C. LA THEORIE DES COUTS DE TRANSACTION
Pour les théoriciens des coûts de transaction
(COASE, 1937 ; Williamson, 1985), l'entreprise, contrairement au marché,
apparaît comme le mode d'organisation qui permet de réaliser des
économies sur les coûts de transaction.
En effet, « ce qui distingue les entreprises des
marchés, c'est la capacité qu'ont les entreprises à
internaliser certaines transactions et à les réaliser à un
coût moindre que si elles avaient dû se dérouler sur les
marchés » (EBONDO et Pigé, 2002). Pour toutes ces raisons,
les dirigeants des grandes sociétés d'abord, ceux des PME/PMI
ensuite, ont été amenés à internaliser l'essentiel
de leurs travaux d'audit légal grâce à la création
des services d'audit interne. L'objectif recherché par les dirigeants et
les commissaires aux comptes de transférer la réalisation des
travaux de vérifications et de contrôle de conformité
à des auditeurs internes a été clair : il s'agissait de
réduire les honoraires versés aux auditeurs légaux.
La théorie des coûts de transaction offre ainsi
une pertinente justification de la création des services d'audit interne
dans les entreprises. Dans les groupes internationaux, la théorie
économique des cessions internes offre la même explication. En
effet, pour la théorie économique des cessions internes, le
recours à des prix des cessions internes et/ou des prix de transfert met
en évidence ce que coûte à l'entreprise le fait de
répondre à ses besoins par une solution interne. Selon Bouquin
(2001), lorsque les entités ont la liberté d'acheter ou de vendre
aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur, «
les prix internes jouent un rôle déterminant dans l'obtention et
l'utilisation des ressources ». Toutefois, Bouquin (2001) distingue
l'influence que la facturation interne peut avoir sur l'allocation des
ressources (s'adresser à tel fournisseur plutôt qu'à tel
autre), de l'impact, plus problématique qu'elle peut avoir sur
l'amélioration de la performance des coûts. Pour lui, la
perspective de devoir vendre en interne, sous concurrence extérieure,
incite les partenaires de l'amont à coopérer avec ceux de l'aval.
La facturation interne apparaît dès lors « comme un
dispositif de renforcement de la gestion par processus... ».
D. LA THEORIE DE L'AGENCE ET DE LA GOUVERNANCE DE
L'ENTREPRISE
On attribue la paternité de la théorie de
l'agence à JENSEN et MECKLING (1976). Dans leur article fondateur, ces
deux auteurs considèrent que le fonctionnement des entreprises est
caractérisé par des rapports contractuels.
On parle de relation d'agence lorsqu'une entreprise ou une
personne confie la gestion de ses propres intérêts à une
tierce personne. L'illustration la plus courante est la relation contractuelle
qui lie les propriétaires du capital financier (actionnaires)
appelés « le
35
principal » aux dirigeants de l'entreprise,
appelés « agents ». Pour Jensen et Meckling, cette dimension
contractuelle est porteuse au sein de l'entreprise de conflits
d'intérêts, qui sont facteurs de coûts. Ces conflits peuvent
être exacerbés lorsque le dirigeant est géographiquement
éloigné des actionnaires. Les dirigeants de la filiale peuvent
profiter de la liberté que leur offre l'éloignement
géographique pour adopter un comportement contraire aux
intérêts du groupe. L'audit externe apparaît, dans ce cadre,
comme le mécanisme de contrôle et de surveillance du comportement
de l'agent éloigné (dirigeant d'une filiale), plus enclin
à faire supporter à la maison mère des coûts
d'agence et à ne pas respecter toutes ses obligations contractuelles.
L'audit interne, émanation de la direction
générale, n'a pas été considéré par
la théorie de l'agence comme un mécanisme de surveillance au sein
de la relation d'agence. Mais, depuis quelques années, la théorie
de l'agence a donné lieu à de nombreux développements sur
la gouvernance des entreprises (Charreaux, 1997 et 2000) qui tendent à
intégrer aussi l'audit interne comme un mécanisme de gouvernance
de l'entreprise.
En effet, parmi les conflits d'intérêts
susceptibles de s'élever entre les actionnaires et les dirigeants,
l'approche actuelle de la gouvernance de l'entreprise semble privilégier
la résolution du conflit né du déséquilibre
informationnel (asymétrie d'information) existant entre l'agent et le
principal. L'audit interne, rattaché au comité d'audit (lorsqu'il
existe), a (comme l'audit externe ou légal) un rôle fondamental
à jouer au sein de la gouvernance de l'entreprise. Pour Gramling et
al. (2004), la gouvernance de l'entreprise compte quatre composantes :
l'auditeur externe, le comité d'audit, le management la fonction
d'audit. La contribution de l'audit interne en tant que fonction participant
à la gouvernance peut être appréciée via
les relations qu'elle entretient avec les trois autres acteurs
responsables de la gouvernance de l'entreprise. La fonction d'audit interne
apparaît comme une fonction ressource. Toutefois, les auteurs
reconnaissent que la nature et la valeur de l'audit interne comme fonction
ressource sont contingentes de la qualité de la fonction d'audit
interne. La gouvernance de l'entreprise renforce l'indépendance de
l'auditeur interne (Brody et Lowe, 2000). Le rôle de l'audit interne dans
la gouvernance de l'entreprise peut s'apprécier à deux niveaux :
réduction des asymétries des informations et management des
risques.
Concernant le premier niveau, il est admis que par rapport aux
actionnaires, le dirigeant disposait, outre l'information comptable et
financière, d'une information complète, issue de la
comptabilité de gestion et du rapport d'audit interne dont il
était le seul destinataire. L'existence d'un comité d'audit,
destinataire du rapport de l'auditeur interne, apparaît ainsi comme la
courroie de transmission entre les auditeurs non seulement externes, mais aussi
internes et le conseil d'administration. C'est grâce à ce
rattachement que l'audit
36
interne peut contribuer à la réduction des
asymétries d'information dans un gouvernement d'entreprise.
L'audit interne a aussi un rôle clé à
jouer au niveau du management des risques d'entreprise et surtout dans le
processus d'élaboration du rapport sur le contrôle interne
exigé par la loi sur la sécurité financière (LSF)
aux sociétés cotées. En effet, il a notamment pour mission
d'évaluer le système de contrôle interne. À ce
titre, il est le mieux à même d'alimenter le conseil
d'administration en informations sur les faiblesses du système de
contrôle interne ou sur les zones des risques susceptibles de nuire
à l'atteinte des objectifs stratégiques, opérationnels,
informationnels et de conformité.
Gramling et Myers (2006) ont mis en évidence le
rôle joué par l'audit interne dans le management des risques
d'entreprise.
Selon ces deux auteurs, l'auditeur interne exerce une
influence sur cinq de ses composantes. Il donne une assurance raisonnable quant
au processus de management des risques, que les risques sont correctement
évalués, que le processus de management des risques a
été bien évalué, que le reporting sur les risques
majeurs a été correctement établi et qu'un bilan sur la
gestion des principaux risques a été dressé. Selon les
résultats de leur étude figurant dans le tableau n° 1
ci-après, dans l'ensemble, l'audit interne ne joue, à l'heure
actuelle, qu'un rôle modéré dans le management des risques
d'entreprise. Ce rôle est appelé à se développer,
notamment pour évaluer le processus de management des risques de
l'entreprise.
|