Titre 2) Un droit trop axé sur les innovations
techniques : critiques et propositions pour l'avenir
Après avoir présenté les théories
et techniques de l'architecture environnementale, ainsi que leur traduction
dans le droit de l'urbanisme français, il s'agit dans ce second titre
d'apporter une dimension critique à ce travail.
Une place importante sera donc faite à des
témoignages d'acteurs impliqués dans le secteur de
l'environnement, de l'urbanisme et de la construction : architectes,
urbanistes, scientifiques mais aussi personnalités politiques et
personnels administratives. Étant confrontés au droit de
l'urbanisme dans l'exercice de leur métier, il semble en effet que ces
personnes sont les plus compétentes pour émettre des critiques
sur le droit existant et faire des propositions pour l'avenir. Certains
témoignages sont issus de supports existants et d'autres ont
été collectés pour les besoins de ce travail.
Il s'agit donc de montrer que le droit de l'urbanisme
français actuel a un rapport favorable à l'innovation
architecturale en matière environnementale mais que cela se
caractérise par un droit trop axé sur les innovations
technologiques.
Dans un premier chapitre, on expliquera donc en quoi le droit
de l'urbanisme français peut être considéré comme un
droit trop axé sur les innovations technologiques dans le domaine
environnemental et on présentera les problèmes qui en
découlent. Puis dans un second chapitre, on présentera deux
propositions qui peuvent être faites pour un développement plus
durable des villes qui ne passe pas par des innovations architecturales d'ordre
technologique.
81
Chapitre 1) Les problèmes posés par un
droit de l'urbanisme trop axé sur les innovations technologiques
Dans ce chapitre, il s'agira donc de montrer en quoi le droit
de l'urbanisme peut être considéré comme un droit trop
axé sur des règles d'ordre technique et les innovations
technologique et de montrer les problèmes d'un tel rapport à
l'innovation dans le domaine environnemental.
§1) Les problèmes de l'accumulation des
règles d'ordre technique pour les professionnels du bâtiment
Il s'agira dans ce paragraphe de montrer que ce n'est pas le
fait en tant tel d'être soumis à des normes environnementales qui
pose problème aux professionnels du bâtiment mais la nature de ces
règles ainsi que leur accumulation.
1) Une reconnaissance générale du
bien-fondé de l'existence de règles environnementales dans le
secteur du bâtiment
a) La nécessité des règles en matière
environnementale
Tout d'abord, les architectes sont dans leur très
grande majorité conscient de la nécessité d'une
architecture respectueuse de l'environnement, c'est à dire qui n'aggrave
pas le changement climatique et ne défigure pas les paysages. Le constat
étant fait du réchauffement climatique et du caractère
limité des ressources non-renouvelables, il paraît en effet
difficile de s'opposer à ce qu'existent des règles ayant pour but
de ne pas aggraver les choses.
En outre, dans la perceptive du «territoire
français comme le patrimoine commun de la nation
»160, seuls les pouvoirs publics apparaissent comme
capables d'imposer, par la loi et le règlement, à un changement
dans les pratiques des professionnels du bâtiment. C'est le sens à
donner aux engagements internationaux, européens et nationaux pris par
la
160Article L110 du Code de l'urbanisme : Annexe 4
82
France en matière environnementale. Dans cette optique,
M. Périnel, architecte rappelle en effet qu'avant que les normes
environnementales soient intégrées aux règles d'urbanisme
il était difficile pour un architecte sensible à l'environnement
de faire de l'architecture environnementale parce que les clients n'en voyaient
pas toujours l'intérêt et d'autant plus parce qu'une telle
architecture a un coût plus élevé :
« Dans l'exercice de mon métier, je n'ai pas eu
assez la possibilité de pousser dans cette direction à cause des
coûts engendrés et du manque de motivation de la clientèle
: par exemple, lors de l'arrivée des vitrages isolants, cela a
été perçu comme tout a fait superflu ( il est vrai qu'a
cette époque le fioul et le gaz ne coûtaient quasiment rien) (...)
Les plus nantis se hasardaient vers les doubles cloisons , les cheminées
a feu ouvert et c'était déjà très bien.
»161
Les règles environnementales semblent donc
nécessaires pour changer les comportements des professionnels du
bâtiment dans le sens d'une urbanisation plus durable.
b) Les règles environnementales créent des
opportunités dans le secteur du bâtiment
Par ailleurs, les règles environnementales peuvent
être considérées comme un phénomène positif
pour le secteur du bâtiment et de la construction en qu'elles ont fait
naître de nouvelles opportunité, ainsi qu'en témoigne un
architecte :
« Le développement durable est un
phénomène positif pour l'architecture et qui à permis de
créer de nouveaux métiers et matériaux....
»162
En effet, les règles environnementale ont permis de
créer de nouveaux métiers, par exemple dans le secteur de
l'évaluation de l'efficacité énergétique des
bâtiments. Ainsi les règles relatives à l'efficacité
énergétiques ont permis de créer des emplois en France.
De même, les règles environnementales ont permis
des créer de nouveaux matériaux et surtout de nouveaux
marchés pour ces matériaux. Par exemple la vente d'isolants
naturels comme la laine de bois et la ouate de cellulose s'est beaucoup
développée.
Enfin, les règles environnementales en matière
d'architecture ont fait que certains architectes ont été
obligés de s'intéresser à ces techniques, ce qui a pu
créer une
161Témoignage de Christian Périnel, architecte :
Annexe 2
162Témoignage d'un architecte, diplômé de
l'École nationale d'architecture de Versailles : Annexe 3
83
émulation favorable aux innovations dans le domaine
environnemental, ce qui est positif de manière générale
pour l'architecture.
c) Des règles qui peuvent cependant être
perçues comme trop unilatérales
On peut reconnaître le caractère
nécessaire des règles en matière d'environnement, en ce
qu'il s'agit d'une cause d'intérêt national mais on peut aussi
avoir une approche qui consiste à penser qu'en matière
environnementale, l'État devrait inciter plutôt qu'imposer et
punir.
Christian Périnel déplore le fait que
l'évolution vers une architecture respectueuse de l'environnement soit
imposée aux architectes. Pour celui-ci, en effet, il faudrait que cela
se fasse sur la base du volontariat : volontariat des architectes, des
entreprises de construction et des clients. Autrement dit, il faudrait que les
règles incitent à l'architecture environnementale plutôt
que d'imposer ce tournant par des règles techniques.
Cependant l'architecte reconnaît qu'aujourd'hui encore
seuls les enjeux financiers sont vraiment incitatifs :
« Aujourd'hui on est encore très loin du
compte et les enjeux financiers restent la seule arme pour
convaincre... bien innocent celui qui pense que le civisme
est un moteur important. »163
Mais comme on l'a montré, de nombreuses mesures
incitatives existent déjà sous forme d'aides publiques et de
déductions d'impôts pour les entreprises de construction,
lesquelles représentent autant d'argent en moins dans les caisses de
l'État.
|