évolutions et perspectives de la littérature de jeunesse dite "engagée"( Télécharger le fichier original )par Caroline Lecomte Université de Limoges - Master 2 Édition 2008 |
1.3.2. Littérature de jeunesse et « sens international »La littérature de jeunesse, pendant la seconde moitié du XXe siècle, se dote d'un « sens international » comme s`attache à le nommer et à le définir Michèle Picard15. Cette vogue qui s'exprime dans les documentaires et les fictions tend à développer chez le lectorat le sens de la fraternité humaine, la connaissance et la compréhension des autres. Né de l'après-guerre, on observe ce penchant pour l'universalisme dès 1948 dans le catalogue des Éditions de l'Amitié où une collection propose « d'emmener les enfants faire un merveilleux tour du monde » par le biais de livres traduits. Toujours dans ce souci d'élargir l'horizon des jeunes, le livre documentaire voit naître par exemple, au début des années cinquante, la collection « Les Enfants de la terre » chez Flammarion, la collection « Enfants du monde » chez Nathan ou encore la collection « Connais-tu mon pays » chez Hatier. On ne compte plus aujourd'hui les collections ouvertes sur les autres cultures aux noms aussi évocateurs que : « Des albums pour voyager » chez Seuil Jeunesse, « Contes et mythes de la Terre » chez Actes Sud junior, « Le tour du monde » chez Milan, etc. Cette tendance au cours des dernières décennies ne faiblit pas, en témoignent les nombreuses traductions qui paraissent chaque année et qui selon Livre Hebdo16 représentent 50% de la production totale, soit environ 3 000 titres. Ce penchant des 15PIQUARD Michèle, op. cit., p.242. 16COMBET Claude, op.cit., p.70-80. 21 éditeurs pour les traductions est le signe d'un désir d'ouverture ce qui colle au plus près de leur volonté de véhiculer des messages de tolérance. L'appréhension de cette notion peut en effet passer par cette politique éditoriale d'ouverture qui permet la découverte de livres venus du monde entier. 1.3.3. Littérature de jeunesse et philosophieAutre tendance comparable, l'apparition récente de thèmes philosophiques dans des collections spécialisées, bien souvent dans le secteur « documentaire ». Selon Edwige Chirouter17, professeur de philosophie à l'IUFM des Pays de la Loire: « En 1976, par le succès de la Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim a convaincu beaucoup d'éducateurs que les véritables préoccupations des enfants, ce qui les intéresse et les motive profondément, c'est justement de pouvoir répondre à [leurs] grandes angoisses existentielles. » À l'heure actuelle, sur le marché de l`édition jeunesse, les « petits manuels de philosophie » pour enfants fleurissent. Albin Michel édite ainsi une collection intitulée « Sagesse et philosophie », Gallimard une autre nommée « Chouette! Penser », Nathan a lancé « Philozenfants », Milan édite les « Goûters philo », etc. Le livre prend désormais au sérieux les enfants, à une époque où l'idée qu'il faut leur parler de tout est de plus en plus communément admise dans l'idéologie éducative dominante. Le combat mené dans les années 70 par quelques avant-gardistes à l'image de l'éditeur François Ruy-Vidal pour reconnaître à la littérature de jeunesse la liberté de s'affranchir de tous les tabous a fait des émules et permet désormais à tous les thèmes, dits « graves » comme le travail, la mort, le racisme, l'handicap, la vieillesse, la maladie, etc., d'être abordés et explorés au travers de démarches philosophiques qui s'expriment dans des titres tels que : Pourquoi la mort?, Gagner sa vie, estce la perdre?, 17CHIROUTER Edwige, L'enfant, la littérature et la philosophie. De la lecture littéraire à la lecture philosophique d'une même oeuvre, 2008. [en ligne]< http://www.edwigechirouter.over-blog.com> Pourquoi les hommes fontils la guerre?, etc. 18 22 Le message apparaît: la littérature de jeunesse doit dorénavant permettre à l'élève et, au-delà de ce dernier, à l'enfant de faire une rencontre esthétique, intellectuelle mais aussi affective avec le texte. C `est ce que revendique Jean Fabre, l'un des fondateur de l'École des loisirs, quand il affirme que « la fiction ne devient féconde que dans la mesure où on peut l'actualiser grâce à son propre vécu »19. La conscientisation des adultes vis-à-vis des capacités et besoins de l'enfant va offrir un contexte propice aux éditeurs pour la prise d'engagement en littérature de jeunesse, nous verrons alors dans une seconde partie comment se traduit cet engagement en littérature et ce qu'il induit. 18Titres de la collection « Chouette !Penser » chez Gallimard, parus respectivement en 2009, 2008 et 2006/ 19AFL, Regards croisés sur la littérature de jeunesse, Les Actes de Lectures, 1997, n°57, p. 84. 23 |
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