§2) La mise en oeuvre des objectifs environnementaux
en matière de construction dans le droit de l'urbanisme
français
Les objectifs environnementaux liés au bâtiment
et donc à l'architecture se traduisent dans le droit de l'urbanisme par
des obligations dont la grande majorité apparaissent avec les lois de
Grenelle. Il ne faut cependant pas penser que les Lois de Grenelle
créent de toutes pièce le fait que les enjeux environnementaux
sont pris en compte dans l'architecture en France. Comme on l'a dit,
l'architecture environnementale date de la fin des années 60 : les
architectes français n'ont donc pas attendu 2010 pour concevoir ce type
d'architecture. En outre, la première réglementation thermique
relative aux bâtiments date de 1974, c'est à dire un an
après le premier choc pétrolier. Néanmoins, les Lois de
Grenelle viennent systématiser et renforcer considérablement les
règles environnementales pour les bâtiments et donc
l'architecture.
On ne présentera pas ici les règles d'urbanisme
liées à la protection des espaces naturels, des paysages et de la
biodiversité qui peuvent empêcher toute construction car il s'agit
des mêmes règles que l'on a présenté comme des
outils de protection de l'esthétique dans la partie 1 du
mémoire.136
Il s'agit dans ce paragraphe de montrer en quoi le droit de
l'urbanisme été modifié par les lois de Grenelle pour
intégrer des objectifs liés à la protection de
l'environnement dans le secteur du bâtiment : on présentera donc
les nouvelles règles d'efficacité énergétique pour
les bâtiments, la modification des documents d'urbanisme et enfin
l'obligation nouvelle pour certaines constructions de réaliser une
étude d'impact environnemental préalable.
1) Les règles d'efficacité
énergétique issues des lois de Grenelle
a) Les règles pour les bâtiments existants
136Voir Partie 1, Titre 1, Chapitre 1) La protection des
paysages et des milieux naturels
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Dans un premier temps, présentons donc les objectifs
à atteindre fixés par la loi de Grenelle II concernant les
bâtiments existants.
Au total, il s'agit de réduire les consommations
d'énergie du parc de bâtiments existants d'au moins 38%.
Pour cela, il s'agit de rénover complètement 400
000 logements privés à partir de 2013 et d'engager la
rénovation énergétique de tous les bâtiments de
l'État et de ses établissements publics. En outre, les
collectivités territoriales sont engagées à faire de
même pour leurs propres locaux. Il s'agit enfin de rénover
l'ensemble des 800 000 logements sociaux en commençant par les 200 000
les plus énergivores d'ici 2020.137
En outre la Loi Grenelle II pose le principe d'une
dérogation générale aux documents d'urbanisme en faveur
des travaux qui ont pour but l'amélioration des performance
énergétiques des bâtiments.138 Cependant les
limites, fixées par décret et figurant dans le Code de
l'urbanisme sont nombreuses.139 Le but de ces limites posées
au principe général est de lutter contre une opposition entre
esthétique et architecture environnementale qui engendrerait la
multiplication des contentieux. L'idée est en effet que « Le
problème de l'écoconstruction est principalement d'ordre paysager
». 140
b) Les règles pour les bâtiments neufs
Quant aux objectifs pour les bâtiments neufs, ceux-ci
apparaissent dans les réglementations thermiques (RT). La
dernière en date est la RT 2012. Il s'agit de passer au
label BBC (Bâtiment basse consommation) à compter de fin 2012 pour
les bâtiments privés , ce qui était déjà le
cas depuis 2010 pour les bâtiments publics et les logements sociaux des
programme ANRU.141
Le label BBC est un label officiel créé en
France et qui signifie Bâtiment de basse consommation
énergétique. Ce label a été créé
par l'arrêté du 3 mai 2007 relatif au
137Loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour
l'environnement (Grenelle II)
138Article L.111-6-2 du Code de l'urbanisme
139Les limites figurent dans l'Article L.111-6-2 du Code de
l'urbanisme
140JEZOUGO, Yves (Sous la direction de) : Le Grenelle II
commenté, éditions Le moniteur. Paris, 2011 : p.13 141Agence
nationale pour la rénovation urbaine, établissement public
placé sous la tutelle du Ministère chargé de la
politique de la ville, c'est à dire actuellement le
Ministère des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des
sports
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contenu et aux conditions d'attribution du label haute
performance énergétique aux bâtiments neufs.
Il est également prévu par la RT 2012 un passage
au bâtiment à énergie positive pour tous les
bâtiments à partir de 2020. Cette dénomination reste vague
et ne correspond pour l'instant à aucun label officiel :
« Ces bâtiments dont la définition reste
à préciser seront très sobre en énergie et devront
produire plus d'énergie renouvelable qu'ils n'en consomment.
»142
c) Les incitations à la rénovation des
bâtiments pour accroître les performances
énergétiques
Concernant l'efficacité énergétique des
bâtiments, les Lois de Grenelle n'intègrent pas au droit de
l'urbanisme que des règles coercitives mais aussi des règles
incitatives. Ces dernières visent à inciter les professionnels du
bâtiment à se tourner vers l'architecture environnementale. Cela
fait partie du Plan bâtiment durable qui est un engagement
national pour l'efficacité énergétique. Les incitations
sont de plusieurs ordre : des déductions fiscales, des aides publiques,
des facilités d'emprunts et des formations.143
Concernant les incitations fiscales tout d'abord, la
Réglementation thermique 2012, prolonge le crédit
d'impôt développement durable jusqu'en 2015. Il s'agit d'une
déduction d'impôts pour les entreprises de construction qui
utilisent des matériaux dits durables.
Un autre type d'incitation est d'ordre bancaire avec la
création des éco-prêts à taux zéro
qui concernent ces mêmes entreprises.
Enfin, le dispositif FeeBat (Formation aux
économies d'énergie dans le bâtiment), prolongé
jusqu'en 2017, consiste à proposer des formations aux
professionnels de la construction dans le domaine de la construction durable.
Ces formations délivrent des
« certificats d'économie d'énergie
» (CEE) et sont construites sous
l'égide d'établissement publics sous tutelle de l'État
telles que l'ADEME, de services l'État comme la DGEC (Directions
générale de l'énergie et du climat) ou encore des
142DE GRAMONT, Claire : op. Cit. p.92
143«Rénovations thermique. Eco-conditionalité
: un premier pas vers l'efficacité », Environnement Magazine, Mars
2014, n° 1725
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organisations de la profession du bâtiment comme l'ATEE,
l'association technique, énergie et environnement.144
Le but est d'arriver à terme à une «
éco-conditionalité des aides publiques »145,
c'est à dire à ce que seules les entreprises de travaux
titulaires d'une qualification RGE, Reconnu garant de l'environnement
puissent bénéficier des dispositifs d'incitation.
En outre la Loi ALUR du 26 Mars 2014 prévoit une
déduction d'impôt à hauteur de 18% du prix des travaux pour
les propriétaires pour mettre un logement aux normes thermiques ou pour
l'achat d'un logement répondant à ces normes.146
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