§2) L'examen des faits et la décision du
juge
Le juge contrôle si la configuration des constructions
projetées, leur importance, et leur qualité architecturale sont
conformes aux règles prescrites au niveau national et local du droit de
l'urbanisme, dont on a présenté les éléments
principaux dans chapitres 1 et 2.
Cependant ne seront sanctionnés que « les
excès, les déséquilibres, ce qui contrarie la règle
par un écart manifeste avec les seuils de tolérances admis, ce
qui rompt l'harmonie. »61
Dans l'arrêt Commune de la Tremblade et de la
Forêt par exemple62, le Plan d'occupation des sols (POS,
ancien PLU) indiquait notamment que les constructions devaient présenter
une simplicité de volume et que les toitures devaient être en
harmonie avec le style régional. Le juge administratif a ici jugé
que les constructions n'étaient pas en harmonie avec l'ensemble selon
les critères du POS.
Le juge prend donc sa décision après un examen
des faits par rapport aux règles nationales et locales d'urbanisme. Il
tient également compte de deux autres éléments importants
: tout d'abord, l'avis de l'architecte des bâtiments de France ou de la
commission d'urbanisme, c'est à dire la personne compétente en
matières esthétique et ensuite, l'intention des pouvoir publics,
c'est à dire les circonstances particulières à chaque
dossier.
Le juge administratif, bien que chargé d'un
contrôle de l'esthétique évite cependant le débat
esthétique. Son contrôle esthétique se limite à
appliquer les règles d'urbanisme liées à
l'esthétique, il ne s'agit pas de dire que telle construction est
belle ou non. Une affaire est caractéristique en ce sens : en
1986 le Préfet de Paris avait refusé le permis de construire
nécessaire aux travaux de réalisation d'une oeuvre de Daniel
Buren dans la Cour du Palais Royal de Paris au motif que cela
représentait une atteinte à un monument historique dans la mesure
où l'oeuvre en question était une oeuvre moderne qui rompait
l'harmonie avec le Palais Royal, d'une architecture classique du XVIIe
siècle.63 Le juge administratif, saisi de cette affaire, a
annulé le refus de permis de construire, considérant
61 OGIER, Magali : op. Cit. : p.35
62 Arrêt du Conseil d'État, 22 Mai 1992 Commune de
la Tremblade et de la forêt
63 Annexe 5, figure n°1
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que « L'atteinte aux préférences
artistiques de certains n'est pas à nos yeux un moyen de droit.
»
On voit donc bien que si le juge administratif a un rôle
de contrôle en matière esthétique, ce contrôle ne
consiste aucunement en une prescription de ce qui est beau ou non.
Le droit de l'urbanisme est donc un droit contraignant dont
l'un des objectifs est de contrôler l'esthétique. Ce
contrôle esthétique passe tout d'abord par le refus du permis de
construire justifié par les règles d'urbanisme nationales et
locales. En cette matière, on a identifié deux catégories
de règles : celles qui tiennent à la protection du patrimoine
architectural et celles qui tiennent à ce qu'on pourrait appeler un
patrimoine paysager ou naturel. Dans ce dernier chapitre on a
présenté le rôle du juge administratif en matière
esthétique : celui-ci à pour vocation le contrôle du bien
fondé de l'administration quant aux délivrances ou refus de
permis de construire. Le contrôle de l'esthétique par le droit de
l'urbanisme relève donc d'une logique de conservation de ce qui existe
au détriment des constructions actuelles, c'est pourquoi on peut dire
que le droit de l'urbanisme est un obstacle à l'innovation
architecturale.
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