Section 1.Transposition des normes environnementales
Internationales
L'application d'un traité par un Etat dépend
avant tout de sa ratification, sa transposition et l'efficacité du
contrôle juridictionnel mise en place. En Afrique, la ratification des
conventions est une démarche de longue haleine. De nombreux
traités et conventions traînent à entrer en vigueur faute
de ratification suffisante. La Convention de Bamako de 1991 n'est entrée
en vigueur que le 22 avril 1998 soit sept ans après sa signature alors
que dix ratifications seulement étaient requises. Vingt-deux Etats
seulement sur 53 l'on ratifiée. La convention d'Alger, entrée en
vigueur en 1969, ne comptait au moment de sa révision que 30 parties. Le
Protocole à la Charte africaine des droits de l'Homme et des Peuples
signé à Ouagadougou en juin 1998 n'est
35 Hélène ORBAN, « La
réception du droit international aux Etats-Unis, en France et Belgique :
Etude comparative, Université de Liège, 2007, p1.
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entré en vigueur que le 25 janvier 2004. 23 Etats l'on
ratifié. Près de quatre ans après sa signature, la
convention de Maputo ne compte que sept des quinze ratifications requises par
l'article XXXVIII pour son entrée en vigueur. Atteindre cet objectif,
d'après le constat d'Ali Mekouar,36 sera d'autant plus
difficile que le texte révisé n'a pas formellement
été signé à Maputo faute pour les Etats d'avoir
convoqué une conférence diplomatique à cet effet.
D'où la pertinence de sa proposition en faveur d'une démarche
rapide en vue de la signature de cette convention, suivie d'une intensification
de « la campagne de ratification visant à susciter un vaste
mouvement d'adhésion de la part des Etats africains ».
Un des traits les plus marquants des instruments juridiques
internationaux relatifs à la protection de l'environnement est leur
caractère rarement auto-exécutoire, dont la conséquence
est la difficulté pour les tribunaux d'en sanctionner la violation
lorsqu'ils sont mal transposés. Intégrées dans l'ordre
juridique africain, puis national, les normes du droit international de
l'environnement doivent être appliquées à
l'intérieur des Etats. Les juridictions nationales sont censées
jouer un rôle capital qui n'en est qu'à ses balbutiements en
Afrique, pour des raisons plus politiques et économiques que juridiques.
La protection de l'environnement fait figure de parent pauvre des
procédures judicaires dans la plupart des Etats africains comme la
République Démocratiques du Congo.
Il est donc important de créer les conditions
juridiques et législatives qui permettront au droit interne
d'intégrer les obligations internationales auxquelles l'Etat a souscrit.
Ces obligations découlent de normes mais aussi de grands principes qui
fondent les règles du droit international de
l'environnement.37
Si le respect des prescriptions nationales appartient aux
Etats, le souci de la mise en oeuvre du droit international implique
qu'à leur tour les Etats soient soumis à des contrôles et
vérifications. Les « trois fonctions d'injonction, de
contrôle et de sanction » que l'Etat doit assumer pour mettre en
oeuvre une convention internationale doivent être elles-mêmes
sanctionnées puisque l'Etat lui-même peut-être sujet
à des défaillances dans ces trois cas.
La question du contrôle international est
particulièrement délicate.
36 A.M.Mekouar, Le texte révisé de
la convention sur la conservation de la nature et des ressources naturelles :
petite histoire d'une grande rénovation, Études juridiques
de la FAO en ligne, Avril 2006.
37 L.Granier ,V. Zakane ,S.Nguiffo ,R. N. SIME et all.
« Aspects contemporains du droit de l'environnement en Afrique de
l'ouest et centrale », L'intégration et l'harmonisation des
normes de droit international de l'environnement dans le droit
africain,UICN,Droit et politique de l'environnement n 69,2008 pp. 162
- 164
38
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Les Etats sont, en effet, « jaloux de leur
souveraineté38 » et n'apprécient guère
l'intervention de tiers. Par ailleurs, l'organisation de contrôles
internationaux peut vite se révéler fort coûteuse, pour une
efficacité pas toujours garantie.
La sanction des manquements constitue également un
sujet complexe concernant aussi bien la réparation que la
répression. Concernant une personne privée, il importe que la
victime du dommage puisse disposer de voies de droit efficaces, ce qui laisse
un rôle primordial à cet égard aux Etats. La
réparation des manquements d'un Etat obéit quant à elle
aux règles générales de la responsabilité
internationale, qui n'offrent pas toujours des procédures
suffisantes.
En France, l'article 55 de la Constitution française,
établit que les traités sont intégrés dans l'ordre
interne du simple fait de leur régulière ratification ou
approbation et de leur publication au journal officiel. En outre, pour certains
traités, l'article 53 rend nécessaire une loi préalable
à la ratification ou l'approbation. Il revient aux juges de
vérifier les conditions cumulatives de l'article 55. Le contrôle
par les juges administratifs et judiciaires de l'existence matérielle de
la publication et de sa régularité est acquis depuis longtemps.
Par contre, en ce qui concerne la procédure de conclusion des
traités, l'examen par les juges se limitait, jusqu'il y a peu, à
l'existence de celle-ci.
En 2001, la chambre civile de la Cour de cassation s'aligne
sur une jurisprudence enclenchée par le Conseil d'Etat quelques
années plus tôt ; celle-ci affirme qu'il appartient au juge de
vérifier également sa régularité. Il convient
également de préciser qu'un grand rôle est confié au
Conseil Constitutionnel. L'article 54 prévoit son éventuelle
intervention préalable pour contrôler, notamment, les conditions
d'applicabilité des traités.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel consacre, sur base de
l'article 55 in fine, une réserve de réciprocité
et celle-ci atténue le caractère internationaliste de la France.
Cette condition stipule qu'un traité n'est pas applicable dans l'ordre
juridique interne si l'autre partie ne l'exécute pas. Les juges se
refusent de contrôler cette exigence, mais les réactions sont
différentes. Alors que la chambre civile de la Cour de Cassation
considère qu'il y a une présomption de réciprocité
quand le gouvernement s'abstient de dénoncer une convention ou de
suspendre son application, sa chambre criminelle et le Conseil d'Etat renvoient
systématiquement l'appréciation de cette condition au Ministre
des affaires étrangères. Cette dernière méthode est
condamnée par la Cour
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de Strasbourg en ce que s'en remettre automatiquement à
l'avis du ministre sans le soumettre à la critique ou à un
débat contradictoire viole l'article de la Cour Européenne des
Droits de l'Homme (CEDH)39.
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