1.1.2. Émergence d'une pensée
pédagogique
Des imagiers et abécédaires comme l'Orbis
sensualim pictus de Johannes Amos Comenius paru en 1658 à
Nuremberg, font par exemple leur apparition. Parallèlement, une
représentation nouvelle de ce que doit être le livre pour enfant
est en train de surgir sous l'influence de Fénelon qui, en 1687 critique
ces livres qui sont fait pour éduquer et prône l'apprentissage par
le détour du divertissement. La même année, dans De
l'éducation des filles, il recommande de faire apprendre les petits
par le détour du divertissement, prône un style léger plus
facile à lire et plaide vivement pour les images. Ce qu'il
réclame, ce sont des oeuvres adaptées à la nature de
l'enfant. De ces
3CHELEBOURG Christian et MARCOIN Francis, La
littérature de jeunesse. Paris: Armand Colin, 2007,
p.13.
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revendications émerge la première pensée
pédagogique. En 1699, son Télémaque,
présent dans les programmes scolaires jusqu'en 1960, sera
considéré comme le premier roman pour la jeunesse. La raison d'un
tel succès est que Fénelon, par ailleurs précepteur du Duc
de Bourgogne, adopte ici la moralisation indirecte à travers la forme du
roman. Ce livre est en effet imprégné des valeurs
chrétiennes, l'édification restant l'objectif primordial, mais il
est adapté.
Cette adaptation pour la jeunesse, signifie qu'on s'attache
désormais à faire correspondre les ouvrages aux
intérêts et à la compréhension des jeunes. Cette
adaptation pour un public défini et ciblé, l'enfance, passe ici
par une mise en intrigue ingénieuse et une langue plus claire. Une
nouvelle conception de l'apprentissage passant par l'acceptation de
l'idée que l'enfant aime par nature jouer et apprendre, d'où la
formation du couple éducation-récréation est en train de
naître. L'idée dominante est que l'expérience est
importante dans le processus d'apprentissage. C'est là une
véritable rupture avec l'éducation médiévale
déjà dénoncée pour ses pratiques obscurantistes,
son verbalisme et son autoritarisme, en 1535 par Rabelais dans Gargantua
à travers le personnage du précepteur, Thubal Holopherne.
Cet intérêt ne se dément pas au cours des
siècles. Les premiers ouvrages dont les auteurs sont des
pédagogues apparaissent au XVIIIe siècle. En 1757, Mme Leprince
de Beaumont compose Un Magasin des Enfants, ouvrage qui propose un
abrégé de l'histoire sacré, de la géographie, de la
science ainsi que des contes moraux... Le but y est de combattre l'ennui de la
lecture. On y instruit tout en s'y amusant, par le biais de la vulgarisation
scientifique et du pouvoir des images. L'on peut signaler également le
célèbre traité rédigé par Jean-Jacques
Rousseau en 1762, Émile ou De l'éducation qui
influencera durablement la pédagogie.
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