2) Le problème de l'accumulation des mesures
techniques
a) l'accumulation des normes compliquerait à outrance
le travail des professionnels du bâtiment
Ce n'est donc pas l'idée même de normes
environnementales qui est mis en cause mais la façon dont elles sont
traduites dans le droit de l'urbanisme et en particulier la façon dont
les règles techniques d'ordre environnemental viennent s'ajouter
à un corpus déjà extrêmement lourd de règles
liées à l'urbanisme au sens large : Code d'urbanisme,
163Témoignage de Christian Périnel, architecte :
Annexe 2
84
Code la construction et Code du patrimoine pour ne citer
qu'eux. Cela a pour conséquence une exaspération
générale des architectes et des professionnels du bâtiment
en général à l'égard des règles d'urbanisme,
qui compliquent leur travail. Les règles environnementales, qui sont
pourtant nécessaires, sont donc généralement
perçues comme des contraintes supplémentaires, ainsi qu'en
témoignage Héloïse De Broissia, architecte :
« Ce n'est pas tellement une loi ou norme en
particulier qui est très contraignante, c'est plutôt
l'accumulation de toutes les normes. A la fois les règles du code de
l'urbanisme, mais également les normes PMR, incendie, code du travail,
code de la construction ERP, etc... »164
D'après la Société française des
architectes, qui est l'un des principaux syndicat de la profession, cet
empilement de normes nuirait à la qualité des bâtiments car
l'architecte passerait davantage de temps à se battre avec les
règles d'urbanisme qu'à concevoir des bâtiments de
qualité pour les personnes qui vivront dedans :
« lorsqu'on est trop occupé à
déjouer les chausses-trappes réglementaires, on a physiquement de
moins en moins de temps à consacrer à des variables
négligeables comme l'espace, la lumière, l'orientation, la
qualité d'usages. »165
L'accumulation des normes techniques aboutirait aussi à
des situations dans lesquelles certains projets pourtant nécessaires ne
voient pas le jour car ils n'ont pu répondre à toutes les
règles. François Frédéric Müller et Emmanuelle
Colboc ,architectes, dénoncent cette situation dans le cas du logement
social :
« L'abus de certaines réglementations rend
impossible la construction de certains projets au titre qu'ils ne
répondent pas à toutes les attentes normatives »166
b) Par l'accumulation des règles techniques, le droit
de l'urbanisme oublie l'essentiel : l'espace à vivre
La société française des architectes
dénonce également le fait que le droit de l'urbanisme, qui
accumule les règles techniques de construction, fini par en oublier
l'essentiel : le fait que les constructions sont faites pour les gens qui
vivront dedans :
164Témoignage d'Héloïse de Broissia,
architecte : Annexe 3
165MULLER, François Frédéric et COLBOC,
Emmanuelle, architectes : « Le logement social aujourd'hui : dans quel
état est-il ? » Bulletin de la Société
française des architectes, n°51, 4e semestre 2013
166Idem.
85
« L'ensemble du système normatif ignore
l'essentiel c'est à dire l'espace à vivre. Il ne traite que de
performances techniques. »167
Le cas semble particulièrement flagrant pour le
logement social : par l'accumulation de normes techniques, le logement social a
été totalement uniformisé en France et cela s'est
accompagné en moins de trente ans d'une perte considérable de
surface habitable. En 1987 en effet, un logement social de trois pièces
faisait en moyenne 70m2, pour en moyenne entre 60 et 63m2
aujourd'hui. Autrement dit : «c'est l'équivalent d'une
pièce qui a été perdu. »168
Et la Société française des architectes
de conclure avec cette phrase pleine de sens :
« La question du logement n'est pas une question
technique mais la plus magnifique question humaine posée à
l'architecture. »169
Ce n'est donc pas l'idée de règles
environnementales qui est en cause mais le fait que les règles
environnementales viennent s'ajouter à un droit de l'urbanisme
déjà très lourd, accroissant encore l'impression des
architectes et des professionnels du bâtiment en général
d'être écrasés par un appareil normatif excessif, qui ne
leur permettrait plus d'exercer leur métier dans de bonnes
conditions.
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