Droit de l'urbanisme et innovation architecturale. Des rapports ambivalents.( Télécharger le fichier original )par Laura Lemaire Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence - Diplôme de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence 2014 |
2) Une densité vivable nécessite une évolution socio-économique que l'architecture peut rendre possiblea) L'enjeu d'une densité vivable Comme on a pu le voir lorsqu'on a présenté les différents enjeux de l'architecture environnementale, il n'existe pas de solution miracle qui puisse résoudre tous les problèmes environnementaux liés au bâtiment. Ainsi, la densité dont on a présenté le potentiel écologique, ne va pas sans poser de problème En effet, il ne faut pas tomber dans le piège de règles techniques d'urbanisme qui ont tendance à faire passer la performance technique avant la qualité de vie. Il faut prendre en compte la question de la « densité vécue ». En effet, si les français ont le désir d'aller s'installer à la campagne ou en périphérie des villes, ce n'est pas pour rien. C'est parce qu'ils considèrent que leur qualité de vie y sera meilleure qu'en ville, la ville qui se caractérise justement par la densité. Selon Sabine Barles, ingénieure au CNRS, les français ont donc une mauvaise image de la densité urbaine et c'est justement là que réside l'enjeu d'une densité urbaine réussie : faire percevoir la densité autrement. Car en effet, si la densité aboutie à des villes étouffantes, toutes les économies d'énergie liées au transport réalisées grâce au zonage multifonctionnel seront perdues dès que les personnes auront une journée de libre car ils n'auront qu'une idée : fuir la ville.182 Pour que la densité soit vivable, on pourrait dire durable, il faut donc que la densité soit perçue autrement. Cela nécessité une évolution des modes de vie que l'innovation architecturale peut rendre possible. 182Réflexions croisées sur le développement durable : op. Cit., interview de Sabine Barles, ingénieure au CNRS 95 b) Rendre la densité durable par l'innovation architecturale On a montré précédemment que le droit de l'urbanisme était critiquable en ce qu'il faisait une trop grande place aux innovations technologiques dans sa prise en compte des enjeux environnementaux. Il a donc pu sembler que l'innovation en matière architecturale était forcément liée à la technologie et qu'une architecture environnementale ou durable devait refuser l'innovation et s'en tenir à des architectures traditionnelles. Ce n'est pas le cas. En effet, on a défini en introduction l'innovation comme « Introduire dans une chose établie quelque chose de nouveau, d'encore inconnu »183. Il n'est là aucunement question de technologie. Une architecture peut être innovante sans pour autant recourir à une haute technologie mais en ce qu'elle apporte une « évolution du système socio-économique », c'est à dire une évolution des modes de vie et de production des richesses. En matière environnementale, il s'agit de faire baisser les besoins en ressources non-renouvelables. Selon le philosophe Alfred Nordmann en effet : « La réponse à la crise environnementale se joue non pas tant dans l'avènement d'un âge d'or fait d'électrons verts, mais plutôt du côté des sociétés elles-mêmes, animées par des collectifs d'acteurs hétérogènes, autour d'hybridations entre les modèles dominants et des modèles alternatifs. »184 Et comme on l'a montré, la densité, qui représente une solution pour économiser les terres agricoles et les espaces naturels, nécessite une évolution pour devenir vivable et donc durable. Et cette évolution peut être mise en oeuvre grâce à l'innovation architecturale. En effet, l'enjeu actuel de la densité est de changer la façon dont les personnes vivent la densité. L'architecte Michel Benaïm montre ainsi que puisque les français ont le désir d'habiter une maison individuelle, il s'agit pour l'architecte « d'individualiser l'habitat collectif ». Pour cela il s'agit de concevoir des logements collectifs où les habitants puisse retrouver la même sensation d'être vraiment chez eux que dans un habitat individuel. Cela passe par la gestion de l'intimité dont dépend la conception des bâtiments : l'isolation phonique et visuelle notamment. C'est à dire pour commencer, construire des murs suffisamment isolants entre les appartements pour 183Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert, 2005, Tome 2 (D-L), sous la direction Alain Rey, « innover » p. 1998 184« L'innovation peut elle sauver la planète ? » : Agnès Sinaï, Actu-environnement.com, 1er Avril 2014 96 qu'une famille n'entende pas ce que fait ses voisins et construire les bâtiments de telle sorte qu'il n'y ait pas de vis-à-vis. L'enjeu est donc, par l'innovation architecturale de créer des logements collectifs où l'on a l'impression de vivre dans un habitat individuel. L'idée serait de pouvoir cumuler les avantages des deux modes d'habitat : la tranquillité du logement individuel et les économies d'énergie liées à la réduction de la consommation liée au transport que peut permettre le logement collectif. On peut donc dire que l'enjeu de la densité est entre les mains des architectes. Cela rejoint la formule du protocole de Kyoto qui parle d'une « responsabilité pour aujourd'hui et pour demain » des architectes.185 Ainsi, la véritable innovation architecturale qui permet la protection de l'environnement n'est pas d'ordre technologique mais d'ordre socio-économique. |
|