Chapitre 3) Le contrôle de l'esthétique
par le juge administratif
§1) Les moyens de contrôle du juge
administratif
1)Présentation et fondement
Nous avons montré dans les deux chapitres
précédents que le droit de l'urbanisme est très
contraignant pour les architectes puisque la délivrance du
permis de construire dépend du respect de
critères esthétiques. Ces critères esthétiques
rejoignent la notion de patrimoine : patrimoine architectural mais on pourrait
également parler d'un patrimoine paysager et naturel puisque dans chacun
des cas, il s'agit de protéger quelque chose qui existe
déjà et qu'on refuse de voir disparaître. Le permis de
construire est donc une manière de contrôler préalablement
l'esthétique des construction. C'est le mode le plus simple de
contrôle de l'administration sur l'esthétique des
constructions.
Cependant, le juge administratif intervient
lorsqu'il est saisi par un administré qui estime qu'un permis de
construire a été refusé ou accordé à tord.
Le permis de construire est en effet un acte administratif unilatéral et
tant que tel, il est toujours contestable devant un juge administratif. On est
alors dans la dimension contentieuse du droit de l'urbanisme. Le juge
administratif est en effet considéré en droit français
comme le garant des libertés individuelles face aux éventuels
excès de l'administration. Le juge administratif va alors effectuer un
contrôle de l'esthétique.
Il est à noter qu'on ne s'intéressera ici qu'au
contrôle esthétique, c'est à dire un cas particulier de
contentieux de l'urbanisme lié à l'irrégularité
d'actes émanant de l'autorité administrative. Le juge
administratif dispose en effet de nombreux autres objets de de
contrôle : contentieux fiscal et contentieux des
ordonnances d'expropriation notamment.58
58 GUILLOT, DARNANVILLE : Droit de l'urbanisme, 3e édition
. Edition Ellypse, 2012 Cinquième partie : Le contentieux de l'urbanisme
» p. 157 à 184
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2) Deux niveaux de contrôle
Le juge administratif exerce deux niveaux de contrôle
sur les permis de construire selon qu'il s'agit d'une acceptation ou d'un refus
: un contrôle minimum en cas de permis de construire accepté et un
contrôle normal en cas de permis de construire refusé.
Le contrôle minimum : Dans le cas
où le permis de construire est accordé, le juge refuse de se
substituer à l'autorité administrative : il effectue donc un
contrôle minimum et pourra invoquer une erreur manifeste
d'appréciation.59 L'expression « erreur manifeste
» signifie que l'erreur de l'administration doit être
importante : une erreur de légalité n'est pas suffisante pour que
le permis de construire soit annulé. Dans l'arrêt de principe, il
s'agissait de la réalisation d'un ensemble de 300 logements sur les
rives du lac artificiel de Sainte-Croix. L'administration compétente
avait accordé le permis de construire, mais suite à une
contestation, le juge administratif a considéré que l'acte devait
être annulé car, en dépit de la dimension
modérée de chacune des constructions et du style provençal
retenu, la construction altérait le paysage.
Le contrôle normal : dans le cas d'un
permis de construire refusé, le juge va procéder à un
contrôle normal. le juge administratif va contrôler la
légalité de la décision et s'il y a atteinte aux lieux
avoisinants.60 Le juge n'effectue donc pas un simple contrôle
de légalité puisqu'il interprète la règle. Effet
dans l'arrêt de principe il s'agissait d'un permis de construire
refusé car la construction aurait été comprise dans une
perspective monumentale sur une place. Le juge administratif se reconnaît
le droit de contrôler d'une part la reconnaissance de perceptive
monumentale et d'autre part l'atteinte portée à cette perspective
par la construction. En l'espèce, le juge a statué que «
la place ne saurait être regardée dans son ensemble comme une
perspective monumentale », il n'était donc pas
nécessaire d'examiner si le projet de construction y portait
atteinte.
On voit ici le rôle de garant des libertés
individuelles du juge administratif. En effet, le contrôle du juge
administratif en matière esthétique est plutôt favorable au
bénéficiaire du permis de construire. En effet, le contrôle
le plus approfondi (c'est à dire le contrôle normal) se fait en
cas de refus de permis de construire et d'autre part, le juge se réserve
un réel pouvoir d'appréciation.
59Arrêt du Conseil d'État 9 mai 1971 SCI
résidence de Castellon 60 Arrêt du Conseil d'État du 4
Avril 1914 Gomel
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