§2) La prise en compte des enjeux environnementaux en
architecture : un phénomène international
A la fin des années 1960 va démarrer ce qu'on
pourrait qualifier de révolution environnementale dans l'architecture et
qui va se positionner en rupture avec l'architecture industrielle de masse
telle qu'elle a été pratiquée au cours de la la
première moitié du XXe siècle, à une époque
à laquelle il s'agissait surtout de loger une population en
expansion.
Il s'agira dans ce paragraphe de présenter les
différentes facettes de ce qu'on peut appeler l'architecture
environnementale, écologique, verte ou encore
durable et qui désigne, quelque soit le terme utilisé,
une architecture soucieuse des enjeux environnementaux. Par soucis de
clarté, et parce que ces termes sont synonymes, on se tiendra ici
à l'expression architecture environnementale.
La difficulté réside dans le fait que
l'architecture environnementale n'est ni un type de bâtiment ni un style
défini et que les technologies ne cessent d'évoluer et de
s'ajouter les unes aux autres. Il ne s'agit donc pas de donner une liste
exhaustive de tous les types d'architecture environnementale mais de s'efforcer
d'en présenter les enjeux principaux en donnant à chaque fois des
exemples concrets.
1) Une architecture économe en énergie
dans son fonctionnement
Tout d'abord, la prise de conscience de la
nécessité d'économiser les ressources
énergétiques, mise en avant par les conférences
internationales sur l'environnement et accentuée par les crises
pétrolières des années 1973 et 1979, va donner naissance
à de nombreuses recherches architecturales dans le domaine de
l'économie d'énergie. Le bâtiment est en effet un secteur
qui consomme beaucoup d'énergie à toutes les étapes :
production et transport des matériaux, construction, chauffage et
entretien du bâtiment et enfin démolition du bâtiment et
destruction ou recyclage des matériaux. Les architectes qui se pressent
en première ligne dans ce nouveau type d'architecture sont les
architectes high-tech des années 1970, c'est à dire ceux qui
avaient les méthodes de production les
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plus coûteuses en terme d'énergie. Il s'agit donc
à présent de présenter des exemples de techniques qui
permettent d'économiser de l'énergie dans le fonctionnement du
bâtiment.
a) La technologie au service de l'environnement
Pour commencer, présentons quelques exemples d'une
architecture environnementale qui est basée sur l'utilisation d'une
technologie de plus en plus sophistiquée.
Tout d'abord on peut évoquer le recours aux
énergies renouvelables qui permet de limiter la
consommation des bâtiments en énergie non-renouvelables. Dans les
années 1960-1970, aux États-Unis, se développent de
manière importante les technologies liées aux énergies
renouvelables et en particulier l'énergie solaire. Cela est dû
à des incitations fiscales et s'inscrit dans la politique du
Président Nixon qu'on a évoqué dans le paragraphe
précédent. L'un des architectes emblématiques de cette
époque est Edouard Marzia, avec son livre The passiv solar energy
book.
Lorsqu'on utilise le rayonnement solaire pour chauffer un
fluide qui transporte ensuite la chaleur vers un utilisateur, on parle de
chauffage solaire actif et le chauffage solaire est dit passif lorsque le
rayonnement solaire réchauffe directement les locaux soit par absorption
dans l'enveloppe du bâtiment, soit en pénétrant par les
fenêtres.
Les autres énergies renouvelables utilisées en
architecture sont l'éolien, la géothermie, la biomasse et en
particulier le bois. Le problème est cependant le coût des
équipements, leur durée de vie réduite qui oblige a leur
remplacement au bout d'une dizaine d'année et le fait que par exemple,
les panneaux solaires fabriqués actuellement ne sont pas
recyclables.112
Comme autre exemple de technologie au service de
l'économie d'énergie, on peut évoquer les technologies qui
se développent actuellement et qui permettent d'automatiser les
bâtiments. On parle de « gestion active de
l'efficacité énergétique ». Par exemple les
luminaires peuvent s'adapter automatiquement à la lumière
naturelle des pièces et ainsi baisser ou augmenter en intensité.
Un autre exemple encore : il existe un
112BARRE, Bertrand : Atlas des énergies : quels choix pour
quels développement, éditions Autrement, 2007, Chapitre « Le
énergies renouvelables : quel potentiel ? »
65
système de portique que l'on peut installer à
l'entrée des bureaux et qui permet de reconnaître chaque
salarié afin de ne chauffer le bureau de ce dernier que lorsqu'il est
dans l'enceinte de l'entreprise. Ce genre de technologies peut permettre de
faire des économies significatives, quand on sait que l'éclairage
représente 27% de la consommation d'un bâtiment, derrière
l'éclairage et les équipements spéciaux.
L'inconvénient est cependant le coût énergétique de
la fabrication de ce type de technologie ainsi que le coût
énergétique de fonctionnement. « L'instrumentalisation a
aussi un coût technologique » et il convient donc de l'utiliser
à bon escient et pas de manière
généralisée.113
b) L'adaptation de l'architecture au climat
Il s'agit ici d'une vision tout à fait
différente de l'architecture environnementale. C'est une architecture
qui est économe en énergie car elle sait tirer partie des
conditions climatiques dans lesquelles elle s'insère.
Bien avant qu'on parle d'architecture environnementale,
l'architecte français Le Corbusier avait eu, dès les
années 1920, l'intuition de ce type d'architecture. Le Corbusier a
notamment conçu des bâtiments en Inde et a su adapter son
architecture au climat de ce pays avec de larges fenêtres pour profiter
de la chaleur et de l'éclairage que donne le soleil mais aussi des
parts-soleil pour l'ombre et l'utilisation des courants d'air pour la
ventilation naturelle, comme en témoigne le bâtiment du
secrétariat de la ville de Chandigarh qu'il a conçu en 1953.
L'architecte égyptien Hassan Fatti va également
dans ce sens dans un retour à d'anciennes techniques de ventilation
naturelle. Mais ce cas, la recherche dans le domaine environnementale
était teintée de nationalisme : il s'agissait de
développer une architecture différente de l'architecture
moderniste imposée par le colonisateur Anglais.
114
Il s'agit de s'adapter au climat autrement dit d'isoler dans
les espaces où c'est le froid qui pose le plus de problème et de
privilégier plutôt une ventilation naturelle dans
113« Bâtiment : efficacité active, mode
d'emploi » : Environnement & Énergie Magazine n°17, Mars
2014 114STEELE, James : op. Cit Chapitre 7 « Hassan Fathy : la
renaissance d'anciennes techniques »
66
les endroits où c'est la chaleur d'été
qui est l'enjeu principal.115 Par ventilation naturelle on peut
entendre des systèmes naturels de circulation de l'air dans la
pièce mais aussi le réflexe simple d'ouvrir la fenêtre
plutôt que de faire appel à la climatisation.116
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