4) Bonjour Tristesse : Une oeuvre
féministe ?
La lecture des romans constitue une sorte d'apprentissage :
«la question qu'à fait le héros ?» en dissimule
une autre : « qu'aurais-je fait, moi, à sa place
? ».
Le lecteur projette sur le personnage ses désirs mais
aussi ses craintes et il l'utilise comme une sorte de miroir qui lui permet de
mieux se comprendre et de mieux comprendre le monde qui l'entoure.
Le 3 septembre 1959, François Nourissier, dans France
Observateur, écrit :
« C'est un miroir rigoureusement fidèle que tendit
Sagan à ses lecteurs. `Comme c'est vrai', pouvait s'extasier avant-hier
une heureuse lectrice devant la fausse ressemblance que lui offrait
pernicieusement un roman. »
Voilà pourquoiBonjour Tristessedevait être
tenu à l'écart des jeunes filles : l'oeuvre était
susceptible de les influencer, la femme n'étant plus
reléguée à son rôle d'épouse ou de
mère.
Françoise Sagan, dans Le Figaro, en 2004,
expliquait : « Pour les trois quarts des gens, le scandale de ce roman,
c'était qu'une jeune fille de 17 ans puisse coucher avec un homme par
plaisir sans se retrouver enceinte, sans devoir se marier. »
Cécile, mineure, est libre de ses faits et gestes, elle
peut disposer de son corps comme elle le souhaite. Elle choisit d'avoir un
rapport sexuel uniquement pour le plaisir et n'en est pas punie.
Cécile boit, fume, se trouve décadente, et
revendique cet amour de la décadence. Elle refuse les règles.
Elle fait de la citation d'Oscar Wilde une règle de
vie : « Je me répétais volontiers des formules
lapidaires, celle d'Oscar Wilde, entre autres: Le péché est la
seule note de couleur vive qui subsiste dans le monde moderne. Je la faisais
mienne avec une absolue conviction » (page 28).
Cécile est entourée de plusieurs types femmes, qui
joue chacune un rôle dans la comédie sociale.
Elsa est la femme-objet : Raymond réagit face
à elle comme « un heureux propriétaire ».
Anne s'assume seule, elle est indépendante. Mais elle
représente l'ordre, les valeurs traditionnelles d'une époque
dépassée et incarne un modèle de conformisme et
d'interdits contre lequel s'érige Cécile.
Elle meurt dans un accident de voiture, parce qu'elle n'a pas su
accepter la libération des moeurs, ce qui signifie le début d'une
nouvelle ère.
Madame Webb, personnage secondaire, est critiquée pour sa
fourberie et sa frustration.
Sa femme « méchante, dépense l'argent qu'il
gagnait ; cela à une vitesse affolante et pour de jeunes hommes ».
« Dans ce milieu et à cet âge, elles étaient souvent
odieuses à force d'inactivités et de désir de vivre
». (page 126).
Cécile ne peut prendre pour modèle aucune de ces
femmes : elle choisit alors de s'attribuer les mêmes pouvoirs que
son père. Elle adopte un comportement masculin : c'est elle qui
annonce la couleur et qui commande ses relations avec les autres.
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