CONCLUSION GÉNÉRALE
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La sanction pénale en droit de l'environnement est une
notion dont les contours restent difficiles à cerner tant en droit
camerounais qu'en droit français. Certes, les législateurs
camerounais et français se sont attelés à
réglementer et à instaurer un cadre juridique de protection de
l'environnement mais il en demeure que celui-ci laisse un goût
d'inachevé.
Au regard des développements et des analyses faites
dans ce travail, il ressort que la sanction pénale en droit de
l'environnement est une notion qui préoccupe tous les partenaires
sociaux ainsi que la communauté internationale des Etats dans son
ensemble. Comme nous l'avons dit plus haut les problèmes
environnementaux préoccupent tous les Etats quelle que soit leur forme,
leur régime politique ou leur situation géographique. Pour
assurer la protection de l'environnement, la promotion du développement
durable, la mise sur pied d'un régime plus répressif
s'avère être une urgence ».
Dans la première partie de notre travail, il
était question pour nous de présenter la sanction pénale
comme étant un concept partagé par les droits camerounais et
français. Pour y parvenir, nous avons dans un premier temps ressortir la
problématique de l'autonomie du droit pénal de l'environnement
car il est clair que l'on ne saurait parler de sanction pénale sans
mettre en exergue le problème de son autonomie. Sur ce point, il est
apparu que le droit pénal de l'environnement est une discipline nouvelle
qui tire ses origines de plusieurs disciplines à savoir le droit
pénal, le droit de l'environnement et cet état de chose rend
difficile son acceptation comme une discipline autonome. Sur ce point deux
thèses s'affrontent à savoir la thèse positiviste pour qui
le droit pénal de l'environnement serait une discipline autonome car
elle a un objet et une méthode qui lui sont propres et la thèse
négativiste qui veut que le droit pénal de l'environnement soit
une discipline « accessoire au droit de l'environnement régissant
les sanctions pénales qui donnent force à ses prescriptions
»107. Pour trancher le débat, nous avons estimé
qu'il serait plus méthodique d'opter en faveur d'une thèse
intermédiaire qui intègre à la fois les
éléments de la thèse positiviste et ceux de la
thèse négativiste ce qui permettrait de clore ce débat
houleux. L'accroissement de la criminalité environnementale a
pratiquement forcé le Cameroun et la France à s'armer d'un droit
de l'environnement qui était à l'origine inoffensif vers un droit
désormais offensif. La sanction pénale permet donc au droit de
l'environnement de retrouver toute sa vitalité. En droit camerounais,
tout comme en droit français, la quasi-totalité des textes
règlementant une branche du droit de l'environnement comportent des
dispositions pénales ce qui permet au droit pénal de
l'environnement de s'enrichir.
107 J-H Robert et M. Rémon GOUILOUD, Droit Pénal de
l'environnement, MASSON, 1983, N°4.
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Dans la seconde partie de notre travail, il était
question de ressortir la spécificité du régime juridique
de la sanction pénale en droit camerounais par rapport au droit
français. Nous avons constaté que le législateur
camerounais a prévu un régime hybride de la sanction
pénale en distinguant celui des personnes physiques et celui des
personnes morales. Le régime de sanction des personnes physiques se
caractérise par une rigueur dissuasive tandis que celui des personnes
morales se caractérise par une souplesse mesurée certainement
à cause des impératifs de développement. Cependant, ce
régime juridique souffre de nombreuses insuffisances dans sa mise en
oeuvre car celle-ci se heurte au manque de spécialisation des juges
camerounais droit de l'environnement ainsi qu'au laxisme des autorités
compétentes en matière de constatation des infractions. En outre,
la transaction au lieu de contribuer à la baisse de la
délinquance environnementale constitue plutôt un facteur
d'augmentation des atteintes à l'environnement au point de se demander
si la transaction a encore sa place en droit de l'environnement compte tenu du
fait qu'elle vient plutôt ajouter de l'huile au feu.
Quant au droit français, le régime juridique de
la sanction pénale en droit de l'environnement se montre beaucoup mieux
étoffé car ici on note un grossissement du quantum de la sanction
pénale des personnes morales et une automatisation des peines
complémentaires car le montant de l'amende va jusqu'à cinq fois
le montant de celle encourue par les personnes physiques. Toutefois, la
sanction pénale souffre de nombreux maux en droit pénal de
l'environnement français car la problématique de la restitution
intégrale demeure et la complexité des textes entraîne une
accessibilité difficile. Face à ceci, l'on attend toujours que le
parlement français adopte le rapport NEYRET qui viendrait faciliter un
certain nombre de choses et améliorerait à coup sur le "climat
environnemental" français.
La sanction pénale est d'une utilité pratique
pour tout Etat qui veut améliorer son cadre juridique de protection de
l'environnement. C'est une mesure qui permet d'assurer un confort raisonnable
aux populations et une préservation durable des
écosystèmes. Dans les PVD comme le Cameroun, on a assisté
à de nombreuses tragédies qu'on aurait pu éviter si un
certain nombre de dispositions avaient été prises. A titre
d'exemple, on peut citer la catastrophe de NSAM qui s'est produite le 14
février 1998, grand incendie qui a semé la terreur dans la ville
de Yaoundé capitale du Cameroun avec un bilan de 250 morts, 500
blessés et plusieurs déplacés
environnementaux108, résultat d'un incivisme des entreprises
qui
108 J.J. POUMO LEUMBE, Catastrophes et droits de l'homme au
Cameroun, rapport des enquêtes de terrain CRIDEAU / OMIJ, 30 Juillet
2012.P.7
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sont plus préoccupées à réaliser
des bénéfices sans tenir compte des risques qu'une simple
négligence peut causer. L'Etat camerounais s'était battu à
réparer les préjudices subies par les populations mais celles-ci
n'ont jamais été satisfaites car dans un pays où la
réparation est considérée comme étant une «
faveur »109 l'on a tendance à tolérer tout. Dans
le bilan dressé par les autorités compétentes, on n'a
noté aucune condamnation au pénal, ce qui est tout à fait
ahurissant.
La sanction pénale est une solution indispensable au
renforcement de l'efficacité du droit de l'environnement et son
intégration effective que ce soit en droit camerounais ou en droit
français ne peut se faire que par la prise en compte des faiblesses qui
ont été relevées dans les développements
précédents, étant donné que la problématique
de la responsabilité pénale en droit de l'environnement demeure
une préoccupation constante.
Fort de ceci, une question lancinante apparaît : la
sanction pénale est-elle la seule solution pour lutter efficacement
contre les atteintes à l'environnement ?
A cette question, nous répondons par la négative
car depuis peu, on assiste à l'émergence de plusieurs types de
mesures impulsées par la Convention-Cadre sur les changements
climatiques et le protocole de Kyoto et ratifiées par les gouvernements
camerounais et français, dans le but de prévenir la
dégradation de l'environnement. Au rang de ces mesures nous pouvons
citer :
? Le financement des programmes de sensibilisation,
d'éducation et d'échanges d'expériences sur
l'environnement conduits par les associations et ONG environnementales. Au
Cameroun par exemple, l'article 75 de loi cadre de 1996, relative à la
gestion de l'environnement stipule que toute opération contribuant
à enrayer l'érosion, à combattre efficacement la
désertification, ou toute opération de boisement ou de
reboisement, toute opération contribuant à promouvoir
l'utilisation rationnelle des ressources renouvelables, notamment dans les
zones de savane et la partie septentrionale du pays bénéficie
d'un appui du Fonds prévu par ladite loi. En France, l'article 13-III de
la loi N° 2009/967 du 3 Août 2009 de programmation relative à
la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement dite Grenelle 1 dispose qu'en
matière des transports un programme estimé par les
collectivités locales à 18 millions d'euros d'investissements. A
titre illustratif, le gouvernement a prévu un
109 J. J. POUMO LEUMBE, op.cit. p.7.
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financement à concurrence de 2,5 milliards d'euros aux
projets obéissant aux objectifs de désenclavement des
quartiers.
? L'adoption de mesures incitatives accordées aux
promoteurs de projets faisant la promotion de technologies propres visant le
développement d'une économie verte, moins émettrice de gaz
à effet de serre. A titre d'exemple, l'article 76 de la loi cadre
relative à la gestion de l'environnement au Cameroun stipule que «
les entreprises industrielles qui importent des équipements leur
permettant d'éliminer dans leur processus de fabrication ou dans leurs
produits les gaz à effet de serre notamment le gaz carbonique, le
chloro-fluoro-carbone, ou de réduire toute forme de pollution
bénéficient d'une réduction du tarif douanier sur ces
équipements dans les proportions et une durée
déterminés, en tant que de besoin, par la loi de Finances. Cet
article stipule en outre que les personnes physiques ou morales qui
entreprennent des actions de promotion de l'environnement
bénéficient d'une déduction sur le bénéfice
imposable suivant des modalités fixées par la loi de Finances. En
France, l'article 18 paragraphe 2 de la loi grenelle précitée,
l'Etat s'engage à favoriser le développement des énergies
renouvelables par la mise en place des mécanismes incitatifs pour
favoriser la conception et la fabrication des produits et de
procédés permettant de réduire les consommations
d'énergie et de produire des énergies renouvelables notamment par
les PME.
? La création de taxes spéciales retenues comme
un moyen pouvant permettre l'assainissement du milieu environnemental par
l'encouragement des comportements plus respectueux de l'environnement. Au
Cameroun comme en France, on assiste de plus en plus à l'adoption de
mesures fiscales à titre d'exemple, on peut citer les la taxe
générale sur les activités polluantes (TGAP) et les
marchés de permis en France. Au Cameroun, la fiscalité
environnementale se fait également ressentir en matière
pétrolière et gazière. C'est le cas de la taxe
spéciale sur les produits pétroliers instituée par la loi
des finances 1984/1985 et la taxe sur le chiffre d'affaires devenue taxe sur la
valeur ajoutée.
Pour clore notre étude, nous pouvons affirmer que la
sanction pénale est nécessaire
pour réprimer les atteintes à l'environnement,
mais les législateurs ont bien raison de développer des mesures
incitatives visant à prévenir les atteintes à
l'environnement car le dicton : « prévenir vaut mieux que
guérir » est très adapté à tout ce qui
concerne l'environnement, un bien d'intérêt général,
dont les dégâts qu'il subit sont parfois irréversibles et
peuvent entraîner la destruction partielle ou totale de nos
écosystèmes.
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