B/ Les difficultés de mise en oeuvre du
mécanisme de renvoi préjudiciel au sein de la CEMAC.
Le renvoi préjudiciel peut se présenter comme
« la possibilité ou l'obligation de saisir la cour de justice
communautaire, d'une demande en interprétation des traités et des
actes pris par les institutions de la communauté
»387. Comme indiqué plus haut, elle se fonde sur
l`idée de coopération entre juridictions nationales et
communautaire et ne « comporte ni hiérarchie abrupte au profit
de la juridiction communautaire, ni mécanisme imposant un alignement
automatique des jurisprudences nationales »388. En droit
communautaire CEMAC, le constat est surprenant : on a enregistré un
recours préjudiciel depuis la création de la cour de justice de
la CEMAC389. Cela interpelle et soulève le problème
des difficultés liées à la mise en oeuvre du renvoi
préjudiciel au sein de la CEMAC. Et ces difficultés peuvent se
résumer en général au niveau de l`Etat membre en deux
volets à savoir : les insuffisances du contrôle par l`Etat et les
organes communautaires de l`intégration CEMAC au sein de la
communauté (1) et également la confusion par les
protagonistes des procédures judiciaires nationales et celles du
contentieux communautaire (2).
1) Les insuffisances du contrôle exercé
par les Etats et les organes communautaires.
En général, le contrôle de
l`interprétation et de l`application du droit communautaire est de la
responsabilité autant des Etats membres que des organes de la
communauté. La mise en oeuvre du droit communautaire met en jeu les
particuliers, les organes communautaires et les Etats membres. La juridiction
communautaire intervient, lorsque le litige soulève une question
préjudicielle. La remarque d`une défaillance est faite au niveau
des entités chargées de contrôler l`applicabilité et
l`interprétation du droit communautaire. L`insuffisance du
contrôle des institutions communautaires est perceptible dans la mesure
où ce sont ses institutions qui sont en premier responsables de la bonne
applicabilité du droit communautaire, ceci indépendamment des
Etats membres. Ce contrôle met en exergue premièrement de l`action
des institutions communautaires, il s`agit généralement du
contrôle de la légalité des actes que certaines
institutions communautaires conçoivent. Car ces actes doivent
l`être selon les dispositions du traité constitutif de la CEMAC.
Et ce contrôle de légalité peut être initié
par les Etats membres et les organes
387 TCHUINTE (J), « L'effectivité du droit
communautaire en Afrique centrale », op cit, p 413.
388 POT VIN-SOLIS (L), « Le concept de dialogue entre les
juges en Europe », in le dialogue entre les juges européens et
nationaux, incantation ou réalité ? Bruxelles, Bruyant,
2004, p34.
389 Voir l`affaire Ecole inter-états des douanes c/
Djeukam Michel, jugée le 25 novembre 2010.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 137
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
communautaires seuls justiciables à même de
contester la validité des actes en question390. Ce
contentieux montre véritablement les limites de l`action des citoyens
sur ce plan et demeure très limité en droit communautaire CEMAC.
Car les organes tels que la commission n`ont par exemple jamais saisi la cour
pour un recours en annulation. C`est le cas également de l`action en
manquement des Etats membres qui sont en défaillance dans l`application
du droit communautaire. Pourtant ce sont premièrement les organes
communautaires qui doivent mettre en oeuvre la procédure en manquement
des Etats membres et deuxièmement les Etats membres. « D'une
manière générale, les Etats rechignent souvent à
l'idée d'engager des poursuites les uns contre les autres et la
commission CEMAC n'a jamais critiqué de façon officielle l'action
d'un Etat membre »391. Généralement la cour
a été saisie par des personnes de droit privé. Cette
carence montre comment il est vain de compter sur l`action des Etats membres et
des organes de la communauté pour assurer l`effectivité du droit
communautaire. Comme si les Etats membres toléraient entre eux les
infractions au droit communautaire CEMAC. Le contrôle de
l`applicabilité du droit communautaire ne peut reposer que sur les
citoyens ou bien les particuliers.
2) La familiarisation des acteurs au contentieux
communautaire aux procédures judiciaires nationales.
Généralement le citoyen reste mal informé
de l`activité communautaire, de plus il est très peu enclin
à la procédure communautaire. Il privilégie les
procédures qui lui sont familières à savoir le recours
à la diplomatie, c`est à dire que les usagers
préfèrent les arrangements à l`amiable pour
résoudre des différends qui peuvent intervenir, ceux qui sont
sous le prisme du droit communautaire. Mis à part le justiciable, il
faut également mettre en exergue les avocats dont la connaissance des
questions communautaires est limité. De plus il n`y a pas au
préalable une formation proprement dite des rouages du métier
c`est-à-dire qu`il n`existe pas véritablement une école
nationale de formation des avocats. Qui renforcera plus des stages, un apport
considérable en connaissance particulière du droit, à
l`instar du droit et des procédures communautaires. Surtout que
l`application du droit communautaire implique une connaissance d`un très
grand nombre de matières juridiques. Le constat est décevant au
niveau de la cour de justice de la CEMAC, l`ignorance des procédures
communautaire est flagrante. C`est la raison pour laquelle la majorité
des requêtes transmises au greffe de la cour sont irrecevables, pour non
respect de la procédure. Le frein au mécanisme de renvoi
390 Voir l`article 14 de la convention régissant la cour
de justice de la CEMAC.
391 Voir TCHUINTE (J), « L'application effective du
droit communautaire en Afrique Centrale », op cit, p 417.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 138
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préjudiciel est aussi l`oeuvre des magistrats. Pourtant
le rôle du juge national est central dans la diffusion du droit
communautaire dans l`Etat. Les juges nationaux préfèrent le plus
souvent régler les litiges ayant un rapport avec le droit communautaire
en se référant au droit interne. De plus ils considèrent
le plus souvent les règles de droit communautaire comme celle de droit
international classique. La mise en oeuvre du renvoi préjudiciel
étant conditionnée à la connaissance préalable de
la distinction de la règle de droit communautaire en question.
Le parlement communautaire et les parlements nationaux ne
partagent pas dans les faits des relations particulières ce qui rend la
conciliation entre ces deux institutions difficile.
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