Principes unidroit et droit européen( Télécharger le fichier original )par Diane Hélage FACO - Master 1 Droit des Affaires Internationales 2012 |
Chapitre 2 : Les vices du consentement.Selon l'idée véhiculée par la doctrine de l'autonomie de la volonté, le consentement est la base du contrat, c'est l'élément fondamental de tout acte juridique, de toute convention. La force de l'autonomie de la volonté, partant du consentement est telle en matière contractuelle qu'on lui attribue même la formation des contrats qui auraient été conclus sur la base d'une obligation légale ou à une nécessité pratique, économique ou sociale71(*).Et selon cette même doctrine « le consentement suffit à lui seul à former le contrat, abstraction faite des cas « exceptionnels » pour lesquels la remise d'une chose est, en outre, exigée, ou la forme écrite, voire la forme authentique, imposée ad validitatem »72(*). Pour cette raison la protection du contrat tient une place importante dans le droit contractuel. Il conviendra de définir les vices du consentement dans leur globalité (I) avant de les aborder via les Principes UNIDROIT et le droit européen (II). I. Généralités. Le consentement est l'expression de la volonté des parties de s'engager dans un contrat et pour que cet engagement puisse être valable il faut que le consentement soit exempte de vices qui puissent jeter un doute sur sa valeur et ses effets. Nous définirons d'abord les vices du consentement (A) avant de traiter des dispositions des lois nationales (B). A. Définition. Contracter, ce n'est pas seulement consentir, c'est consentir en pleine connaissance de cause et librement, en dehors de toute forme de contrainte. Et pour que cette liberté soit garantie et le contrat produise effet, il faut que le consentement ait été éclairé et ait ainsi été donné en toute connaissance de cause. S'il est frappé de vice, le consentement n'est pas éclairé et ne peut donc pas produire effet envers celui dont le consentement a été vicié. Par vice de consentement, il faut entendre tous les éléments qui sont de nature à altérer la valeur du consentement, à engendrer le doute quant à la volonté réelle d'un individu à s'engager. Il en est ainsi de l'erreur, de la violence et du dol. L'erreur c'est une croyance fausse sur un des termes du contrat. Elle consiste à prendre pour vrai ce qui est faux et inversement. Mais il faut savoir que les hypothèses sont très nombreuses et elles ne peuvent pas toutes être prises en compte, pour la protection de la transaction et de la stabilité des contrats. Sont ainsi prises en compte les erreurs majeures qui portent sur un élément essentiel et non secondaire du contrat. Etant donné que le contrat international recèle une part très importante d'intuitu personae et de confiance, la prise en compte de l'erreur sur la personne est primordiale. Ensuite vient l'erreur qui porte sur la substance, qui porte alors sur la substance même de la chose objet du contrat, mais également sur la qualité substantielle de l'objet du contrat qui a déterminé une partie à contracter. Le dol consiste pour une personne à s'adonner à des manoeuvres destinées à surprendre le consentement d'une autre personne et la pousser à contracter. Le dol est le comportement d'un contractant destiné à induire l'autre en erreur, afin de le décider à conclure le contrat, on parle également d'erreur provoquée, par la ruse, la tromperie du cocontractant. Il faut cependant faire la différence entre « dolus malus » et « dolus bonus ». Le « dolus bonus » est communément admis comme consistant en des « petites exagérations qui ont toujours existé dans le commerce »73(*), une façon pour le vendeur de rendre le produit alléchant et qui ne sont pas vraiment de nature à provoquer une erreur lourde de conséquence pour l'acheteur, puisque restent dans le domaine du raisonnable, alors que le « dolus malus » va plus loin et peut consister en des trucages et des mises en scènes telles qu'elles ne pouvaient qu'induire le contractant en erreur. Le « dolus malus »peut aussi consister en une rétention d'informations décisives qui auraient dissuadé le contractant de s'engager s'il les avait eues en sa possession. Et enfin, il y a la violence qui altère la liberté même de contracter, en effet une personne qui est amenée à contracter sous la violence ou sa la contrainte, sous quelque forme que ce soit, n'exprime pas une volonté libre. Cette violence peut être physique, mais dans la plupart des cas, elle consiste surtout en des pressions psychologiques, des menaces ou encore des chantages. Il y a également la violence qui résulte des circonstances, du contexte économique, on parle alors de « violence économique » qui résulte de l'état de nécessité ou de faiblesse dans lequel se trouve une partie et qui est exploitée par une autre pour lui imposer un contrat à des conditions abusives, qu'elle n'aurait pas accepté en d'autres circonstances. Les lois nationales traitent des vices du consentement. B. Les dispositions des lois nationales.La question du vice du consentement a été largement débattue dans le cadre du droit national ; en règle générale, les droits nationaux reconnaissent qu'il faut protéger le consentement pour une plus grande sécurité des transactions, mais c'est dans la façon de protéger ce consentement que l'on constate une certaine différence ou une différence certaine. Notons d'abord que malgré une plus grande faiblesse au niveau de la codification pour certains droits positif, notamment dans le common law, les droits nationaux des pays européens semblent se rejoindre sur les questions basiques concernant le vice du consentement notamment en ce qui concerne les vices ; erreur, violence, dol et dans ce dernier cas, on accorde une place très importante à l'affirmation inexacte. Cependant, il faut souligner le fait que le juge du common law ne reconnait pas le principe d'exécution de bonne foi des contrats, alors que cette notion de bonne foi tient une place prépondérante pour les pays civilistes, notamment la France, où il est très souvent fait mention de la notion de « bon père de famille ». Mais même au niveau de la famille civiliste, on rencontre quelques divergences, notamment en ce qui concerne le droit allemand qui est très réticent à prendre en compte la lésion comme motif d'annulation du contrat, alors que dans droit positif français, la notion de « violence économique » est souvent invoquée pour protéger une partie jugée plus faible vis-à-vis de son cocontractant. Ces divergences qui ne semblent pas d'une importance aussi capitale que cela de premier abord peuvent constituer de sérieux obstacles lors de l'exécution du contrat international d'où la nécessité d'une base commune. Les Principes UNIDROIT et le Droit européen ont repris ces éléments. II. Les dispositions des Principes UNIDROIT et le Droit européen. Les vices du consentement sont également prévus par les principes qui régissent les contrats au niveau international, que ce soit dans les conventions ou dans les règles particulières et à plus forte raison les principes UNIDROIT et les principes Européens étant donnée leur vocation qui tend à servir de base commune à toutes les sortes de contrat. Nous verrons successivement comment les principes européens traitent des vices du consentement (A), et comment cette question est envisagée dans les Principes UNIDROIT (B). A. Les principes européens Les principes européens connaissent de toutes les questions qui concernent les principaux vices du consentement à savoir l'erreur, le dol, la contrainte et enfin tout ce qui concerne les avantages excessifs qui pourraient supposer un déséquilibre dans le contrat. Les principes abordent toutes ces questions sous un seul chapitre qui traite de la validité du contrat international. Dans une large mesure, les principes européens consacrent le principe que nous venons d'étudier supra : toutes les sortes d'erreur ne peuvent être prises en compte car cela nuirait gravement à la stabilité des transactions. Bien que ce ne soit pas expressément prévu dans le texte des principes, ces derniers semblent consacrer le fait que seules les erreurs sur un élément essentiel du contrat peuvent être prises en compte. Même dans ce cas, la partie qui s'estime lésée ne peut invoquer l'erreur inexcusable étant données les circonstances, quand la qualité de professionnel de l'autre partie ne pouvait le laisser dans l'ignorance de l'erreur. De même, l'erreur ne peut être invoquée quand le risque d'erreur était ou, eu égard aux circonstances, aurait dû être assumé par elle. Mais elle peut être invoquée dans le cas où elle aurait été causée par une information donnée par l'autre partie, alors que cette dernière connaissait ou aurait dû avoir connaissance de l'erreur et qu'en laissant son cocontractant dans l'ignorance elle a ainsi agi à l'encontre des exigences de la bonne foi. Dans ce cas, la partie lésée peut invoquer l'erreur pour motif d'annulation du contrat. Les principes prévoient également la possibilité où l'autre partie aurait sciemment induit ou du moins laissé son cocontractant dans l'erreur car elle savait parfaitement qu'il ne se serait pas engagé s'il avait eu connaissance de la vérité74(*). Cependant même dans ces cas de figure, il reste toujours possible pour les parties de maintenir le contrat si la partie responsable de l'erreur indique qu'elle désire l'exécuter ou l'exécute effectivement, ainsi que la victime l'entendait. Le contrat est censé avoir été conclu dans les termes envisagés par la victime. Mais cette intention d'exécuter le contrat doit être manifestée avant que la victime de l'erreur ne notifie l'annulation et n'agisse en conséquence. D'une manière générale, on peut affirmer que les principes visent surtout les cas d'erreur qui résultent de l'intention malhonnête et de la volonté de l'une des parties à induire l'autre en erreur. Ce comportement c'est le dol. Le dol est défini par les principes européens comme les manoeuvres, en paroles ou en actes, de l'une des parties visant à déterminer la conclusion du contrat ou l'omission frauduleuse d'une information que la bonne foi lui commandait de révéler. Le dol vise surtout le manquement à l'obligation découlant du contrat ou de la qualité de l'un des cocontractants qui dispose de certaines informations importantes et cruciales pour déterminer l'autre à s'engager ou non. Pour ce qui est de la contrainte, une partie peut l'invoquer quand elle a été poussée à contracter sous la menace imminente et grave d'un acte. Et enfin, il y a la notion de profit excessif et d'avantage déloyal, qui se rapproche de la notion de violence économique prévue dans le droit positif français. Ainsi, l'une des parties peut demander l'annulation du contrat si elle était dans un état de dépendance à l'égard de l'autre partie ou une relation de confiance avec elle, en état de détresse économique ou de besoins urgents75(*). Notons que même ici, il est aussi possible aux parties d'adapter le contrat de façon à le mettre en accord avec ce qui aurait pu être convenu conformément aux exigences de la bonne foi. Une solution qui semble le plus souvent plus favorable à toutes les parties, même celle qui a été lésée, car les répercussions financières d'une annulation du contrat international peuvent être désastreuses. Les Principes UNIDROIT traitent eux aussi du vice du consentement. B. Les Principes UNIDROIT Les principes UNIDROIT ont également consacré une grande partie du chapitre sur la validité du contrat aux vices pouvant entacher le consentement des parties. Et contrairement aux principes européens, ils ont pris soin de souligner l'impérativité de ces dispositions76(*). Dans les principes UNIDROIT, l'erreur est définie comme « une fausse croyance relative aux faits ou au droit existant au moment de la conclusion du contrat »77(*), et qui doit être « d'une importance telle qu'une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, ne se serait pas engagée ou ne se serait engagée qu'à des conditions substantiellement différentes si elle avait eu connaissance de la situation véritable. »78(*). Et à l'instar des principes européens, les principes UNIDROIT refusent également de valider l'erreur imputable à la partie qui invoque la nullité du contrat comme motif d'annulation. Il est également possible pour les parties de privilégier l'adaptation du contrat à l'annulation. De plus, les principes UNIDROIT prévoient que la partie victime de l'erreur n'est pas fondée à demander l'annulation du contrat pour erreur quand elle disposait ou aurait pu disposer d'un autre moyen moins radical et qui est fondé sur l'inexécution, le but étant toujours de sauver la transaction pour sauvegarder au maximum non seulement les intérêts des parties mais également ceux de leurs partenaires respectifs. Les principes UNIDROIT ont été rédigés de manière à recourir à l'annulation en matière d'erreur en tout dernier ressort dans l'optique de rendre beaucoup plus stables les transactions dans le cadre du commerce international. Pour ce qui est du dol, les dispositions des deux principes ne diffèrent pas beaucoup et les principes UNIDROIT incriminent également tout acte, langage ou dissimulation d'informations importantes qui peuvent dénaturer le consentement de son cocontractant. Il en va de même en matière de contrainte. Les principes UNIDROIT prévoient également le cas de la lésion, et cela dans la partie réservée à la question des avantages excessifs. Ainsi « la nullité du contrat ou de l'une de ses clauses pour cause de lésion peut être invoquée par une partie lorsqu'au moment de sa conclusion, le contrat ou la clause accorde injustement un avantage excessif à l'autre partie. »79(*). Nous devons noter que sur ce point, les principes UNIDROIT se sont montrés beaucoup plus explicites que les principes européens, dans la mesure où ils laissent transparaître plus clairement la lésion dans la rédaction des dispositions en la matière, lésion qu'ils définissent comme étant « une forte inégalité entre les obligations des parties qui donne à une partie un avantage excessif »80(*) et qui peut être vérifiée par le fait que « l'autre partie a profité d'une manière déloyale de l'état de dépendance, de la détresse économique, de l'urgence des besoins, de l'imprévoyance, de l'ignorance, de l'inexpérience ou de l'inaptitude à la négociation de la première » ou par le bisais de la nature et le but du contrat.81(*) Ici encore, les principes UNIDROIT à l'instar des principes européen laissent aux parties la possibilité d'adapter le contrat au lieu de l'anéantir, la partie incriminée peut ainsi demander à la partie qui invoque l'annulation d'adapter le contrat selon ses exigences ; ou alors les parties peuvent juste demander à rendre le contrat ou la clause incriminée « conforme aux exigences de la bonne foi en matière commerciale »82(*). L'illicéité est un vice susceptible d'entacher le contrat international. * 71 v. Not. C. Larroumet, droit civil, t. 3, les obligations. Le contrat, 2003, économica, nos 231 ets. * 72 Patrick Chauvel, consentement, Rep. CIV. Dalloz, avril 2007. Voir également v. Forray, le consensualisme dans la théorie générale du contrat, Pref. G. Pignarre, avant-propos Chr. Atias, thèse, Chambéry, 2007, LGDJ ; M.Lamoureux, commentaire de l'Article 2 :101 PDEC [conditions pour la conclusion d'un contrat], in c. Prieto [sous la dir. De], regards croises sur les principes du droit européen du contrat et sur le droit français, 2003, PUAM * 73 Voir notamment A. Bénabent, droit civil. Les obligations, 10e éd., 2005, Montchrestien. * 74Article 4:103: erreur fondamentale de fait ou de droit, principe européens * 75Article 4:109: profit excessif ou avantage déloyal, principes européens * 76Article 3.1.4, (caractère impératif des dispositions), principes UNIDROIT. * 77Article 3.2.1, (définition de l'erreur), principes UNIDROIT * 78Article 3.2.2 (nullité pour erreur) * 79 Article 3.2.7, principes UNIDROIT * 80 UNIDROIT, op. Cit. Note 3, p.29. * 81 Article 3.2.7, alinéa 1, (a) et (b) principes UNIDROIT * 82 Ibid. Alinéa 3 |
|