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Droit de l'urbanisme et innovation architecturale. Des rapports ambivalents.

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par Laura Lemaire
Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence - Diplôme de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence 2014
  

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§2) Les outils de la protection des sites et des espaces naturels

Il s'agit à présent de présenter les outils juridiques de protection des sites et des espaces naturels. Concernant la protection des sites, on verra que certains outils recoupent les outils que l'on a présenté dans le chapitre consacré à la protection du patrimoine architectural.

1) Les outils protection des sites

a) Une protection générale des sites par le droit de l'urbanisme.

On a montré dans le chapitre précédent que l'un des objectifs des documents d'urbanisme était la protection du patrimoine architectural. Et bien, ces documents ont également comme objectif la protection de l'esthétique des paysages comme on le voit dans cet article du Code de l'urbanisme que l'on a déjà cité partiellement :

« Les documents d'urbanisme visent notamment : 1° L'équilibre entre : b) l'utilisation économe des espaces naturels, la préservations des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels c) la sauvegarde des ensembles urbains et du

patrimoine bâti remarquables »42

41 Dictionnaire Larousse, 2012

42 Article L.121-1 du Code de l'urbanisme

30

De la même manière, la Loi sur l'architecture de 1977 évoque aussi cette question dans son Article 1er:

« L'architecture est une expression de la culture. La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains,

ainsi que le patrimoine sont d'intérêts publics. »43

On voit donc que le droit de l'urbanisme compte parmi ses objectifs la protection

de l'esthétique des paysages, autrement dit des sites. L'idée d'une « insertion
harmonieuse dans le milieu environnant »
suppose donc une limite posée à l'innovation architecturale. Il faut que la construction nouvelle s'intègre dans ce qui existe déjà, ce qui semble interdire toute extravagance. On est donc bien là dans la même conception patrimoniale et dans une certaine mesure passéiste que celle décrite précédemment par rapport au patrimoine architectural.

b) Les sites classés et inscrits :

Concernant la protection des sites, il existe deux outils principaux que sont le classement et l'inscription. L'inscription implique pour toute construction l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, quand au classement, qui est la protection la plus forte, elle implique une protection au sens de la préservation en l'état et implique une protection de niveau national.

Comme on l'a dit plus haut, les lois des 21 avril 1906 et 2 mai 1930 viennent encadrer respectivement les critères et la procédure de classement des sites. Le site correspond au paysage du point de vue de l'esthétisme mais pas seulement :

« Il est établi dans chaque département une liste des monuments naturels ou sites dont préservation ou la conservation présente, du point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire, ou pittoresque un

intérêt général. »44

Il existe dans chaque département une liste des sites classés 45 ainsi qu'une commission départementale des sites depuis la loi de 1906. D'autre part il existe une

43 Article L.431-2 du Code de l'urbanisme

44 Article L.630-1 du Code du patrimoine

45 Article L.341-1 du Code du patrimoine

31

commission supérieure des sites qui siège au niveau national reliée au Ministre chargé de l'environnement depuis la loi de 1930.46

Enfin, le classement au titre des sites ou des « monuments naturels » a pour conséquence que :

«Les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale.» 47

Depuis 1906 que la législation sur les sites existe, des espaces de plus en plus vastes ont été protégés. Dans un premier temps, la législation s'est attachée à des éléments remarquables mais ponctuels comme des rochers, des cascades, des fontaines, ou encore des arbres isolés. Elle s'est ensuite élargie à des « écrins » ou des points de vues , à des châteaux et leurs parcs, puis à des espaces beaucoup plus vastes constituant des ensembles géologiques, géographiques ou paysagers tels que des les massifs, forêts, gorges, vallées, marais, caps, îles. On peut citer en exemples le massif du Mont blanc, la forêt de Fontainebleau, les gorges du Tarn, le marais poitevin, les caps Blanc Nez et Gris Nez ou encore l'île de Ré . Au 1er janvier 2014, 107 ans après la première loi, le territoire national compte près de 2700 sites classés pour une superficie de 1 030 000 hectares et plus de 4 000 sites inscrits pour une superficie d'environ 1 500 000 hectares. Au total ces protections couvrent environ 4 % du territoire.48

Cette protection des sites, qui interdit toute altération du paysage est donc un obstacle à toute construction, c'est donc un réel obstacle à l'innovation architectural. Il s'agit d'une patrimonialisation de certains paysages.

c) La loi du 8 Janvier 1993 : une protection renforcée des sites

Alors que la législation sur les sites inscrits ou classés prenait en compte des paysages particuliers pour leur caractère «historique, scientifique, légendaire, ou pittoresque »49, la loi du 8 Janvier 1993 prend en compte le paysage quotidien et banal. Cette loi fait en effet l'obligation de présenter le volet paysager du permis de construire.

Selon le Code de l'urbanisme en effet, le projet architectural doit être présenté par

46 Article L.341-17 du Code du patrimoine

47 Article L.341-10 du Code du patrimoine

48 Site internet du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie : « politique des sites ».

49 Article L.630-1 du Code du patrimoine

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des documents graphiques ou des photographies montrant l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments.50 En découle don l'obligation que la construction se fonde dans le paysage. L'innovation esthétique est donc fortement limitée par cette loi.

d) Les Aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine

Contrairement à leur nom, les Aires de mises en valeur de l'architecture et du patrimoine (AMVAP) ne se limitent pas à la protection du patrimoine architectural. En effet, la loi du 8 Janvier 1993 étend ces zones aux paysages. Cette loi traite en effet des « zones de protection du patrimoine architectural urbain ou paysager. »51

Cette dénomination est reprise dans la loi du 12 Juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (Grenelle II), qui fait entrer les problématiques du développement durable dans les objectifs des AMVAP.

e) Le « patrimoine mondial de l'humanité »

Le classement en tant que « patrimoine mondial de l'humanité » est international. C'est un classement effectué par l'UNESCO depuis la Convention concernant le patrimoine culturel et naturel de 1972. L'inscription d'un bien sur la liste du patrimoine mondial n'entraîne pas d'effets directs, ni en terme de contraintes juridiques autres que celles prévues par la législation nationale.52

f) Les espaces boisés classés

La législation concernant la protection des espaces boisés tire son fondement du Code de l'urbanisme et du Code forestier.

50 Article L.421-2 du Code de l'urbanisme

51 MONNIER, Mireille : op. Cit. : p. 33 et 34 « Les AMVAP »

52 Site internet du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie « le label patrimoine mondial ».

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D'après le Code forestier, un statut particulier de protection existe pour les forêts domaniales et les forêts gérées par l'office national des forêts qui limite les coupes et les défrichements.53

Quant au Code de l'urbanisme, celui-ci peut protéger des espaces boisés de l'étalement urbain en les classant :

« Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. »54

Les espaces forestiers peuvent donc être considérés à ce titre comme un forme de patrimoine paysager qu'il faut également conserver des atteintes de toute construction nouvelle.

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