1) Un composante du cadre de travail des
architectes
Quoique puissent dire les architectes quant au
caractère excessivement contraignant du droit de l'urbanisme, ennemi de
la créativité, un architecte ne conçoit jamais un projet
à partir de rien. Il s'agit toujours, en effet, de concevoir un projet
qui a vocation à s'intégrer dans un contexte spatial, ainsi que
le déclare Noëlle Vix-Charpentier :
« J'ai beaucoup de confrères qui n'aiment pas
les règlements parce que cela bride la liberté d'expression ; moi
je considère que quand on est architecte on travaille toujours dans un
contexte : il n'y
a jamais de terrain vierge et même si le terrain est
vierge il y a toujours un environnement. »88
Dans cette optique, les contraintes réglementaires
seraient donc une contrainte parmi d'autres, auxquelles les architectes doivent
se plier pour concevoir un projet.
87 Article L.630-1 du Code du patrimoine
88Entretien avec Noëlle Vix-Charpentier,
architecte-urbaniste : Annexe 1
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Plus encore, Noëlle Vix-Charpentier perçoit une
certaine évolution dans la considération qu'ont les architectes
du droit de l'urbanisme.
« je crois que l'évolution avec les nouvelles
générations est qu'on est en train d'évacuer cette
idée de l'architecte artiste qui fait ce qu'il veut.».
Les nouvelles générations d'architectes,
formées de manière encore très faible au droit de
l'urbanisme, semblent cependant être davantage formées que leur
aînés au projet urbain dans une idée de
complémentarité entre les architectes (maîtrise d'oeuvre)
et les maîtres d'ouvrage. Cela se vérifie lorsqu'on observe le
déroulement des études à l'École d'architecture de
Versailles.89 On pourrait donc dire que le droit de l'urbanisme
apparaît comme une composante du cadre dans lequel les architectes
conçoivent leurs projets.
2) L'urbanisme de projet : quand le projet crée
la contrainte
Cette idée du projet urbain qui mettrait l'architecte
et le maître d'ouvrage dans une relation de coopération autour
d'un projet se retrouve par ailleurs dans le droit de l'urbanisme
lui-même. On parle du développement d'un urbanisme de projet dans
lequel l'architecte est d'avantage consulté dans l'élaboration
même du projet.
Comme on l'a évoqué en introduction, cette
évolution est amorcée avec la Loi SRU de 2000,
relative à la solidarité et au renouvellement urbain qui
opère une « une
ambitieuse réforme de l'ensemble du système
»90 La loi SRU tente en effet d'inciter les communes
à mettre au point des Schéma de cohérence territoriale
(SCOT) « afin d'aller
vers une gestion intégrée de l'urbanisme
vers le développement durable »91 : les documents
d'urbanisme doivent devenir non plus seulement des plans d'affectation des sols
mais des véritables projets de développement urbain prenant en
compte les enjeux de restructuration de l'existant, le développement
économique, le développement des moyens de transport, les
problèmes sociaux et les préoccupations environnementales.
La Loi SRU est à l'origine de l'urbanisme de projet car
elle change profondément les documents d'urbanisme et plus exactement la
procédure qui mènent à leur
89 Site internet de l'École d'architecture de
Versailles
90 MORRAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.8
91 Idem.
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élaboration. En effet, les architectes et urbanistes
qui vont concevoir les projets urbains sont consultés
préalablement à l'élaboration des documents d'urbanisme
:
« la Loi SRU a modifié profondément les
documents d'urbanisme et en particulier le POS. (Plan d'occupation des sols)
Avant le POS était un outil de gestion : c'était non pas le
projet des architectes-
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urbanistes mais le projet des élus. »
On peut donc dire que dans le cadre du SCOT, c'est le projet
urbain qui crée la règle d'urbanisme, auquel les architectes sont
associés. Cela renforce donc cette idée du droit de l'urbanisme
comme un cadre de travail de l'architecte plutôt qu'un obstacle à
sa créativité.
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