§2) Les outils de la protection des sites et des
espaces naturels
Il s'agit à présent de présenter les
outils juridiques de protection des sites et des espaces naturels. Concernant
la protection des sites, on verra que certains outils recoupent les outils que
l'on a présenté dans le chapitre consacré à la
protection du patrimoine architectural.
1) Les outils protection des sites
a) Une protection générale des sites par le droit
de l'urbanisme.
On a montré dans le chapitre précédent
que l'un des objectifs des documents d'urbanisme était la protection du
patrimoine architectural. Et bien, ces documents ont également comme
objectif la protection de l'esthétique des paysages comme on le voit
dans cet article du Code de l'urbanisme que l'on a déjà
cité partiellement :
« Les documents d'urbanisme visent notamment :
1° L'équilibre entre : b) l'utilisation économe des espaces
naturels, la préservations des espaces affectés aux
activités agricoles et forestières, et la protection des
sites, des milieux et paysages naturels c) la sauvegarde des ensembles
urbains et du
patrimoine bâti remarquables »42
41 Dictionnaire Larousse, 2012
42 Article L.121-1 du Code de l'urbanisme
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De la même manière, la Loi sur
l'architecture de 1977 évoque aussi cette question dans son
Article 1er:
« L'architecture est une expression de la culture. La
création architecturale, la qualité des constructions, leur
insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des
paysages naturels ou urbains,
ainsi que le patrimoine sont d'intérêts publics.
»43
On voit donc que le droit de l'urbanisme compte parmi ses
objectifs la protection
de l'esthétique des paysages, autrement dit des sites.
L'idée d'une « insertion harmonieuse dans le milieu
environnant » suppose donc une limite posée à
l'innovation architecturale. Il faut que la construction nouvelle
s'intègre dans ce qui existe déjà, ce qui semble interdire
toute extravagance. On est donc bien là dans la même conception
patrimoniale et dans une certaine mesure passéiste que celle
décrite précédemment par rapport au patrimoine
architectural.
b) Les sites classés et inscrits :
Concernant la protection des sites, il existe deux outils
principaux que sont le classement et l'inscription. L'inscription implique pour
toute construction l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, quand
au classement, qui est la protection la plus forte, elle implique une
protection au sens de la préservation en l'état et implique une
protection de niveau national.
Comme on l'a dit plus haut, les lois des 21 avril 1906
et 2 mai 1930 viennent encadrer respectivement les
critères et la procédure de classement des sites. Le site
correspond au paysage du point de vue de l'esthétisme mais pas seulement
:
« Il est établi dans chaque département
une liste des monuments naturels ou sites dont préservation ou la
conservation présente, du point de vue artistique, historique,
scientifique, légendaire, ou pittoresque un
intérêt général. »44
Il existe dans chaque département une liste des sites
classés 45 ainsi qu'une commission départementale des
sites depuis la loi de 1906. D'autre part il existe une
43 Article L.431-2 du Code de l'urbanisme
44 Article L.630-1 du Code du patrimoine
45 Article L.341-1 du Code du patrimoine
31
commission supérieure des sites qui siège au
niveau national reliée au Ministre chargé de l'environnement
depuis la loi de 1930.46
Enfin, le classement au titre des sites ou des «
monuments naturels » a pour conséquence que :
«Les monuments naturels ou les sites classés
ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans
leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale.»
47
Depuis 1906 que la législation sur les sites existe,
des espaces de plus en plus vastes ont été
protégés. Dans un premier temps, la législation s'est
attachée à des éléments remarquables mais ponctuels
comme des rochers, des cascades, des fontaines, ou encore des arbres
isolés. Elle s'est ensuite élargie à des «
écrins » ou des points de vues , à des châteaux et
leurs parcs, puis à des espaces beaucoup plus vastes constituant des
ensembles géologiques, géographiques ou paysagers tels que des
les massifs, forêts, gorges, vallées, marais, caps, îles. On
peut citer en exemples le massif du Mont blanc, la forêt de
Fontainebleau, les gorges du Tarn, le marais poitevin, les caps Blanc Nez et
Gris Nez ou encore l'île de Ré . Au 1er janvier 2014, 107 ans
après la première loi, le territoire national compte près
de 2700 sites classés pour une superficie de 1 030 000 hectares et plus
de 4 000 sites inscrits pour une superficie d'environ 1 500 000 hectares. Au
total ces protections couvrent environ 4 % du territoire.48
Cette protection des sites, qui interdit toute
altération du paysage est donc un obstacle à toute construction,
c'est donc un réel obstacle à l'innovation architectural. Il
s'agit d'une patrimonialisation de certains paysages.
c) La loi du 8 Janvier 1993 : une protection renforcée des
sites
Alors que la législation sur les sites inscrits ou
classés prenait en compte des paysages particuliers pour leur
caractère «historique, scientifique, légendaire, ou
pittoresque »49, la loi du 8 Janvier 1993
prend en compte le paysage quotidien et banal. Cette loi fait en effet
l'obligation de présenter le volet paysager du permis de construire.
Selon le Code de l'urbanisme en effet, le projet architectural
doit être présenté par
46 Article L.341-17 du Code du patrimoine
47 Article L.341-10 du Code du patrimoine
48 Site internet du Ministère de l'écologie, du
développement durable et de l'énergie : « politique des
sites ».
49 Article L.630-1 du Code du patrimoine
32
des documents graphiques ou des photographies montrant
l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des
bâtiments.50 En découle don l'obligation que la
construction se fonde dans le paysage. L'innovation esthétique est donc
fortement limitée par cette loi.
d) Les Aires de mise en valeur de l'architecture et du
patrimoine
Contrairement à leur nom, les Aires de mises en valeur
de l'architecture et du patrimoine (AMVAP) ne se limitent pas à la
protection du patrimoine architectural. En effet, la loi du 8 Janvier
1993 étend ces zones aux paysages. Cette loi traite en effet
des « zones de protection du patrimoine architectural urbain ou
paysager. »51
Cette dénomination est reprise dans la loi du
12 Juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement
(Grenelle II), qui fait entrer les problématiques du
développement durable dans les objectifs des AMVAP.
e) Le « patrimoine mondial de l'humanité
»
Le classement en tant que « patrimoine mondial de
l'humanité » est international. C'est un classement
effectué par l'UNESCO depuis la Convention concernant le patrimoine
culturel et naturel de 1972. L'inscription d'un bien sur la liste du patrimoine
mondial n'entraîne pas d'effets directs, ni en terme de contraintes
juridiques autres que celles prévues par la législation
nationale.52
f) Les espaces boisés classés
La législation concernant la protection des espaces
boisés tire son fondement du Code de l'urbanisme et du Code
forestier.
50 Article L.421-2 du Code de l'urbanisme
51 MONNIER, Mireille : op. Cit. : p. 33 et 34 « Les
AMVAP »
52 Site internet du Ministère de l'écologie, du
développement durable et de l'énergie « le label patrimoine
mondial ».
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D'après le Code forestier, un statut particulier de
protection existe pour les forêts domaniales et les forêts
gérées par l'office national des forêts qui limite les
coupes et les défrichements.53
Quant au Code de l'urbanisme, celui-ci peut protéger
des espaces boisés de l'étalement urbain en les classant :
« Le classement interdit tout changement
d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre
la conservation, la protection ou la création des boisements.
»54
Les espaces forestiers peuvent donc être
considérés à ce titre comme un forme de patrimoine
paysager qu'il faut également conserver des atteintes de toute
construction nouvelle.
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