4. « Faire la
pisciculture » : Une pratique non objectivable
Les facteurs du non adoption de la pisciculture dans les
Exploitations Familiales agricoles ne sont pas seulement liés à
un conditionnement socioculturel, un contexte économique précaire
ou des déterminants individuels. Le séjour que nous avons
passé auprès des paysans nous a permis de comprendre que ces
facteurs sont aussi à chercher dans leurs comportements, relevant tant
du collectif que de l'individuel. En effet, parlant de « faire la
pisciculture », il y a ce que les paysans disent et il y a ce qu'ils
font. On observe dans leurs comportements une distance entre le discours et la
pratique.
Dans le discours, les paysans font preuve d'un engagement sans
précédent, d'une volonté de pratiquer la pisciculture de
manière intensive et à grande échelle. C'est ainsi que,
nous avons pu entendre l'un d'eux dire lors d'une de leurs
réunions :
« Nous sommes prêts à faire de la
pisciculture et à vendre le poisson dans tout le village, même
jusqu'à un niveau départemental. Tout ce qui nous manque ce sont
les financements ».
Lorsque des réunions sont organisées avec la
présence des chercheurs, les paysans y assistent de manière
ponctuelle et massive. Bref, si l'on devait s'enquérir de
l'évolution de la pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué,
à partir des discours des paysans, alors on affirmerait sans ambages que
la pisciculture à toutes ses chances de réussir.
Pourtant, dans la pratique, « faire la
pisciculture » n'est pas totalement objectivable. Il y a bien un
décalage entre ce qui est dit et ce qui est fait, car les données
ne permettent pas de relever ce que poulain (2002) appelle un
« comportement réel ». En effet, la plupart
des paysans de Fokoué ne pratiquent pas réellement la
pisciculture. A ce sujet, une illustration prégnante nous vient à
l'esprit. Une tournée avait été organisée par le
collectif des chercheurs, où il était question de visiter les
étangs. Nous avons le souvenir que certains d'entre eux étaient
quasiment inaccessible, car abandonnés par leurs propriétaires.
Les chemins qui y menaient étaient envahis par les mauvaises herbes,
preuve que personne n'y était allé depuis longtemps. Tout ceci
montre que la pratique de la pisciculture dans l'arrondissement de
Fokoué est approximative. Par ailleurs, un autre fait significatif qu'il
convient ici de relever est que lors des réunions où les
chercheurs étaient absents, on constatait également de nombreuses
absences du côté des paysans. Au vu de ce qui
précède, nous nous posons inéluctablement la question de
savoir pourquoi les paysans veulent faire croire qu'ils s'investissent, ou sont
prêts à s'investir dans la pisciculture, alors que les
observations témoignent du contraire. En d'autres termes, où se
situe leur intérêt dans le projet d'asseoir la pisciculture dans
leur arrondissement ?
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