Titre 2) Les architectes et la contrainte
réglementaire en matière esthétique : une relation
ambivalente
« Parler de contrainte en architecture, c'est faire
un pléonasme tant l'architecte - comme l'urbaniste ou le paysagiste -
n'exerce son travail que sous la pression d'innombrables contraintes :
contraintes économiques, contraintes constructives, contraintes
programmatiques, contraintes sitologiques... mais aussi exigences du client,
représentations sociales, habitudes culturelles... Est-ce pour cette
raison que le sujet, en tant que tel, ne semble être traité ni
dans les écoles, ni dans les revues, ni répertorié dans
les bases de données ? La contrainte serait trop générale
ou implicite pour faire l'objet de recherche ou d'analyse critique, trop
universelle pour être identifiée autrement que comme condition de
l'architecture, trop mal vécue enfin par les concepteurs eux-mêmes
pour faire l'objet de commentaires autres que ceux
de l'excuse ou de la lamentation : " Le projet est mauvais,
il y avait trop de contraintes ". »64
Nicolas Tixier, Pascal Amphoux : « L'architecture sous
contrainte »
Dans la partie précédente, on a donc
montré que le droit de l'urbanisme était très contraignant
et qu'il pouvait être considéré comme un obstacle à
l'innovation architecturale. Dans cette partie, il s'agira d'apporter une
nuance à cette l'idée d'un droit de l'urbanisme totalement
opposé à l'innovation esthétique et ennemi des
architectes. Il s'agit en effet de présenter la relation
qu'entretiennent les architectes avec le droit de l'urbanisme. Il sera donc
fait une grande place à des témoignages d'architectes. Une partie
des témoignages est issue d'une bibliographie existante, cependant il
sera également fait mention de témoignages récoltés
pour les besoins ce travail auprès d'architectes en fonction, en
retraite et jeunes diplômés. Dans un premier chapitre, on
présentera les différentes critiques que peuvent adresser les
architectes aux règles d'ordre esthétique du droit de
l'urbanisme. Dans un deuxième chapitre, on montrera en quoi il s'agit
néanmoins d'un cadre de travail nécessaire pour les architectes.
Enfin, dans un troisième chapitre, on montrera que ce droit contraignant
peut aussi devenir un moteur pour l'innovation esthétique.
64 AMHOUX Pascal, TIXIER Nicolas : « L'architecture sous
contraintes », in Colloque international : L'écriture à
contrainte, Université Grenoble III - Stendhal, CEDITEL, Grenoble,
25 au 27 mai 2000
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Chapitre 1) Le droit de l'urbanisme : une contrainte
excessive pour les architectes.
§1) Les excès de la protection du patrimoine
architectural
1) Un certain rejet de la modernité
esthétique
Comme on l'a vu dans titre précédent, le droit
de l'urbanisme français est très protecteur à
l'égard du patrimoine architectural. Et bien que la notion de patrimoine
ait connu une évolution, elle n'en reste pas moins une notion
ancrée dans la protection des bâtiments qui nous viennent du
passé, des menaces que représentent potentiellement les
construction nouvelles.
Le droit de l'urbanisme a donc un rôle de garde-fou par
rapport aux excès potentiels d'une architecture moderne. Cela est
nécessaire pour éviter la destruction des quartiers anciens et
des bâtiments anciens et il est bon de garder un témoignage du
passé, surtout quand cette architecture ancienne comporte un
intérêt esthétique particulier. Et d'autre part, il ne faut
pas tomber dans l'excès qui consisterait à penser que tout ce qui
est moderne est forcément d'une plus grande valeur. Cependant il est
problématique de tomber dans l'excès inverse qui consiste
à rejeter en bloc toute architecture moderne. En effet l'innovation
architecturale a été au cours de l'histoire le vecteur d'une
amélioration du cadre de vie des hommes.
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