22. Le poisson
d'eau douce élevé : un produit de substitution, une
réponse à un besoin
La pratique de la pisciculture dans l'arrondissement de
Fokoué répond de manière prééminente
à un besoin exprimé par les populations, celui de fournir un
poisson de meilleure qualité que le poisson surgelé
importé. Monsieur Ngameni Asaï, (65 ans, pisciculteur), disait
déjà à cet effet que
« Ça fait partie des protéines
animales, on en a besoin ! Et comme nous n'avons pas de cours d'eau comme
dans le Sud, il faut avoir des étangs pour obtenir le
poisson ».
Sa consommation n'a pas toujours fait l'unanimité au
sein des populations, notamment dans ses débuts. Mais aujourd'hui, avec
une production de plus en plus importante, le poisson d'eau douce
élevé a conquis de nombreux consommateurs et tend à se
substituer progressivement au poisson surgelé importé. Cette
dynamique observée dans l'ordinaire alimentaire de notre population
d'étude s'explique par le fait que celle-ci trouve dans le poisson d'eau
douce élevé, un aliment « bon pour la
santé » et, qui plus est, un produit qui leur offre
la possibilité de varier son alimentation au niveau des apports et des
saveurs.
23. Les moyens
d'internalisation du poisson d'eau douce élevé par les
consommateurs
Le corpus empirique obtenu sur la consommation du poisson
d'eau douce élevé nous permet de dégager ce que nous avons
choisi d'appeler les catalyseurs de l'adoption de cet aliment. En d'autres
termes, il s'agit des moyens qui contribuent au processus d'internalisation du
poisson d'eau douce élevé dans les habitudes alimentaires des
populations.
1. Le principe de flaveur
Du terme « flaveur »
proposé par Le Magnen (1985), ce principe consiste à associer un
aliment nouveau à des ingrédients traditionnellement
utilisés, afin de le rendre consommable. Selon Nathalie Rigal (1996),
« L'assaisonnement d'un plat nouveau par le
principe de flaveur permettrait de le rendre plus familier et ainsi plus
acceptable ».
Ainsi, dans la cuisson du poisson d'eau douce
élevé, les consommateurs y associent des condiments, des
épices et d'autres ingrédients usuels pour donner à
l'aliment un gout facilement assimilable aux différentes
préparations quotidiennes. Ce procédé leur permet
d'adopter le poisson d'eau douce élevé dans les habitudes
alimentaires en lui conférant « des saveurs proches de ce
que l'on connait déjà ».
2. La familiarisation comme moyen
d'internalisation
La théorie de la familiarisation postule que, voir
régulièrement un produit nouveau favorise l'augmentation de
l'appréciation puisque l'individu cherche à rendre ses
représentations conformes à ses gouts et à son
comportement (Rigal, 2000). Elle renvoie à un mécanisme
basé sur l'expérience visant à rendre familier un produit
inconnu ou rejeté, à travers ce que l'on appelle
« les effets positifs de l'exposition », un
procédé qui n'est pas étranger aux spécialistes du
marketing. Ainsi, de nombreux consommateurs finissent par s'intéresser
au poisson d'eau douce élevé parce qu'ils en ont entendu parler
à plusieurs reprises. A ce niveau, la familiarisation vient
effectivement agir comme moteur qui facilite l'internalisation du poisson d'eau
douce élevé dans les habitudes alimentaires.
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