11. ABSTRACT
The title of the present research work is Fish farming and
rural development in Fokoué: contribution to an anthropology of the mean
subsistence. It has for initial project to understand the deep reasons that
inhibit the development of fish farming in this area. In this way, the central
question that underlies our argumentation is formulated in the following
manner: what explains the difficulty of the peasants of Fokoué, to
integrate fish farming in the Agricultural Domestic Exploitations, in spite of
the advantages it supplies? The answers to this question called on qualitative
and quantitative methods. After collection and analysis of data, strength is to
note that obstacles to the development and vulgarization of fish farming are
first sociocultural. From food habits to the endogenous conception of the fish
farming innovation, passing by culinary space and the local beliefs are as many
factors that make so that the fish farming is long in taking its takeoff.
These obstacles are also socio-economic. The poverty of fish
farmers doesn't allow them to practice their activity in a lasting manner, and
the weak spending power of the populations makes difficult the access to the
elevated freshwater fish. The individual determinants are not in rest. Through
view, taste and touch, the perceptions linked to the «organoleptic»
characteristics of the elevated freshwater fish are to the origin of dismissal
of some people in relation to the consumption of that kind of fish. A parallel
look on these results reveals the development of a representation system in
which individuals associate the raising of freshwater fish in their middle, to
the idea of suspicion, of improbability. For the consumers of this type of
fish, one associates the nutritional balance of the body, the cultural identity
and the prestige.
On another side, empiric data have put in inscription a
behavioral diagram where one recovers on the one hand, some neophobic
consumers, for who the elevated freshwater fish constitutes a potential danger
by its ingestion and causes distrust and reticence. On the other hand, one has
neophilic consumers, who find in the elevated freshwater fish an object of
curiosity and a means to vary or to enrich their food. In last process, we
could raise from the consumers, in a measurable way, some preferential
tendencies that grant big odds to the elevated freshwater fish, to be
integrated in a permanent manner in the food habits of the consumers. That
possibility would be the major asset for the integration of fish farming in the
Agricultural Domestic Exploitations of the peasants of Fokoué.
INTRODUCTION
1. LE CONTEXTE
Les moyens de subsistance et d'acquisition des revenus en
milieu rural regroupent principalement l'agriculture et l'élevage. Ces
activités contribuent de manière significative au
développement rural et à la sécurité alimentaire
des populations. Seulement, un regard porté sur les conditions de vie de
ces populations semble démontrer que le travail agro-pastoral ne suffit
pas à améliorer le quotidien. Ce qui amène les paysans
à s'intéresser à des activités différentes,
voire novatrices et susceptibles de leur apporter des solutions. De ce fait, la
pratique d'une nouvelle activité de production dans une
société donnée, implique l'introduction d'un produit
alimentaire nouveau dans cette société. Ceci nous conduit au
concept d'innovation alimentaire. Avant de poursuivre notre propos introductif,
il n'est pas inutile de clarifier le concept d'innovation alimentaire, pour
mieux circonscrire notre objet d'étude.
Dans son acception la plus simple, l'innovation est une chose,
une idée ou un procédé nouveau. C'est l'action d'apporter
ou de créer quelque chose de nouveau ou d'agir d'une manière
nouvelle. Dans l'ordre de l'alimentaire, il s'agirait pour une
communauté de personnes, d'intégrer dans leur système
alimentaire un aliment qui n'y figure pas. Une dynamique qui donne lieu
également à des mutations plus ou moins visibles dans les modes
de préparation culinaires y afférents et l'élaboration
d'un système de représentation et des perceptions relatifs
à cet aliment.
Vu sous cet angle, l'innovation alimentaire est un
phénomène observable dans toutes les sociétés
humaines. Au Cameroun, on peut évoquer l'exemple du
« kossam » introduit dans les habitudes
alimentaires des populations urbaines, dans la ville de Yaoundé
(Essomba, 2004). Le cas qui a retenu notre attention et donc celle de
l'anthropologie du développement, fait référence au
poisson d'eau douce dans l'arrondissement de Fokoué (Dschang).
Parlant du poisson, puisqu'il est au centre de notre
étude, il représente une source importante de protéines
animales (Delgado et al, 2003, Huang et Bouis 1996). Son importance pour la
sécurité alimentaire au Cameroun est essentielle avec plus de 44%
des apports en protéines animales, soit 7,6 % des apports en
protéines totales et 11% de la consommation alimentaire des
ménages (DSCN 1998). C'est un aliment consommé partout dans le
monde, car il constitue une source de protéines (17 à 20%)
sensiblement identique à la viande. Il apporte aussi une grande
quantité de sels minéraux et de vitamines nécessaires
à la santé humaine. Une petite quantité de poisson
intégrée à une préparation culinaire à base
de céréales ou de tubercules, améliore la valeur
nutritionnelle du plat. Le manque de protéines animales peut
entraîner chez l'enfant par exemple, un déséquilibre
physique et intellectuel. Pour toutes ces raisons, il devient
bénéfique de consommer du poisson, car il contribue à
l'équilibre du corps et jouit d'un intérêt social, culturel
et économique. De toutes les catégories de poisson consommable et
consommé, celle qui nous intéresse est issue de la
pisciculture.
La pisciculture désigne l'élevage des poissons
en eaux douces, saumâtres ou salées. Elle est une branche de
l'aquaculture qui, elle, est un terme générique renvoyant
à toutes les activités de production animale ou
végétale en milieu aquatique. Au Cameroun en
général et dans l'Ouest du pays en particulier, la pisciculture
date de 1948 (Kouam, 2003). Cette activité a pris, au cours de
l'année 1952, un départ remarquable en région Bamoun. Le
Sultan de Foumban, chef spirituel des Bamoun, donna l'exemple en faisant
creuser le premier, un étang au début de cette même
année. En avril, il en existait une dizaine, 300 en août, 800 au
début du mois d'octobre. Leur nombre continue de s'accroître et
dépasse actuellement le millier. Ces résultats n'ont pas
manqué d'impressionner les populations voisines (notamment les Dschang)
qui, peu portées aux innovations, avaient accueilli avec méfiance
en 1951 cette nouvelle activité. Jusqu'à nos jours, la
pisciculture demeure une solution pour pallier les importations de poisson
congelé et constitue, pour les producteurs, une source consistante de
revenus et de protéines de qualité. Elle est donc d'un apport
certain pour le développement des populations concernées.
D'après Soua et al (2004), la production moyenne tourne autour de 2t/ha
par an. Quant à Pouomogne, (1998), le potentiel de production dans les
milieux respectant l'environnement est estimé à 20.000 tonnes.
La grande partie des produits issus de cette activité est
orientée vers l'autoconsommation et le marché rural (Oswald et
Pouomogne, 2000). Mais, le Cameroun importe encore le poisson congelé
pour un montant moyen de 20 milliards de FCFA par an (WFC, 2003).
Contrairement à l'agriculture, la pisciculture est une
activité récemment introduite dans l'arrondissement de
Fokoué. Elle n'est pas marquée du sceau de la tradition, mais
peut plutôt être considérée comme une innovation. De
ce point de vue, le produit qui en ressort, à savoir le poisson d'eau
douce élevé, ne fait pas partie des habitudes alimentaires des
populations locales. Face à un système de production alimentaire
d'un genre nouveau qu'est la pisciculture dans l'arrondissement de
Fokoué, ce travail porte son attention sur les paramètres
socioculturels qui ne facilitent guère son intégration dans
Exploitations Familiales Agricoles des paysans. Cette étude s'inscrit
dans le champ de l'anthropologie du développement. En effet, la
pisciculture est une activité potentiellement lucrative dans
l'arrondissement de Fokoué. Les efforts consentis à travers
l'appui de certains organismes et institutions (Coopération
Française ; IRAD ; CIRAD ; REPARAC ;
Université de Dschang) ont pour objectif de la développer de
façon durable dans cette localité. En plus de ses apports sur le
plan nutritionnel, elle peut générer des revenus et contribuer
ainsi au développement rural. C'est pourquoi ce thème suscite
l'intérêt de l'anthropologie du développement. Mais,
présentées de cette manière, toutes ces raisons ne
suffisent pas à justifier le choix de ce sujet.
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