5. La pêche
La pêche se pratique par une vidange. D'abord, elle
consiste à vider toute l'eau de l'étang à travers un
épais tuyau. Ensuite d'attraper les poissons qui se cachent dans la
boue. Pour un étang moyen, il faut attendre environ deux heures pour que
l'eau soit évacuée. Pendant ce temps, deux ou trois personnes
sont placées à l'autre extrémité du tuyau pour
attraper les poissons qui s'échappent. Une fois que l'étang est
presque à sec, les pécheurs entrent dans la vase et à
l'aide de paniers, ils capturent les poissons. Un procédé plus
conventionnel requiert l'utilisation d'une senne (grand filet) tenue par cinq
personnes. Deux aux extrémités et trois au milieu pour tirer la
senne vers le bord. Une dernière personne se tient hors de l'eau pour
récupérer les poissons. Ensuite, les poissons
récoltés sont mis dans un récipient d'eau propre dans le
but de les nettoyer et de les maintenir en vie, car il est important pour les
clients d'acheter leur poisson encore vivant. Cela leur apporte une certaine
assurance quant à la qualité de ce poisson. Les petits sont
triés et renvoyés dans l'eau.
La vidange permet aux pisciculteurs de se procurer une
quantité de poissons non négligeable. L'argent issu de la
commercialisation de ce poisson permet de subvenir à une partie des
besoins de la famille. Toutefois, il demeure toujours une
difficulté : la vidange s'effectue une fois par an (entre le 24 et
31 décembre), ce qui représente une longue période
d'attente pour profiter des bénéfices de la pisciculture. Un
équipement de pêche tel que la senne ou la canne à
pêche permettrait aux pisciculteurs de prélever par moment la
quantité de poissons nécessaire pour satisfaire la commande d'un
client, sans avoir à attendre la fin de l'année pour vidanger. En
outre, lorsque la quantité de poissons récoltée dans les
vidanges est importante et que la commercialisation est difficile, il se pose
un problème de conservation. C'est ce qui amène les pisciculteurs
à solliciter une formation dans les techniques de fumage. Ils pourraient
à cet effet conserver leur poisson plus longtemps et surtout le revendre
plus cher qu'à l'état frais.
![](La-pisciculture-dans-l-arrondissement-de-Fokoue-ouest-Cameroun-Contribution--l-anthropologie-d9.png)
Photo 6 : une séance de pêche
à la senne (Nempe F. 2008)
![](La-pisciculture-dans-l-arrondissement-de-Fokoue-ouest-Cameroun-Contribution--l-anthropologie-d10.png)
Photo 7 : une séance de pêche
par la capture à mains nues (Nempe F. 2008)
Photo 9
Photo 8
![](La-pisciculture-dans-l-arrondissement-de-Fokoue-ouest-Cameroun-Contribution--l-anthropologie-d12.png)
Photo 11
Photo 10
![](La-pisciculture-dans-l-arrondissement-de-Fokoue-ouest-Cameroun-Contribution--l-anthropologie-d14.png)
Photos d'une récolte de silure (photo
8), de carpe (photo 9), de tilapia (photo
10) et de « kanga » (photo 11)
6. Les croyances locales liées
à la pisciculture
L'activité piscicole à Fokoué implique
une cohabitation avec des êtres surnaturels. En effet, il ressort des
entretiens avec des pisciculteurs qu'il existe des totems qui nuisent au
développement de la pisciculture. (Ce sujet semble tabou car bon nombre
de pisciculteurs nient leur existence. Seul deux d'entre eux en font mention
dans nos entretiens). Nous avons ainsi pu répertorier un certain nombre
d'élément qu'ils identifient comme des totems. Il y a le
/mpehntse /qui signifie « le chien de l'eau ». Il
est aussi appelé /mbúlù /qui veut dire
« super ». Ce nom vient du qualificatif
« super » communément donné aux chefs
traditionnels en vertu du respect qui lui est du. C'est donc le totem du chef.
Il s'agit de la loutre, un mammifère carnivore aquatique. Il peut
atteindre 75 cm de longueur. Une longue queue, la tête large et plate,
avec des oreilles courtes et arrondies ; le museau arrondi porte des
narines latérales en forme de fentes. Les oreilles et les narines
peuvent être fermées quand l'animal plonge. La fourrure est
châtain, les pattes sont courtes mais puissantes, et les pieds
palmés sont munis de griffes. Les loutres vivent dans des terriers,
généralement situés au bord de l'eau et comportant une
entrée sous l'eau. Elles mangent des poissons et de petits
mammifères, des oiseaux, des grenouilles et des écrevisses. Cet
animal nuit au développement de l'activité piscicole en
dévorant les poissons dans l'eau.
Un autre totem fait référence à un
serpent ánú qui est selon les pisciculteurs,
envoyé par quelqu'un pour dévorer les poissons. La mise à
mort de ce serpent entraîne la mort de son maître. A moins que ce
dernier ne reconnaisse devant ses détracteurs qu'il est effectivement le
maître du serpent. Ainsi on pourra lui sauver la vie en lui faisant
consommer un mélange d'herbes préparé par une personne
initiée. Il pourra donc regagner un autre serpent de la même
espèce sans lequel il ne peut vivre. Cependant, l'efficacité de
ce traitement est tributaire d'un délai d'exécution. Ce
délai dépend de l'endroit du corps où l'animal a
été frappé. S'il s'agit de la tête, il faudra
rapidement agir en moins de trois jours. Sur les autres parties du corps, on
dispose d'une semaine pour « reconduire » le totem.
L'arc-en-ciel nungem est également
perçu comme un totem. Il agit à travers un petit lézard
aquatique. Lorsque ce dernier veut sortir de l'eau, sa respiration
dégage une grande chaleur qui peut être nocive pour les personnes
présentes dans la zone de l'étang. Puis, une petite pluie
survient et c'est à ce moment-là qu'il sort de l'eau. Sa
respiration dégage une vapeur qui va donc former un arc-en-ciel. Ce
lézard est nuisible dans la mesure où il est capable
d'assécher complètement un petit étang. Les totems
n'agissent pas seulement dans le cas de la pisciculture, ils interviennent
également dans l'agriculture. Leur passage dans les champs rend les
cultures rougeâtres puis sèchent complètement. En dehors de
ces totems, on note aussi la présence de prédateur tel que le
ndòkfáòntse c'est-à-dire le
canard sauvage. D'autre l'appelle ngàmtsè qui
signifie la poule de l'eau.
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