4) Le rôle du milieu et du décor.
Le cadre spatiotemporel du récit définit le
personnage et reflète son état d'esprit.
L'été est propice à l'oisiveté et
à la sensualité. Les corps se découvrent.Le décor
fait écho aux aspirations hédonistes des protagonistes :
« Mon père avait loué, sur la
Méditerranée, une grande villa blanche » (page
12) ; il est question également d'une « petite
crique dorée » et de « rochers roux ».
La chaleur est une sous thématique du plaisir et de
l'oisiveté : « Nous passions des heures sur la plage,
écrasés de chaleur [...] il faisait une chaleur accablante [...]
confondu de chaleur » (page 20). « Il suffisait de cette chaleur pour
que quelque chose en moi doucement se déchire » (page 12) :
Sagan fait référence à la perte de la virginité du
personnage : quand Cécile se rend chez Cyril : « la
chaleur était torride et je me mis à courir » (page 100).
La chaleur pousse Cécile à la nonchalance :
« Je fermai les yeux, le soleil m'engourdissait. » mais
également l'agite :« C'est stupide, je vous en voulais
à cause de la chaleur, de Bergson... » (page 84), « et que la
chaleur devait être à l'origine de notre dispute » (page
109).
Quelque chose de très sensuel voire de très
sensoriel se dégage de ces peintures.
Les cigales sont « ivres de chaleur et de
lune », leur chant de gorge est « guttural »
(page 15) ; « je me rends compte que j'oublie le principal : la mer,
son rythme incessant, le soleil » (page 26),le décor est propice
à l'ivresse.
Les verbes utilisés donnent l'impression d'un naufrage et
font écho à la débauche et à la
perdition :« un rayon de soleil qui inonda mon lit... les rêves
où je me débattais... puis j'y renonçai » (page
30)
« Le soleil se décrochait, éclatait, tombait
sur moi. Où étais-je ? Au fond de la mer, au fond du temps, au
fond du plaisir » (page 137)
« Je m'enfouissais dans l'eau, je m'épuisais en des
mouvements désordonnés [...] il était agréable
d'avoir des idées faciles ». (Page 13)
La sensualité et la lasciveté de
l'héroïne transparaissent à travers ses mouvements, sa
spontanéité, sa soif de vivre. Nous y reviendrons.
Le casino est le lieu des mondanités et de la fête.
La côte d'Azur symbolise l'argent, la bourgeoisie.
Le bois de pin est l'endroit où se nouent les drames.
Au début du livre, Cyril et Cécile s'enlacent dans le bois de pin
et se font surprendre par Anne: « Cyril était allongé contre
moi, nous étions à moitié nus dans la lumière
pleine de rougeurs et d'ombres du couchant » (page 60). C'est
également le lieu par lequel Cécile passe après avoir
perdu sa virginité « je revins à pas lents,
épuisée et engourdie dans les pins ». (page 102).C'est
aussi le lieu où Cécile dévoile son plan
machiavélique à Cyril et Elsa. C'est également l'endroit
où Elsa et Cyril sont surpris par Raymond : « ils dormaient,
allongés sur les aiguilles de pins, donnant tous les signes d'un bonheur
champêtre ». (page 111) Le chemin est « étroit et
plein de ronces ». (page 111). Anne surprend aussi Elsa et Raymond
dans le bois de pin : « Il avait pris le temps d'enlever le
rouge à lèvres d'Elsa, de brosser les aiguilles de pins de son
costume. » (page 145).
Le soleil joue un rôle important : il
révèle et réveille la sensualité de
Cécile : « comme tous les matins, le soleil baignait mon lit,
j'ôtais ma veste de pyjama et offris mon dos nu au soleil ... le soleil
était doux et chaud, il me semblait qu'il prenait un soin spécial
à me réchauffer » (page 125)
Il souligne aussi la différence entre Anne et Elsa. Au
début du roman, Elsa est « cramoisie » sa peau est
« brulée », mais lorsqu'elle tente de
reconquérir Raymond, elle est « dorée ».
Le soleil est aussi synonyme de joie, et son absence synonyme de
contrariétés : Quand Cécile commence à
déprimer, elle est enfermée « dans la pénombre,
les volets clos » (page 77). De même quand Raymond apprend la
mort d'Anne : « mon père ferma les volets »
(page 151). Lors de l'enterrement d'Anne, c'est un « beau
soleil » mais associé au noir (page 152).
Certains objets ont une valeur symbolique : ils
éclairent le personnage et révèlent son univers mental.
La voiture procure à la fois du plaisir et de la
douleur : « Cette voiture était si douce, si bien
suspendue, si faite pour le sommeil... ».
Elle unit Raymond et Anne : « le casino
était grand, j'en fis deux fois le tour, sans résultat. Je passai
la revue des terrasses et pensai enfin à la voiture » (page
49).
Elle est un symbole de liberté : « J'aimais
sa voiture: c'était une lourde américaine décapotable.
[...] Tous les trois devant, soumis au même plaisir de la vitesse et du
vent » (page 118)
Mais aussi un symbole de mort : Anne meurt dans un accident
de voiture.
La cigarette marque la décadence et la liberté
de Cécile, mais c'est aussi un palliatif à la gêne et
à la douleur: Cécile y a recours quand elle est face à
Anne « je pris une cigarette sur la table » (page
102), et quand elle apprend qu'Anne est morte. « Je pris une
cigarette dans le paquet de mon père, l'allumai. » (page
147)
Le personnage est aussi ancré dans un milieu culturel,
historique et social qui détermine ses pensées et contribue
à le définir. Cela souligne la dépendance de la personne
humaine au cadre dans lequel elle vit et qui l'imprègne.
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