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Droit de l'urbanisme et innovation architecturale. Des rapports ambivalents.

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par Laura Lemaire
Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence - Diplôme de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence 2014
  

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2) Des critiques d'ordre environnemental, social et économique

La première série de critiques que l'on peut adresser aux règles environnementales du droit de l'urbanisme au sens large est justement d'ordre environnemental. C'est l'idée que ces normes ont des effets contre-productifs en matière écologique. On présentera d'abord le problème causé pas les technologies d'automatisation des bâtiments, puis on s'intéressera à ces nouveaux matériaux de construction que les réglementations thermiques prônent : les matériaux dits Haute qualité environnementale (HQE®).

a) Le coût énergétique des technologies de pointe

Les réglementations thermiques visent à diminuer le plus possible la consommation énergétique des bâtiments. Et selon un article paru dans Environnement & Énergie Magazine, avec les objectifs actuels issus de la RT 2012, les solutions classiques ne suffisent plus, il faut à présent passer à des technologies de plus en plus sophistiquées :

« Mieux isoler, assurer une bonne étanchéité à l'air, miser sur des doubles, voire triples vitrages... Pour limiter la consommation des passoires énergétiques, les recettes sont connues. Mais l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation thermique change la donne. Pour atteindre 50 kWh/m2/an, la laine de roche et un mode de chauffage performant ne suffisent plus. »171

On peut recourir par exemple aux technologies de la domotique qui permettent d'automatiser les bâtiments afin de ne chauffer et de n'éclairer une pièce vraiment que lorsque cela est nécessaire. Le problème est que la fabrication de ce genre de technologie nécessite de fortes dépenses énergétiques et de fortes émissions de gaz à effet de serre. La fabrication de ces équipements technologiques visant à limiter la consommation énergétiques va donc dans le sens inverse de l'objectif initial de ces technologies : économiser de l'énergie.

b) La question des matériaux labellisés HQE®

La question du coût énergétique de fabrication ces technologies ne se limite cependant pas à la domotique et peut s'appliquer aussi aux nouveaux matériaux de

171« Bâtiment : efficacité active, mode d'emploi » : Environnement et Énergie Magazine, n°17, Mars 2014

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construction labellisés Haute qualité environnementale dont la Réglementation thermique 2012 prône l'utilisation à travers le plan Bâtiment basse consommation.

Haute qualité environnementale correspond à une certification des matériaux qui est donnée par l'Association HQE, crée en 1996 par les pouvoirs publics et qui vise à inscrire la construction dans un projet de développement durable. La certification HQE par l'association permet aux matériaux d'obtenir le label « NF Ouvrage Démarche HQE® » de l'AFNOR.

L'AFNOR est l'association française de normalisation qui est l'organe chargé en France de déterminer que tel ou tel produit commercialisé répond aux normes françaises. C'est donc le label qui détermine que tel ou tel matériau de construction est écologique ou pas selon les normes françaises. Et justement, la réglementation thermique actuelle incite à voire contraint, par ses dispositions, à utiliser ce genre de matériaux pour atteindre les objectifs d'efficacité énergétique des bâtiments.

Critiques d'ordre écologique :

Le premier problème est que le caractère écologique des matériaux labellisés HQE n'est pas véritablement prouvé. En effet, il est très difficile de déterminer l'empreinte énergétique d'un matériau pendant toute sa durée de vie. Certaines données comme les besoins énergétiques liés à la fabrication de matériaux sont faciles à calculer mais il est déjà plus difficile de calculer le coefficient de transmission thermique d'un matériau (c'est à dire la quantité de chaleur qui traverse une surface donnée en un temps donné) d'autant plus que celui-ci varie selon les climats. Enfin, l'estimation de l'énergie nécessaire à la préservation, à la démolition ou au recyclage d'un ouvrage est impossible à évaluer précisément. Pourtant, des labels du type HQE existent dans de nombreux pays industrialisés, Minergie en Suisse et BREEAM en Grande-Bretagne par exemple, et il existe même un label européen.172

Les règles d'urbanisme incitent donc à utiliser des matériaux labellisés dont on ignore si le caractère écologique est vraiment supérieur à celui d'un autre matériau. Les architectes dénoncent donc un « business » de l'architecture environnementale et une

172VAN UFFELEN, Chris : op. Cit. : Introduction p. 7 à 12

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collusion d'intérêt entre l'État et les industriels qui fabriquent les matériaux HQE®. C'est pour cette raison que que l'Ordre national des architectes s'est retiré en 2004 de l'Association HQE. Cependant, pour l'instant, l'AFNOR continue de labelliser les matériaux HQE® et le secteur de la construction continue donc de les acheter. On peut citer cette phrase issue du bulletin n° 51 de la Société française des architectes :

« cette volonté farouche de réglementer chaque parcelle de notre vie, à commencer par les logements, débouche inexorablement sur de nouveaux besoins matériels quantifiables est marketables, bientôt transformés en nouveaux marchés. »173

En outre, comme le montre Rudy Ricciotti dans son ouvrage consacré à la question, ces matériaux, dont on ne connaît pas la véritable nature écologique sont produits dans les pays émergents, ce qui signifie qu'on délocalise la pollution et la consommation d'énergie nécessaire à leur fabrication.174

La démarche HQE, encouragée par le droit de l'urbanisme français va donc à l'encontre des recommandation de l'Agenda 21 en matière de construction. L'Agenda 21 lequel prône en effet de recourir à des matériaux locaux et de promouvoir les techniques traditionnelles, de recourir à des techniques de construction exigeant de la main d'oeuvre plutôt que de la technologie et aussi de décentraliser l'industrie du bâtiment en multipliant les petites entreprises175. Et au contraire, les règles environnementales actuelles du droit de l'urbanisme entraînent l'utilisation de techniques de construction qui nécessitent une forte technologie (et donc une forte consommation d'énergie), qui sont fabriqués à l'autre bout du monde (ce qui entraîne une consommation d'énergie liée au transport des matériaux) et qui font la part belle aux grands groupes industriels de fabrication de matériaux de construction.

Critique d'ordre économique : le coût des matériaux HQE®

En outre, les matériaux HQE® ont un coût plus important que la moyenne. C'est là aussi que réside l'idée d'un business de l'architecture environnementale encouragé par le droit de l'urbanisme à travers la Réglementation thermique. Cela va une fois de plus à l'encontre de l'Agenda 21 qui recommande de préférer des matériaux peu onéreux et

173Bulletin de la Société française des architectes n°51 op. Cit.

174RICCIOTTI, Rudy : La HQE® brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt, édition le Gac Presse, 2013 175STEELE, James : op. Cit. : p. 171

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disponible sur place, le but étant que l'architecture environnementale ne soit pas un privilège de pays riches.

Cette critique à l'égard des matériaux HQE® correspond à une critique de l'architecture industrielle qu'on a présenté lorsqu'on parlait des enjeux de l'architecture environnementale. Face à la multiplication des matériaux industriels qui augmentait le coût des bâtiments certains architectes, tels que l'Américain Samuel Mockbee, se sont en effet donnés pour règle d'utiliser des matériaux à bas coût.

Ainsi, les règles environnementales françaises de construction aboutissent à un effet inverse à leur but qui est l'architecture écologique puisqu'elles prônent l'utilisation de matériaux industriel et d'une haute technologie

Critique sociale des matériaux HQE

Enfin, on peut adresser une critique d'ordre social à la promotion des matériaux HQE® que fait le droit de l'urbanisme à travers la réglementation thermique.

Tout d'abord, ces matériaux sont produits dans les pays émergents et donc leur production ne crée pas d'emploi en France.

Ensuite, ce sont des matériaux avec lesquels la construction du bâtiment ne nécessite pas une main d'oeuvre importante, ce qui a aussi des conséquences en terme d'emploi. L'architecte Rudy Ricciotti déplore par ailleurs le fait que ce type de matériaux fait oublier ce qu'il appelle « la mémoire du travail » et aboutie à long terme à « la perte irréversible des savoirs faire » et en particulier des métiers de la façade.176

On peut donc dire que le droit de l'urbanisme fait indirectement la promotion de l'utilisation de matériaux qui ne sont pas durables en terme d'emploi.

176RICCIOTTI, Rudy : La HQE® brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt, édition le Gac Presse, 2013, p.9

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La critique de l'ordre national des architectes

L'Ordre national des architectes, qui s'est retiré en 2004 de l'Association HQE, fait une synthèse de toutes ces critiques en proposant la création d'un nouveau label qui prendrait en compte tous les aspects du développement durable.

L'ordre national des architectes dit en effet que la démarche HQE est une démarche trop centrée sur la facette environnementale du développement durable et qui en oublie les autres facettes : sociale et économique. Pour ce qui est de la facette économique en effet, ces matériaux alourdissent considérablement le coût des bâtiments. Pour la facette sociale, l'Ordre national des architectes dénonce des matériaux produits « hors-sol » qui nécessitent une technologie importante et peu de main d'oeuvre.

« Par rapport aux enjeux de développement durable auxquels est confronté l'ensemble des acteurs de la chaîne de construction, la démarche HQE, dans sa conception actuelle, s'avère ainsi être tout à la fois réductrice, minimaliste, technicienne et castratrice. »177

L'Ordre national des architectes a donc la volonté que soit créé un label plus global « développement durable » qui prendrait en compte l'ensemble des aspects de ce concept.

On a donc montré dans ce chapitre que le droit de l'urbanisme est critiqué pour ses règles environnementales. Tout d'abord parce que ces règles viennent s'ajouter à des règles qui étaient déjà extrêmement nombreuses et ensuite parce que le droit de l'urbanisme, à travers la réglementation thermique et son application dans les documents d'urbanisme, fait la promotion de la haute technologie et de matériaux labellisés Haute qualité environnementale, dont la production et l'utilisation ont non seulement des effets inverses à leur objectif de réduire la consommation énergétique mais aussi des conséquences négatives en matière sociale et économique. Dans le chapitre suivant, il s'agira de présenter des solutions qui permettent une urbanisation durable sans pour autant passer par la technologie.

177« L'Ordre des architectes quitte l'association HQE : Quelques explications», Site internet de l'Ordre national des architectes , avril 2005

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo