III/ L'influence de l'existentialisme.
Dans L'express, le 23 février 1956,
Françoise Sagan qualifie l'individu de « vieil animal
angoissé et solitaire » et constate que « les gens ne croient
plus à grand-chose ».
1) L'homme sans guide et sans dieux.
Le roman crée un personnage problématique pour qui
la finalité de la vie et les valeurs fondamentales ne sont plus
immanentes. Selon Alain, le roman apparaît comme le poème du libre
arbitre, celle d'un individu qui doit se frayer un chemin dans un monde sans
guide et sans dieux.
Les personnages sont athées : « Nous pûmes
parler d'Anne comme d'un être que Dieu avait rappelé à lui.
J'écris Dieu au lieu de hasard » (page 153).
Tout comme Sagan, qui affirmait dans Le Garde du coeur :
« Je ne suis pas croyante. La terre seule me rassure, quelle que soit la
part de boue qu'elle contient ».
Cécile est orpheline de mère et son père se
comporte avec elle comme un camarade. La jeune adolescente est livrée
à elle-mêmeet envisage idéalement « une vie de
bassesses et de turpitudes » (page 27).
Le roman consacre la naissance de l'individualisme mais aussi
celle du doute et de l'errance: le héros romanesque est à la
dérive, caractérisé par son indépendance, son
inquiétude et sa recherche ; Il s'oppose ainsi au héros
épique qui va où il le doit.
Les personnages fuient la solitude, qui semble les terrifier.
Peut-être parce que la solitude est liée à la tristesse. La
tristesse se définit comme une douleur émotionnelle
associée à une perte, au désespoir ou au chagrin.
Ce sentimentest associé à l'isolement:
« Aujourd'hui, quelque chose se replie sur moi comme une
soie, énervante et douce, et me sépare des autres. »
Anne est la figure de la séparation: dès le
début du roman, le coup de klaxon sonne son arrivée et la fin
d'un bonheur charnel: « Cyril, dis-je, nous étions si heureux
» (page 21).
De même, page 60 « la voix d'Anne nous sépara
un soir... je ne compte plus vous revoir » dit-elle à Cyril.
Anne sépare aussi Cécile de son père en
s'immisçant dans leur relation.
« Il m'attirait contre lui, contre elle » (page 56)
« Déjà mon père se séparait de moi : cela
m'obsédait, me torturait » (page 65) « Il m'abandonnait (...)
je le regardai, je pensais tu ne m'aimes plus comme avant, tu me trahis »
(page 66).
Mais les personnages font également face à la
solitude quand Anne quitte la villa:
« Tous deux anxieux de ce tête-à-tête si
brusquement reconquis. Je n'avais absolument pas faim, lui non plus [...] -
Crois-tu qu'elle nous ait abandonnés pour longtemps ? » (page
146).
« Pourquoi Anne nous abandonnait-elle ainsi, nous
faisait-elle souffrir pour une incartade, en somme? » (page 147)
« Durant un mois, nous avons vécu tous les deux
comme un veuf et une orpheline » (page 153).
« Je pensai: Tu n'as plus que moi, je n'ai plus que
toi, nous sommes seuls et malheureux » (page 152).
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