la régularité et
la sincérité des comptes, sur la qualité de la gestion, de
l'utilisation des fonds publics locaux. Mais aussi de formuler les observations
ainsi que les modifications qui s'imposent le cas échéant
relativement à l'organisation et au fonctionnement de la
collectivité locale contrôlée.
La chambre provinciale des comptes a aussi une
compétence administrative. Celle-ci s'exerce notamment en lors de
l'élaboration ou de l'exécution des actes budgétaires des
collectivités locales sur saisine soit de l'autorité de tutelle,
soit du président du conseil de la collectivité, soit
d'office.
Selon l'article 40 de la loi 11/94 : « la Cour des
comptes se saisit d'office de toutes les affaires relevant de sa
compétence. Elle peut en outre être saisie en vue du
contrôle, ou pour avis, par les organes institutionnels de l'État,
les organismes de contrôle
82 M BOUVIER, M-C ESCLASSAN, J-P LASSALE, finances
publiques, L.G.D.J, 5ème éd, 2000, p409
Mémoire de Master 2, présenté par
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Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
les représentants légaux des administrations
publiques et privées ainsi que par toute personne morale de droit public
». Autrement dit, le juge des comptes intervenant en qualité
d'autorité administrative, joue un rôle de conseiller pour la
tutelle comme la collectivité locale en matière
financière. En effet, chaque année les collectivités
locales adoptent leur budget qui prévoit et autorise les recettes et les
dépenses. Le pouvoir du juge lors de l'élaboration de cet acte
financier et de ceux qui en découle, se manifeste par des avis
adressés soit directement au président du conseil de la
collectivité locale, soit au ministère en charge de la tutelle de
ces dernières83.
Par exemple dans l'hypothèse de refus d'approbation
d'un acte budgétaire pour cause d'illégalité84,
l'autorité de tutelle invite le conseil de la collectivité locale
concernée à corriger le projet de budget dans un délai de
quinze (15) jours à compter de la date de sa notification. Si par la
suite un désaccord survient, le président du conseil saisit la
juridiction des comptes compétente85 qui statue dans un
délai maximum de quinze (15) jours, à compter de la date de sa
saisine. Et « lorsque l'avis de la juridiction des comptes
compétente est défavorable, le projet de budget est repris
conformément à ses indications et devient exécutoire
»86.
Une autre situation se présente lorsque les
crédits permettant d'acquitter une dépense obligatoire n'ont pas
été prévus dans le budget, le juge des comptes peut
être saisi par l'autorité de tutelle. Le juge adresse alors une
mise en demeure à la collectivité ou à l'organisme
concerné et, le cas échéant, demande au
représentant de l'Etat l'inscription d'office des crédits en
question.
Notons que selon l'article 92 de la loi n°11/94 du 17
septembre 1994 sur la Cour des comptes : « les ordonnateurs sont
soumis (...) à la juridiction de la Cour, qui a tout pouvoir de
sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat,
des Collectivités territoriales,... », les juridictions des
comptes ont compétente pour sanctionner tous les agents chargés
de la gestion financière, en l'absence de l'existence d'une
juridiction
83 Notons qu'il s'agit d'une compétence que la
juridiction des comptes partage avec la juridiction administrative.
84 L'article 339 de la nouvelle loi organique 001/2014 dispose
que « l'autorité de tutelle rejette le
budget
d'une collectivité locale dans les cas
suivants :
V' Lorsque le budget n'a pas été
établi conformément aux lois et règlements
;
V' Lorsqu'il a été omis l'inscription
des dépenses obligatoires ;
V' Lorsque les crédits ouverts pour faire face
aux dépenses obligatoires sont insuffisants ;
V' Lorsqu'il apparait une surestimation ou une
sous-estimation substantielle des recettes ou des
dépenses réelles
».
85 Observons que dans l'ancienne loi organique n°15/96
c'était l'autorité de tutelle qui devait, dans certains cas
prévus par la loi, les déférer à la cour des
comptes. Mais dorénavant cette compétence de saisine,
dictée par l'urgence, est dévolue directement au maire ou
président du conseil départemental de la collectivité
locale concernée.
86 Cf. article 339 alinéas 2 et 3 de la loi sus
citée.
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Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 45
Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
spéciale87 permettant de sanctionner et de
responsabiliser les administrateurs et ordonnateurs de crédits, comme en
France et Sénégal.
À ce titre, est justiciable devant le juge financier
gabonais, tout fonctionnaire civil, tout militaire, tout magistrat, tout agent
de l'Etat ou tout agent d'une collectivité publique ou d'un
établissement public, d'une société nationale, d'une
société anonyme à participation publique et
généralement, de tout organisme bénéficiant du
concours financier de la puissance publique, toute personne investie d'un
mandat public et toute personne ayant exercé de fait lesdites fonctions,
à qui il est reproché un ou plusieurs faits punissables
ci-après :
En matière de dépenses
:
V' le fait de n'avoir pas soumis à l'examen
préalable des autorités habilitées à cet effet,
dans les conditions prévues par les textes en vigueur, un acte ayant
pour effet d'engager une dépense ;
V' le fait d'avoir imputé ou fait imputer
irrégulièrement une dépense ou d'avoir enfreint la
réglementation en vigueur concernant la comptabilité de
matières ;
V' le fait d'avoir passé outre au refus de
visa d'une proposition d'engagement de dépenses, excepté dans le
cas où l'avis conforme du ministre chargé des finances a
été obtenu préalablement par écrit ;
V' le fait d'avoir engagé des dépenses
sans avoir reçu à cet effet délégation de signature
;
V' le fait d'avoir produit, à l'appui ou
à l'occasion de ses liquidations, de fausses certifications ;
V' le fait d'avoir enfreint la réglementation
en vigueur concernant la commande publique. Sont notamment
considérées comme infraction à la réglementation
des marchés ou conventions : le fait d'avoir procuré ou
tenté de procurer à un cocontractant de l'administration publique
un bénéfice anormal ; le fait de n'avoir pas assuré une
publicité suffisante aux opérations dans les conditions
prévues par les textes en vigueur ; le fait de n'avoir pas fait appel
à la concurrence dans les conditions prévues par les textes en
vigueur ;
V' le fait de s'être livré, dans
l'exercice de ses fonctions, à des faits caractérisés
créant un état de gaspillage des deniers publics. Sont notamment
considérés comme réalisant un état de gaspillage :
les transactions trop onéreuses pour la collectivité
intéressée, en matière de commande directe, de
marché ou d'acquisition immobilière ; les stipulations de
qualité ou de fabrication qui, sans être requises par les
conditions d'utilisation des travaux ou de fournitures, seraient de nature
à accroître le montant de la dépense ; les dépenses
en épuisement de crédits ;
V' le fait d'avoir enfreint les règles
régissant l'exécution des dépenses ;
87 Dans ces pays, il existe une cour de discipline
budgétaire ou financière. Cette juridiction est suscepti ble de
prononcer de décisions sous forme de sanctions contre les
administrateurs et ordonnateurs de crédits.
Mémoire de Master 2, présenté par
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Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
V' le fait d'avoir négligé, en sa
qualité de chef de service responsable de leur bonne exécution,
de contrôler les actes de dépenses de ses subordonnés ;
V' le fait d'avoir omis sciemment de souscrire les
déclarations qu'ils sont tenus de fournir aux administrations fiscales
et sociales conformément aux codes en vigueur ou d'avoir fourni
sciemment des déclarations inexactes ou incomplètes.
En matière de recettes :
V' le fait d'avoir manqué de diligences pour
faire prévaloir les intérêts de l'Etat ou de toute autre
collectivité publique, notamment le défaut de poursuite d'un
débiteur ou de constitution de sûreté réelle ;
V' le fait d'avoir enfreint les règles
régissant l'exécution des recettes ;
V' le fait d'avoir négligé en sa
qualité de chef de service responsable de leur bonne exécution,
de contrôler les actes de recettes effectués par ses
subordonnés.
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