3) La question du féminisme.
Françoise Sagan a été influencée par
Simone De Beauvoir, figure de proue du féminisme. Selon elle, la femme
ne peut s'émanciper dans le cadre de la civilisation bourgeoise qui la
maintient dans une situation d'infériorité.
Rappelons brièvement ce qu'est le féminisme :
Le féminisme désigne la lutte contre l'oppression subie par les
femmes. Le corps des femmes est l'un des éléments de
confrontation entre les féministes et leurs adversaires, qui pensent que
la seule mission de la femme est de procréer ou de donner de la
jouissance.
Les femmes ont dû revendiquer certains droits : celui
de travailler en dehors de la maison, de disposer de leur salaire, mais surtout
la liberté de disposer de leur corps : pouvoir divorcer ou
avorter.
L'émancipation des femmes s'explique entre autre par le
déclin de l'influence de l'Église, par la
généralisation du travail féminin salarié et par la
libération des moeurs et de l'individu.
La loi Simone Veil qui dépénalise
l'avortement est définitivement adoptée en 1979 et constitue un
point essentiel dans la lutte des femmes pour la reconnaissance de leurs
droits.
Dans Le Deuxième sexe (1949), Simone De Beauvoir
décrit l'image conventionnelle de la femme élaborée par
les religions, les idéologies, les superstitions et les traditions.
Elle oppose à ces mythes « l'expérience
vécue » par les femmes, « leurs accomplissements, leurs
évasions ». Elle conteste l'existence d'une « nature
féminine » ; Selon elle, les dissemblances entre les sexes
sont forgées par les sociétés.
À partir de 1958, Simone De Beauvoir entreprend son
autobiographie où elle décrit un milieu bourgeois rempli de
préjugés et de traditions avilissantes et les efforts pour en
sortir en dépit de sa condition de femme. L'héroïne finit
par se convertir à des valeurs de liberté et rejette le
conformisme auquel la vouait sa condition de jeune bourgeoise.
Le rôle de Simone De Beauvoir a été
décisif pour obtenir le droit à l'avortement. Elle est à
l'origine du Manifeste des 343, signé par 343 femmes affirmant avoir
subi un avortement en 1971, dont Françoise Sagan, qui déclarait
à Jean-Jacques Pauvert « Je ne suis inscrite à aucun parti
politique, mais je suis engagée à gauche. Contre une cause
indigne, je me battrais. » (Réponses, 1974).
Les 343 Françaises qui signent ce manifeste s'exposent
à des poursuites pénales pouvant aller jusqu'à
l'emprisonnement. A cette époque, l'avortement est
considéré comme un homicide.
Le manifeste, rédigé par Simone de Beauvoir,
commence par ces phrases :
« Un million de femmes se font avorter chaque année
en France.
Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la
clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que
cette opération, pratiquée sous contrôle médical,
est des plus simples. On fait le silence sur ces millions de femmes.
Je déclare que je suis l'une d'elles. Je déclare
avoir avorté. De même que nous réclamons le libre
accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l'avortement
libre. »
Dans son livre, Simone De Beauvoir évoque la question de
l'avortement mais aussi du mariage, qu'elle considère comme une
institution bourgeoise semblable à la prostitution lorsque la femme est
sous la tutelle de son mari et ne peut en échapper.
Sagan, qui a lu les deux volumes du Deuxième
sexe, reprend la vision de Simone De Beauvoir dans son ouvrage :
rejet des valeurs traditionnelles, du mariage, défense des femmes
à disposer de leurs corps comme elles l'entendent.
Cécile fait référence à son
père: « Pensait-il à Anne comme «l'épouse
idéale», avec tout ce que ça entraîne d'obligations?
».
La mère de Cyril représente la femme soumise aux
codes de cette société bourgeoise et avilissante. Lors d'un
échange avec Anne, Cécile s'érige contre cette vision de
la femme :
- « Vous ne vous rendez pas compte qu'elle est contente
d'elle, criai-je. Qu'elle se félicite de sa vie parce qu'elle a le
sentiment d'avoir fait son devoir et...
- Mais c'est vrai, dit Anne. Elle a rempli ses devoirs de
mère et d'épouse, suivant l'expression...
- Et son devoir de putain? Elle s'est mariée comme tout le
monde se marie, par désir ou parce que cela se fait. Elle a eu un
enfant, vous savez comment ça arrive les enfants? (...) Elle a donc
élevé cet enfant. Elle s'est probablement épargné
les angoisses, les troubles de l'adultère. Elle a eu la vie qu'ont des
milliers de femmes et elle en est fière. Elle était dans la
situation d'une jeune bourgeoise épouse et mère et elle n'a rien
fait pour en sortir. On se dit après: «J'ai fait mon devoir»
parce que l'on n'a rien fait (page 43).
Quand Cécile envisage de tomber enceinte : «
Cyril me demanda si je ne craignais pas d'avoir un enfant. Je lui dis que je
m'en remettrai à lui [...] il ne me laisserait pas être
responsable et si j'avais un enfant, ce serait lui le coupable. » (page
115)
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