Comme nous venons de le voir, les différents
régimes de sécurité sociale couvrent les travailleurs du
secteur structuré, communément appelé secteur formel.
Ceux-ci perçoivent un salaire à base duquel on
calcule les cotisations sociales.
Quant aux travailleurs du secteur informel qui constituent
pourtant les 90% de la population active, ils n'appartiennent à aucun
régime. Ils sont purement et simplement délaissés pour
compte.
Nous devons reconnaître toutefois que des recherches
avancées ont été faites par les instances
habilitées tant au niveau national qu'international.
Le BIT a financé beaucoup d'enquêtes et
d'études de cas dont la plus complète est celle dirigée et
écrite par Wouter Van Ginneken dans son livre intitulé :
« Sécurité Sociale pour
majorité exclue. Etudes de cas dans les pays en
développement ».
Pour le cas du Rwanda, le même BIT a entamé une
phase de reconnaissance de la structure du secteur informel et de son
éventuelle affiliation à la Caisse Sociale du Rwanda.
Dans son introduction à un article ci-haut cité
de Monsieur François Xavier Ngarambe, il est écrit ce qui
suit :
Dans le but de participer significativement au
développement du pays en contribuant à lutter contre les
inégalités sociales, à promouvoir la croissance de
l'économie, la création d'emplois et la réduction de la
pauvreté, la CSR a adopté une politique contenue dans son plan
stratégique 2002.-2004. Et dont les éléments clés
sont :
1° une réforme approfondie du régime de
« pensions » et risques professionnels actuellement
gérés. Cette réforme est destinée à garantir
la viabilité et l'équilibre financier de long terme de ces
régimes, tout en améliorant la qualité des prestations.
2° une extension de la couverture sociale à tous
les travailleurs assujettis et non couverts et aux travailleurs du
secteur informel,
3° l'initiation de la création d'une branche
« soins de santé » destinée à couvrir
les travailleurs du secteur privé, ceux du secteur
informel, ainsi que les retraités,
4° la mise sur pied des mécanismes innovateurs
et dynamiques destinés à maximiser la rentabilité
économique et sociale des réserves, notamment la création
d'un marché financier au sein duquel la Caisse Sociale du Rwanda
jouerait un rôle majeur ;
Ce marché se caractériserait par des
mécanismes qui pallient les blocages du système bancaire actuel,
lequel ne dispose que des ressources de court terme et est incapable de
financer de façon satisfaisante les projets de long terme.
A la lumière de ce qui précède, on
remarque que la volonté de la Caisse Sociale du Rwanda de s'investir
dans l'affiliation des travailleurs du secteur informel est réelle. Elle
est en passe d'être traduite dans les faits puisque contenue dans son
plan d'action 2002-2004.
Il reste maintenant d'en définir les modalités
d'application et le type de sécurité sociale que la Caisse
Sociale du Rwanda veut offrir aux travailleurs dudit secteur.
En collaboration avec le BIT, la Caisse Sociale du Rwanda a
visité quelques coopératives cibles pour avoir une idée de
leur fonctionnement. Les coopératives visitées sont les
suivantes :
- ADARWA
- KORA
- COOPAR
- ATRACO
- COOPTHE MULINDI
- COOPTHE VM
- COODAF
- CONFIGI
A l'issue de ces visites, les recommandations suivantes ont
été formulées :
1° Constituer au niveau de la Caisse Sociale du Rwanda
une équipe de réflexion pour l'extension au secteur informel en
ce qui concerne les pensions ;
2° Constituer et actualiser le fichier des associations
et coopératives (noms et adresses des coopératives ...) ;
3° Constituer un point focal de discussions avec les
coopératives ciblées pour l'extension de la couverture
sociale.
4° Organiser des ateliers de définition des
stratégies ;
5° Adapter les textes aux spécificités du
milieu ;.
6° Définir une politique pertinente d'appui
à ces coopératives par le biais de la formation en collaboration
avec le BIT ;
7° Mûrir l'idée de la création d'un
fonds de garantie par la Caisse Sociale du Rwanda en faveur du secteur
informel ;
8° Etudier sérieusement la création d'une
branche pour les soins de santé qui intègre plus facilement la
priorité des gens du secteur informel compte tenu des outils de gestion
utilisés par le BIT pour la mise en place, le suivi, le contrôle
des mutuelles et des centres de santé.
Nous souscrivons à ces recommandations et ajoutons que
la Caisse Sociale du Rwanda doit mener une campagne de sensibilisation à
la hauteur de ses ambitions. Une campagne de sensibilisation menée avec
doigté permettra à la Caisse Sociale du Rwanda d'être
suffisamment et correctement connue. Cette campagne peut se faire de plusieurs
façons :
- Organiser régulièrement des séminaires
à l `endroit des meneurs d'hommes (syndicalistes, religieux, maires
des districts, employeurs, directeurs des écoles...) ;
- Organiser des journées portes ouvertes ;
- Engager des professionnels de la communication ;
- Travailler étroitement avec les journalistes pour
une publicité toujours mieux soignée ;
- Développer un partenariat
« intéressé » avec des personnes influentes
dans leurs milieux, qui seraient chargées d'encadrer les travailleurs
dans le domaine de la sécurité sociale sous la supervision des
agents de liaison de la CSR. ;
- Affecter des personnes ressources auprès des
associations et des coopératives déjà inventoriées
afin qu'ils facilitent certaines formalités administratives en
matière d'affiliation ;
Ces personnes percevraient des commissions et seraient
évaluées par les agents de liaison.
La Caisse Sociale du Rwanda devrait mener des actions
concertées avec les différents Ministères qui travaillent
étroitement avec la population. Il s'agit des Ministères
suivants :
- Le Ministère de l'Administration Locale, de
l'Information et des Affaires Sociales ;
- Le Ministère du Commerce, de l'Industrie, de la
Promotion des Investissements, du Tourisme et des Coopératives ;
- Le Ministère de la Jeunesse, de la Culture et des
Sports ;
- Le Ministère du Genre et de la Promotion
Féminine ;
- Le Ministère de la Fonction Publique, de la
Formation Professionnelle, des Métiers et du Travail ;
- Le Ministre de la Santé.
Il reste maintenant de savoir quel type d'assurance sociale
apporter à ces différents groupes de travailleurs une fois
localisés, mobilisés, et regroupés dans de
différentes coopératives ou associations. Il est évident
que pour un souci de justice sociale, les citoyens d'un pays devraient jouir
d'une même sécurité sociale.
Cela dit, « aucun pays n'irait prétendre que
son système de sécurité sociale soit complet et
achevé. » comme l'a fait remarqué fort justement
Monsieur Imbaga Boussa, lors d'une conférence internationale de
recherche en sécurité sociale « an
2000 »54(*)
Interrogés au sujet du type de sécurité
sociale auquel ils voudraient être couverts, les menuisiers de Gakinjiro
ont répondu à 80% qu'ils souscriraient volontiers à la
couverture scolaire de leurs enfants.
Nous pensons que ces souhaits devraient être
nuancés car comme nous l'avons constaté, les menuisiers de
Gakinjiro ne savent pas ce que c'est que la Caisse Sociale du Rwanda. Nous
sommes certains qu'ils répondraient autrement après une
sensibilisation sur le mode d'affiliation, les taux de cotisations, les
montants et les différentes formes de prestations à servir
etc...
Ils sont du reste sous l'influence des compagnies d'assurance
qui ont commencé à les approcher et à leur parler de
souscrire à une assurance relative à la scolarité de leurs
enfants et cela a créé une confusion quant à la mission de
la Caisse Sociale du Rwanda comparée à celle des compagnies
d'assurance.
De ce fait nous sommes d'avis que la Caisse Sociale du Rwanda
doit s'investir davantage dans la sensibilisation des travailleurs du secteur
informel qui en a grandement besoin.
La démarche de la Caisse Sociale du Rwanda serait la
suivante à notre avis :
1° Mener une campagne de sensibilisation tous azimuts
pour se faire connaître par les travailleurs et leurs employeurs ;
2° Effectuer un recensement exhaustif de toutes les
associations et coopératives oeuvrant au Rwanda ;
3° Planifier avec le BIT une formation appropriée
en matière de gestion des entreprises ;
4° Créer un fonds de garantie pour permettre
à ces associations et coopératives l'accès au
crédit pour financer leur micro réalisation à court, moyen
et long terme ;
5° Souscrire à une assurance pour couvrir ce fonds
de garantie dans le cas où telle coopérative ou telle association
venait à faire faillite ;
6° Faire affilier obligatoirement les membres de ces
associations aux mêmes régimes auquel adhèrent les
travailleurs du secteur formel ;
7° Encourager financièrement la création de
nouvelles coopératives et de nouvelles associations et leur assurer un
appui logistique financier et une formation appropriée et
régulière en collaboration avec le B.I.