2.4.1. La concrétisation imageante
La première grande opération est « la
concrétisation imageante » par laquelle une image s'impose dans
l'esprit du lecteur et lui permet de concrétiser la scène et les
personnages. Elle est le résultat d'une réaction du lecteur qui
puisent dans sa personnalité intime, sa culture profonde, son imaginaire
afin de pouvoir répondre aux sollicitations d'une oeuvre. Cette
visualisation permet de s'investir affectivement et de donner corps à la
scène. Le choix des images mentales est tout à fait singulier,
révélateur de la sensibilité, des goûts et du sens
que le lecteur donne à ces dernières. La concrétisation
imageante témoigne aussi des représentations et des projections
que le lecteur peut avoir sur le personnage à un moment de l'histoire.
On voit déjà bien à travers cette opération par
laquelle le lecteur, et donc l'enfant, entre en relation avec le texte que
l'implication affective du sujet et son engagement personnel sont essentiels
dans le processus d'appropriation de l'oeuvre.
2.4.2. L'identification
La deuxième opération est celle par laquelle le
lecteur s'attache affectivement aux personnages. Profondément
marquée par des phénomènes d'adhésion et
d'assimilation, l'identification est une opération que l'on peut
rapprocher du transfert psychanalytique et c'est celle que décrit Bruno
Bettelheim dans sa Psychanalyse des contes de fées quand il
aborde la manière dont l'enfant transfère ses angoisses
inconscientes sur les différents personnages du récit. Le lecteur
va se reconnaître ou
37LACELLE Nathalie et LANGLADE Gérard,
« Former des lecteurs/spectateurs par la lecture subjective des
oeuvres. », in Enseigner et apprendre la littérature
aujourd'hui, pour quoi faire?, Presses Universitaires de Louvain, 2007,
p.55-64.
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reconnaître un de ses proches dans un personnage, dans
sa sensibilité, sa psychologie, ses doutes et angoisses, la situation
qu'il traverse. Il va compatir à ses malheurs, partager ses bonheurs,
trembler pour son sort, etc. Il peut ainsi projeter sa propre histoire dans le
cours du récit et y voir la façon dont les problèmes s'y
nouent et/ou s'y dénouent.
Cette opération par laquelle le lecteur s'engage
affectivement dans le récit est souvent invoquée par les censeurs
de la littérature de jeunesse. Le raisonnement est simple, l'enfant
s'identifie au personnage, si celui-ci commet des actions amorales ou
délictueuses, l'enfant risque lui-même de les commettre à
son tour et de s'en trouver pervertie. Cette vision est réductrice car
elle oublie que l'enfant est aussi capable de se distancier pour exprimer son
approbation ou son rejet.
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