CHAPITRE II : MODES
DE DISTRIBUTION, DE TRANSFORMATION ET DE CONSOMMATION DU POISSON D'EAU DOUCE
ELEVE
Dans ce chapitre, nous commençons par identifier les
types de poisson d'eau douce qui sont élevé et consommés,
en utilisant les termes locaux qui traduisent partiellement la manière
dont ces poissons sont perçus. Ensuite, nous voyons comment les
données obtenues à l'issue des entretiens et des observations
permettent de relever les différents manières dont consommateurs
s'approvisionnent en poisson d'eau douce élevé, les
procédés de transformation auxquels ils ont recours, tant pour
la préparation que pour la conservation, et la consommation dans toute
ses déclinaisons.
· Identification des produits consommés
S'interroger sur la nature des produits consommés est
la première préoccupation de tout chercheur qui
s'intéresse à l'alimentation d'une société (Bricas,
1996). Dans la socio-culture des consommateurs, il existe des vocables pour
désigner les différents types de poisson d'eau douce
élevés. Mais avant, il importe de relever la distinction que ces
derniers établissent entre le poisson de mer, habituellement
consommé et le nouveau type de poisson qui leur est proposé.
Dans la langue locale (yèmba), le terme utilisé
pour désigner l'étang est : /epwemesé/ cela
veut dire : « le trou du poisson », qui est
différent de /nstémeséh/ qui signifie
« l'eau qui contient les poissons ».
L' /épwemesé/ est le trou qu'une personne creuse
pour y élever les poissons. C'est donc l'étang qui appartient
à quelqu'un. Or le /nstémeséh/ est un cours d'eau
où les poissons vivent naturellement. Ainsi, en partant des termes
locaux qui désignent les espaces d'où viennent les deux types de
poisson, on en arrive à conclure que le poisson d'eau douce
élevé renvoie à l'altérité, à ce qui
vient d'ailleurs.
S'agissant alors des produits consommés, les quatre
types de poissons identifiés n'ont pas d'appellations traditionnelles
dans la langue yemba. Cela pourrait se justifier par le
caractère nouveau de la pisciculture dans cet arrondissement. Toutefois,
la première distinction faites par les consommateurs est liée
à la nature du type de poisson, à savoir le poisson frais,
fumé ou sec. Il y a le /msèfí/ qui veut dire
le poisson frais et le /búnga/ qui désigne
le « poisson sec ». Les vocables alloués à
certains poissons résultent d'un certain nombre d'expériences qui
permettent aux populations de les qualifier, et donc de les nommer.
· Le tilapia est localement
appelé /tchehmoli/ pour signifier qu'il faut
« laisser l'enfant dormir avant de
préparer ». Cette appellation traduit une perception
liée à la sécurité et à la santé car
le tilapia a beaucoup d'arrêts. Pour cela, Il faut donc attendre que
l'enfant soit endormi avant de le préparer, de peur qu'il ne se prenne
des arêtes dans la gorge.
· Le silure est designer par le terme
/selefu/, pour indiquer « le poisson de la
plaine ». Par cette appellation, les populations veulent
signifier qu'il s'agit d'un poisson qui n'appartient pas à leur univers
culturel.
· Pour la carpe et le
kanga, il n'existe pas de terme local pour les
désigner, ils conservent leurs noms d'origine.
|