1.2.3. Rencontre de la psychanalyse et du grand public
Dès 1967, sous le pseudonyme de Docteur X,
Françoise Dolto médiatise ses thèses psychanalytiques sur
les ondes d'Europe 1, en répondant en direct et anonymement aux
auditeurs. Sa vision inédite du nourrisson et du jeune enfant va
transformer les relations parents-enfants. À ses yeux, le respect de
l'enfant n'est possible que par une collaboration entre enfant et adulte. Une
telle conception implique une responsabilisation réciproque. Refusant
toute domination du sujet humain, elle réprouve l'autoritarisme ainsi
que toute morale risquant de contrôler,
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d'assujettir et d'aliéner un sujet. Elle souligne en
revanche l'importance de la parole que l'adulte peut adresser à l'enfant
sur ce qui le concerne, parole indispensable à la construction des
individus. L'oeuvre et la pensée de Dolto perceront
définitivement tous les foyers en octobre 1977, date à laquelle
se produira la rencontre avérée entre la psychanalyse et le grand
public par le biais du programme quotidien « Lorsque l'enfant paraît
» qu'elle animera jusqu'en octobre 1978 sur France Inter.
L'autre fait ayant contribué à la
conscientisation et à la libération du désir de l'enfant
ainsi qu'à la prise en compte de ses interrogations métaphysiques
semble être, le succès de la Psychanalyse des contes de
fées écrit par Bruno Bettelheim et publié en 1976.
Cet ouvrage s'attache à démontrer comment les contes concordent
aux angoisses des enfants en les informant sur les épreuves à
venir et les efforts à accomplir avant d'atteindre la maturité.
Les contes parlent de façon symbolique et implicite, de ces questions.
Le jeune lecteur comprend spontanément et de manière intuitive
que ces histoires ne décrivent pas une réalité mais que le
« message » du conte est symbolique et qu'il faut donc
l'interpréter. Ces récits parlent directement à
l'inconscient de l'enfant en donnant forme aux tensions, aux peurs, aux
désirs qu'il éprouve au quotidien lors de son
développement. Ils lui permettent de dépasser ses conflits pour
mieux grandir.
En adéquation avec cette vision de l'enfance, on
constate aujourd'hui que la tendance est aux livres offrant aux jeunes lecteurs
par le biais de leur récit, de façon implicite et non
moralisatrice, la possibilité d'une rencontre initiatique avec
soi-même et le monde. Les instructions officielles du Ministère de
l'Éducation Nationale abondent d'ailleurs dans ce sens et
préconisent aux enseignants du cycle 3 d'aborder des ouvrages
littéraires permettant à l'élève de «
développer dans l'école des débats sur les grands
problèmes abordés par les écrivains, comme sur
l'émotion tant esthétique que morale qu'ils [les ouvrages]
offrent à leurs lecteurs13». L'oeuvre littéraire
doit amener la classe au débat interprétatif ce qui permettra
à chacun de s'interroger et d'interroger le monde.
13SCÉRÉN/CNDP, Qu'apprendon à
l'école élémentaire ?, Paris : XO Éditions,
2006, p.17.
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