Stratégie de dissémination de l'information juridique sur le foncier rural. Cas de la phase du projet sécurisation foncière du MCA-BF.( Télécharger le fichier original )par Gaoussou NABALOUM Université de Ouagadougou - Département communication et journalisme - Maà®trise en sciences et techniques de l'information et de la communication, Option Communication pour le développement 2014 |
CHAPITRE 4 : ANALYSES, LEÇONS DE L'EXPERIENCE ET PROPOSITIONS POUR LA MISE EN OEUVRE D'ACTIONS DE COMMUNICATION SUR LE FONCIERI. ANALYSE CRITIQUE ET PROPOSITIONS DE DÉMARCHES DE MISE EN oeUVRE D'ACTIVITÉS DE COMMUNICATION SUR LE FONCIERDans la phase 1du projet, les activités de communication visaient les résultats suivants : - des acteurs stratégiques ruraux mieux informés sur la loi 034-2009 portant régime foncier rural, la gestion participative de l'utilisation de terres et la gestion des conflits fonciers ; - la mise en place d'un dispositif de remontée de l'information sur le foncier du niveau villageois au niveau national ; - des formateurs de disséminateurs villageois et des disséminateurs villageois qui se positionnent en relais d'information au niveau villageois et communal ; - un réseau d'acteurs pour la pérennisation du processus. 1. DESCRIPTIF DU PROCESSUS DE DISSÉMINATION ET DE SES RÉSULTATSLors de la phase 1 du PSF/MCA-BF, la dissémination s'est faite sur la base d'un dispositif à trois niveaux (national, communal et villageois), afin d'assurer une proximité maximale entre informés et informateurs et de démultiplier les sources d'informations d'un niveau à un autre. Au total, ont été formés et impliqués : - 1613 Disséminateurs Villageois (au nombre de trois maximum par village). Ce sont des responsables CVD, des chefs coutumiers, des conseillers, des responsables d'OP ou des femmes impliquées dans les organisations villageoises... Ils sont responsables de l'organisation des causeries-débats (et de la gestion de la liste de présence), de l'information des villageois à la demande, et de rendre compte de l'évolution des connaissances et débats, dans leur localité, sur la loi. - 224 Formateurs de Disséminateurs Villageois. Les FDV sont des techniciens de développement formés à cet effet, les animateurs de Tetra Tech ARD (au nombre de 25) ou les agents de communication des services fonciers ruraux (SFR, un par commune). Les FDV sont chargés d'assurer l'animation des causeries-débats, de former les Disséminateurs Villageois du projet, de rédiger les rapports de causerie-débatsuite à chaque animation, de rendre compte de leurs impressions de terrains, de participer à la production de modules radiophoniques. Au niveau national, les experts du MCA-BF, de Tetra Tech ARD et des entités de mise en oeuvre veillent à actualiser les données et les modules de communication sur la loi 034-2009 portant régime foncier rural, produire de nouveaux contenus, les diffuser, suivre et évaluer les résultats du projet. 2. ANALYSE CRITIQUE ET PROPOSITIONS DE DÉMARCHESLors de la phase 1 du Projet Sécurisation Foncière, les DV ont été très souvent confinés dans un rôle de mobilisation des acteurs stratégiques pour la tenue des causeries débats. Avec des compétences hétérogènes en termes de capacités d'animation, les DV se sont retrouvés hors du processus de dissémination une fois les causeries-débatsterminées. Par faute de moyens financiers et d'approches adaptées, peu d'entre eux ont développé des initiatives complémentaires afin d'assurer la continuité de l'information sur le foncier au niveau de leurs localités. Si le dispositif à trois niveaux semble adapté pour une information en cascades, il convient de faire remarquer que les activités de communication ont cessé dès lors que les ressources n'étaient plus disponibles pour assurer l'organisation de causeries-débatsaprès la phase de dissémination. Dans l'avenir, on peut imaginer de maintenir les DV, mais en revoyant le profil de ces acteurs. Lors de la phase 1 du projet, la sélection des DV s'est faite sur la base des conseillers municipaux, des membres CVD, des femmes et des jeunes. Le projet a donc tenté de créer ses propres relais de communication sur le terrain nonobstant l'existant. En effet, dans les villages plusieurs acteurs jouent déjà le rôle de relais d'information même s'il s'agit souvent de thématiques différentes du foncier. A titre d'exemples, les agents des services techniques ont très souvent recours à des relais pour l'atteinte de leurs missions. Quand le technicien d'élevage veut rencontrer les éleveurs, il passe par les vaccinateurs villageois qui sont issus de la communauté et qui peuvent toucher facilement le public cible visé. De même, quand les radios veulent organiser une émission de jeu public, elle recourt aux sociétés d'auditeurs, aux clubs d'auditeurs qui sont basés dans les villages et qui disposent de compétences en animation. Ces relais locaux de communication peuvent être mobilisés en tant que disséminateurs villageois pour assurer de façon continue l'information sur le foncier. Bien connus dans leurs milieux respectifs, ce choix permettrait de légitimer le message et de faciliter ainsi son appropriation tout en s'inscrivant dans une approche pérenne. Lors de la phase 1 du projet, les FDV ont été fortement impliqués dans le renforcement des capacités des disséminateurs villageois. Au-delà, ils ont assuré l'animation des causeries-débatsau niveau villageois, rédigé les rapports de tenue de ces causeries et fourni des informations pour alimenter la base de données de la dissémination. Si leur importance dans la mise en oeuvre du processus est indéniable, il convient de mentionner qu'ils ne sont pas faciles à mobiliser. Il a très souvent été question d'argent, de réévaluation du taux de prise en charge - certains FDV tentant même de prendre en otage certaines formations si le taux de prise en charge n'était pas revu à leur convenance. Ce qu'on pourrait appeler la « perdiemite 54(*)» des agents des services techniques peut constituer un point de blocage dans la pérennisation des activités. Pour contourner ce problème, il serait indiqué de développer un plaidoyer en direction des ministères en charge du foncier. Ce plaidoyer permettrait d'inscrire le foncier dans la lettre de mission des agents des services techniques. Cela permettrait de pouvoir mener les activités de gouvernance et de gestion foncière sans que les agents considèrent qu'il s'agit d'un projet dont il faut tirer profit au maximum. Le foncier ferait donc partie de leurs missions quotidiennes et ils renseigneraient ainsi une base de données qui permettrait d'apprécier la situation en milieu rural. Si ce pré requis est obtenu, le projet pourrait profiter de l'occasion des rencontres mensuelles ou trimestrielles des directions provinciales des services techniques pour former les agents aux questions essentielles en matière de foncier. Ensuite, il faut travailler à rendre opérationnel la stratégie de formation des directions provinciales et s'accorder sur une stratégie de diffusion et de suivi des activités sur le foncier. Cette approche permettrait de gagner en temps, en efficacité et surtout de s'inscrire dans une approche de pérennisation des actions. Une autre approche pourrait consister à impliquer fortement les agents des services fonciers ruraux dans l'élaboration, la mise en oeuvre et le suivi des activités de communication sur le foncier. En tant qu'agent de la fonction publique territoriale, il est de leur devoir de faciliter la mise en oeuvre des activités sur le foncier dans les communes. L'avantage, c'est qu'ils sont recrutés par les communes pour la mise en oeuvre de la gouvernance et la gestion foncière au niveau rural. Si leurs capacités sont renforcées convenablement et qu'ils disposent des outils nécessaires, leur responsabilisation permettra d'assurer des résultats probants. q Les outils d'aide à l'animation Afin d'assurer une mise en oeuvre efficace de la causerie-débatau niveau villageois, deux outils d'aide à l'animation ont été produits à travers un processus participatif. La version définitive du calendrier à thème a non seulement été utilisée lors des sessions de formation des formateurs de disséminateurs villageois, mais surtout lors de la phase de dissémination à grande échelle dans plus de 500 villages des 17 communes d'intervention du projet. Utilisée seul ou en association avec la pièce de théâtre filmé, le calendrier a permis d'informer les populations rurales sur les messages clefs de la loi 034-2009 portant régime foncier rural. Utilisé généralement avant la projection du théâtre filmé, il permet de passer en revue les messages essentiels sur la loi 034-2009 portant régime foncier rural et de concentrer le débat sur l'essentiel. Cet outil a été autant apprécié que le film et il constitue un bon support d'introduction au débat sur la loi. Il nécessite moins d'équipements pour diffuser des informations et il est dans ce sens une bonne alternative en cas de défaillance matérielle ou de panne d'électricité. Certains FDV ont d'ailleurs fait d'emblée le choix de n'utiliser que le calendrier à thème, avec lequel ils se sentaient plus à l'aise dans l'animation des causeries-débats. A Bama, les agents SFR ont aussi expérimenté l'animation de causeries-débatsà l'aide du calendrier à thème. Il ressort que le calendrier à thème est un outil efficace de communication car il donne l'essentiel à savoir sur la loi. Des paysans témoignent avoir mieux appréhendé le contenu de la loi grâce à la présentation du calendrier à thème. On peut noter également une bonne complémentarité entre le théâtre filmé et le calendrier à thème en matière de diffusion de messages. Cependant, si le calendrier à thème constitue un bon outil d'information sur les innovations de la loi sur le foncier au Burkina, il convient de faire remarquer qu'il reste dans des généralités et ne permet pas aux producteurs ruraux de connaître la démarche d'obtention de l'APFR, les coûts, délais et procédures d'immatriculation foncière en milieu rural. Il est donc important de revoir son contenu pour permettre de donner des informations pratiques aux producteurs : qu'est-ce que l'APFR ? Comment l'obtenir ? Quelles procédures respecter ? Qu'est-ce que les instances de gestion du foncier ou de résolution des conflits fonciers ? Dans quels cas recourir à ces services ? Comment le faire ?, etc. Il faudrait donc changer le format du calendrier à thème qui par nature est périssable (dès que l'année concernée est écoulée, les gens accordent peu d'importance à l'outil) pour évoluer vers une série d'affiches éducatives au format A3 pour servir d'outil d'animation sur les documents légaux et les instances de sécurisation foncière. La pièce de théâtre filmée sert d'outil d'information sur la loi 034/2009 portant régime foncier rural et la gestion des conflits ainsi que de support pour initier des débats, lors des causeries-débats. Elle fait connaître les dispositions de la nouvelle loi sur le foncier rural à travers la mise en scène d'une situation de conflit. A l'issue des projections lors des causeries-débats dans les villages, les observations suivantes peuvent être faites : - la pièce de théâtre filmée a rencontré un succès quasi-unanime dans les villages. Les animateurs soulignent son caractère instructif et drôle, qui permet de maintenir le spectateur attentif et alerte tout au long de la projection ; - certains passages ont particulièrement marqué les participants : il s'agit notamment de la présentation de la loi 034/2009 et de ses dispositions par le technicien agricole. Il s'agit aussi de la résolution du conflit opposant Pierre à l'agrobusiness-woman. Le fait que le problème ait été résolu entre villageois, par l'implication des coutumiers, a séduit les participants, qui se reconnaissent dans cette manière de gérer les conflits fonciers ; - la vente illicite de la parcelle familiale par Pierre a été vivement désapprouvée par les participants d'une majorité de causeries-débats et a suscité des débats animés dans bon nombre de villages ; - enfin, des séquences de la pièce ont particulièrement amusé les participants. Il s'agit de l'intervention du père de Pierre (qui maudit le terrain acheté), de la séquence où le Peulh se plaint de n'avoir aucun passage pour ses animaux ou encore de l'interprétation du bulldozer par les acteurs, lorsque l'agrobusiness-woman s'approprie la parcelle familiale. Au-delà de ces constats, certaines améliorations peuvent être apportées à la pièce de théâtre. Ainsi, le monologue du principal fautif dans la pièce qui a vendu des parcelles et dont un paysan avait souhaité qu'il soit foudroyé, doit être revu, car les spectateurs ne trouvent pas la scène suffisamment forte pour illustrer le repentir. Un éleveur s'est aussi étonné de ne pas voir un seul brin d'herbe dans la pièce de théâtre, qui porte pourtant sur le foncier rural. On peut aussi se poser des questions sur le caractère distractif de la pièce de théâtre. Pendant les causeries débats, dans certains villages, la diffusion de la pièce de théâtre a constitué un moment de distraction pour les habitants. Les scènes de comédie ont dans certains cas pris le dessus sur les informations essentielles sur la loi sur le foncier. A la fin de la diffusion du théâtre filmé, les animateurs ont souvent eu du mal à retenir la population pendant une durée suffisante pour conduire des débats sur la loi 034-2009 portant régime foncier rural et les changements qu'elle apporte. Peut-être faudrait-il revoir le contenu de la pièce de théâtre en mettant l'accent sur les messages essentiels à retenir tout en habillant cela sous une forme captivante. Cela voudrait dire qu'il faudrait revoir la durée de la pièce (environ une heure) pour évoluer vers un format court (13 ou 26 minutes maximum). Une telle approche permettrait de consacrer plus de temps aux discussions et d'insister sur les informations pratiques en direction des producteurs ruraux. Ces messages peuvent porter sur les documents légaux de sécurisation (ce que c'est et comment les obtenir) et les instances de gestion du foncier et de résolution des conflits (services fonciers ruraux, commission foncière villageoise, commission de conciliation foncière villageoise). Somme toute, les causeries-débatsen présentant un film et des affiches en langue locale, mettent en scène des situations auxquelles les villageois peuvent facilement s'identifier. La proximité entre modules de communication et populations induite par l'usage des langues favorise leur intérêt aux outils et les messages qu'ils contiennent. Les populations s'identifient aux situations et personnages mis en scène dans la pièce de théâtre. L'association calendrier à thème au théâtre filmé optimise la réussite des causeries débats. Sirima Ardiouma, le FDV point focal de Bama témoigne : « Je me rends compte que les gens arrivent parfois à mieux suivre la loi et ses différentes étapes avec le calendrier que le film. Avec le film, c'est la vente de terres qui accroche, tandis qu'avec le calendrier, les messages passent mieux. Même si cela passe bien avec le film, les gens veulent surtout savoir comment l'affaire va trouver un dénouement. A la fin, il faut les ramener aux messages qu'on veut faire passer sur la loi. Avec le calendrier par contre, les gens retiennent les messages essentiels et posent des questions sur les différents aspects de la loi. Et puis, les calendriers, ils les ont avec eux, or pour projeter le film, il faut un équipement. Mais en définitive, il s'agit d'outils complémentaires ». * 54Néologisme issu de la boulimie de certains acteurs en ce qui ce concerne la mise à disposition de per diem |
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