Chapitre 2) Le droit de l'urbanisme : une contrainte
nécessaire, un outil de travail, voire un moteur de l'innovation
architecturale
§1) La nécessité des règles
d'urbanisme
1) Pour un développement harmonieux des
villes
En nombre excessif, en perpétuelle évolution,
dans un rapport de rejet par rapport à l'innovation architecturale, les
règles d'urbanisme et en particulier en celles touchant à
l'esthétique sont copieusement critiquées.
Cependant, on doit tout de même reconnaître la
nécessité de ces règles et pour cela il semble utile de
définir à nouveau les notions d'urbanisme et de droit de
l'urbanisme.
Urbanisme : « Ensemble des
mesures techniques, administratives économiques et sociales qui
doivent
permettre un développement harmonieux, rationnel et
humain des agglomérations »83
Droit de l'urbanisme : «
Idéalement le droit de l'urbanisme est un droit de l'harmonie et de la
conciliation entre ces diverses exigences : sociale : droit au
logement, diversité de l'habitat, qualité de vie,
esthétisme , économique, protection de l'environnement, de
l'esthétisme , de la qualité de vie imposant des limites à
l'aménagement »84
Le droit de l'urbanisme joue donc un rôle important dans
le devenir des villes. Par sa rigueur, il permet de veiller au
développement ordonné des villes dans une certaine harmonie.
Comme le déclare un jeune architecte, diplômé de
l'École d'architecture de Versailles, dans les pays dans lesquels il
n'existe pas de droit de l'urbanisme, cela pose un certain nombre de
problèmes :
« pour conserver une harmonie urbaine, il est
important d'avoir des règles qui cadrent l'acte de construire. Lorsque
ce n'est pas le cas comme à Dubaï, on se retrouve avec un tissu
urbain assez disparate et mal équilibré. »85
Ce n'est d'ailleurs pas une coïncidence si le droit de
l'urbanisme se développe en France à la fin du XIXe
siècle, ce qui correspond à une phase d'urbanisation très
importante lors de laquelle la population des villes française a
considérablement
83 Dictionnaire Larousse, 2012
84 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.1
85 Entretien : Annexe 3
49
augmenté sous les effets de ce qu'on appelle «
l'exode rural ». C'est une époque où les bidonvilles par
exemple prennent des proportions considérables. Il s'agit justement, par
la création d'un droit contraignant, d'éviter que les villes
françaises se développent de manière trop
désordonnée.
2) La nécessité de protéger les
sites et le patrimoine architectural
Le droit de l'urbanisme tire donc son origine d'une
volonté de contrôler le développement des villes. D'autre
part, le droit de l'urbanisme peut être critiqué comme un droit
qui aboutit à une sacralisation des sites et du patrimoine architectural
au détriment de l'innovation architecturale. Cependant, pour excessive
que cette protection puisse parfois sembler, on ne peut pas nier son
caractère nécessaire.
Concernant le patrimoine architectural pour
commencer, il faut rappeler que les premières lois relatives à sa
protection furent votées dans un contexte de destruction du patrimoine
architectural et de dispersion des oeuvres d'art. On peut songer à cette
tribune de Victor Hugo paru dans La revue deux mondes en 1932 dans
lequel l'écrivain s'émeut de la destruction qui est à
oeuvre à son époque et prie les décideurs politiques de
faire quelque chose, une loi, propose-t-il, pour arrêter cela :
« Il faut arrêter le marteau qui mutile la face
du pays. Une loi suffirait. Qu'on la fasse. Quels que soient les droits de la
propriété, la destruction d'un édifice historique et
monumental ne doit pas être permise à d'ignobles
spéculateurs que leur intérêt imbécile aveugle sur
leur honneur ; misérables hommes, et si imbéciles qu'ils ne
comprennent pas qu'ils sont des barbares ! Il y a deux choses dans un
édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au
propriétaire, sa beauté à tout le monde, à vous,
à moi, à
nous tous. Donc, le détruire, c'est dépasser
son droit. » Victor Hugo86
Concernant, les sites à
présent, leur protection arrive plus tardivement et consiste à
faire de certains paysages particuliers un patrimoine à protéger.
Pour les paysages naturels, il s'agit principalement de lutter contre
l'étalement urbain qui pourrait gâcher la beauté des lieux.
Et pour les paysages urbains, il s'agit d'éviter que les nouvelles
constructions viennent rompre de manière brutale avec les autres
constructions. Par exemple, les documents locaux d'urbanisme comme le PLU
peuvent obliger les constructeurs à utiliser une certaine sorte de
tuiles, à ne pas dépasser une certaine hauteur
86 « Guerre aux démolisseurs", Revue des deux mondes,
1er mars 1832
50
ou encore à ne pas utiliser de couleurs extravagantes
pour les façades. Le but est de préserver
l'homogénéité des sites.
Il convient ici de rappeler la définition d'un site
classé telles qu'elle figure dans le Code du patrimoine :
« monuments naturels ou sites dont la
préservation ou la conservation présente, au point de vue
artistique, historique, scientifique, légendaire, ou pittoresque un
intérêt général. »87
La protection consiste donc à préserver le
caractère particulier des sites, leur singularité. Il peut donc
sembler contradictoire qu'un architecte comme Rudy Ricciotti par exemple,
apparemment attaché à la singularité des villes
françaises, rejette le droit de l'urbanisme qui vise justement à
préserver cette singularité.
Les règles esthétiques du droit de l'urbanisme,
qui peuvent s'avérer excessives et trop nombreuses dans certains cas,
ont cependant un caractère nécessaire pour le
développement harmonieux des villes mais aussi pour la
préservation du patrimoine architectural et la protection de la
singularité des paysages français, urbain ou rural.
§2) Le droit de l'urbanisme : un cadre de travail
pour les architectes
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