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La construction du personnage chez Sagan.

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par Cécile Orsoni
Université de Paris Sorbonne - Master 2014
  

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3) La question du féminisme.

Françoise Sagan a été influencée par Simone De Beauvoir, figure de proue du féminisme. Selon elle, la femme ne peut s'émanciper dans le cadre de la civilisation bourgeoise qui la maintient dans une situation d'infériorité.

Rappelons brièvement ce qu'est le féminisme : Le féminisme désigne la lutte contre l'oppression subie par les femmes. Le corps des femmes est l'un des éléments de confrontation entre les féministes et leurs adversaires, qui pensent que la seule mission de la femme est de procréer ou de donner de la jouissance.

Les femmes ont dû revendiquer certains droits : celui de travailler en dehors de la maison, de disposer de leur salaire, mais surtout la liberté de disposer de leur corps : pouvoir divorcer ou avorter.

L'émancipation des femmes s'explique entre autre par le déclin de l'influence de l'Église, par la généralisation du travail féminin salarié et par la libération des moeurs et de l'individu.

La loi Simone Veil qui dépénalise l'avortement est définitivement adoptée en 1979 et constitue un point essentiel dans la lutte des femmes pour la reconnaissance de leurs droits. 

Dans Le Deuxième sexe (1949), Simone De Beauvoir décrit l'image conventionnelle de la femme élaborée par les religions, les idéologies, les superstitions et les traditions.

Elle oppose à ces mythes « l'expérience vécue » par les femmes, « leurs accomplissements, leurs évasions ». Elle conteste l'existence d'une « nature féminine » ; Selon elle, les dissemblances entre les sexes sont forgées par les sociétés.

À partir de 1958, Simone De Beauvoir entreprend son autobiographie où elle décrit un milieu bourgeois rempli de préjugés et de traditions avilissantes et les efforts pour en sortir en dépit de sa condition de femme. L'héroïne finit par se convertir à des valeurs de liberté et rejette le conformisme auquel la vouait sa condition de jeune bourgeoise.

Le rôle de Simone De Beauvoir a été décisif pour obtenir le droit à l'avortement. Elle est à l'origine du Manifeste des 343, signé par 343 femmes affirmant avoir subi un avortement en 1971, dont Françoise Sagan, qui déclarait à Jean-Jacques Pauvert « Je ne suis inscrite à aucun parti politique, mais je suis engagée à gauche. Contre une cause indigne, je me battrais. » (Réponses, 1974).

Les 343 Françaises qui signent ce manifeste s'exposent à des poursuites pénales pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement. A cette époque, l'avortement est considéré comme un homicide.

Le manifeste, rédigé par Simone de Beauvoir, commence par ces phrases :

« Un million de femmes se font avorter chaque année en France.

Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples. On fait le silence sur ces millions de femmes.

Je déclare que je suis l'une d'elles. Je déclare avoir avorté. De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l'avortement libre. »

Dans son livre, Simone De Beauvoir évoque la question de l'avortement mais aussi du mariage, qu'elle considère comme une institution bourgeoise semblable à la prostitution lorsque la femme est sous la tutelle de son mari et ne peut en échapper.

Sagan, qui a lu les deux volumes du Deuxième sexe, reprend la vision de Simone De Beauvoir dans son ouvrage : rejet des valeurs traditionnelles, du mariage, défense des femmes à disposer de leurs corps comme elles l'entendent.

Cécile fait référence à son père: « Pensait-il à Anne comme «l'épouse idéale», avec tout ce que ça entraîne d'obligations? ».

La mère de Cyril représente la femme soumise aux codes de cette société bourgeoise et avilissante. Lors d'un échange avec Anne, Cécile s'érige contre cette vision de la femme :

- « Vous ne vous rendez pas compte qu'elle est contente d'elle, criai-je. Qu'elle se félicite de sa vie parce qu'elle a le sentiment d'avoir fait son devoir et...

- Mais c'est vrai, dit Anne. Elle a rempli ses devoirs de mère et d'épouse, suivant l'expression...

- Et son devoir de putain? Elle s'est mariée comme tout le monde se marie, par désir ou parce que cela se fait. Elle a eu un enfant, vous savez comment ça arrive les enfants? (...) Elle a donc élevé cet enfant. Elle s'est probablement épargné les angoisses, les troubles de l'adultère. Elle a eu la vie qu'ont des milliers de femmes et elle en est fière. Elle était dans la situation d'une jeune bourgeoise épouse et mère et elle n'a rien fait pour en sortir. On se dit après: «J'ai fait mon devoir» parce que l'on n'a rien fait (page 43).

Quand Cécile envisage de tomber enceinte : « Cyril me demanda si je ne craignais pas d'avoir un enfant. Je lui dis que je m'en remettrai à lui [...] il ne me laisserait pas être responsable et si j'avais un enfant, ce serait lui le coupable. » (page 115)

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus