SECTION 2 : L'EVALUATION DES RAPPORTS ENTRE LES
INSTITUTIONS
SYMETRIQUE COMMUNAUTAIRE ET ETATIQUE.
Le constat est qu`il existe des institutions nationales que
l`on retrouve également au niveau communautaire. Cela attire notre
attention parce qu`il pourrait se poser plus tard un problème de
coordination entre d`une part les parlements nationaux et le parlement
communautaire, et d`autre part la cour de justice de la CEMAC et les
juridictions nationales. Nous entendons montrer dans cette section les rapports
qu`entretiendraient ces institutions entre elles. En mettant en évidence
dans la relation cour de justice de la CEMAC et les juridictions nationales des
rapports de collaboration (Paragraphe I). Cela n`est pas le
cas entre le parlement communautaire et les parlements nationaux dont les
prérogatives divergentes permettent de conclure à des rapports
peu conciliants (paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LES RAPPORTS DE COOPERATION ENTRE LA COUR
DE
JUSTICE DE LA CEMAC ET LES JURIDICTIONS NATIONALES.
Créée par le traité CEMAC de 1994
révisé en 2008 et en 2009, la cour de justice de la CEMAC est
régie par la convention de 2009. « La cour de justice veille au
respect du droit quant à l'interprétation et à
l'application du traité de la CEMAC et des textes subséquents
»379. Elle partage ainsi avec les juridictions nationales
cette compétence. Pour éviter des éventuels conflits de
compétences entre la cour de justice de la CEMAC et les juridictions
nationales, la procédure de renvoi préjudiciel a
été développée en droit communautaire
(A) pour harmoniser les rapports entre Ces deux institutions.
Cependant persistent des difficultés dans sa mise en oeuvre au sein du
système CEMAC (B).
379 Voir l`article 2 de la convention régissant la cour de
justice de la CEMAC.
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A/ La présentation du mécanisme du
renvoi préjudiciel en droit de la CEMAC.
La procédure dont l`importance n`est plus à
démontrer au sein droit communautaire européen380,
permet autant que cela soit possible, à harmoniser ce droit. Le renvoi
préjudiciel a seulement certaines fonctions bien précises, et
concerne des organes spécifiques (1). Mais aussi et
surtout certaines normes de droit communautaire, et suit une procédure
d`examen liée aux questions préjudicielles
(2).
1) Les fonctions du renvoi préjudiciel et les
organes concernés.
Comme l`indique si bien le juge Georges TATY de la cour de
justice de la CEMAC, La procédure de renvoi préjudiciel en droit
communautaire consiste en ce qu`une juridiction nationale, qu'elle soit
judicaire, administrative ou financière, estimera qu'une question
soulevée à l'occasion d'un litige de sa compétence met en
cause l'interprétation d'une norme du traité ou d'un acte de
droit dérivé, elle pourra surseoir à statuer et renvoyer
la question à la chambre judiciaire381. La convention
régissant la cour de justice de la CEMAC stipule que « la
Chambre Judiciaire statue à titre préjudiciel sur
l'interprétation du Traité de la C.E.M.A.C. et des Textes
subséquents, sur la légalité et l'interprétation
des Statuts et des Actes des organes de la C.E.M.A.C., quand une juridiction
nationale ou un organisme à fonction juridictionnelle est appelé
à en connaître à l'occasion d'un litige
»382. Il faut dire que le mécanisme
évoqué par l`article 17 de la convention régissant la cour
de justice de la CEMAC soulève trois objectifs bien précis
à savoir : « assurer une interprétation et une
application uniforme du droit communautaire sur l'ensemble du territoire de la
Communauté ; ensuite faciliter l'intégration de ce droit dans les
systèmes juridiques nationaux et enfin assurer la protection des droits
des justiciables et garantir les libertés fondamentales
»383. La procédure de renvoi préjudiciel
dégage premièrement une fonction d`unification du droit
380 Initier par le protocole du 3 juin 1971 porte sur
l`interprétation par la cour de justice de la convention de Bruxelles de
1968 relative à la compétence judiciaire et l`exécution
des décisions de justice en matière civile et commerciale. Le
modèle de renvoi qu`il va initier sera repris par le système
judiciaire européen. Cité par TCHUINTE (J), «
L'application effective du droit communautaire en Afrique centrale
», op cit, p 412.
381 TATY (G), « La procédure de renvoi
préjudiciel en droit communautaire », revue de droit uniforme
africain/ actualité trimestrielle de droit et de jurisprudence,
N°004, 2011, pp 28-38, spec. p 29.
382 L`article 17 de la convention régissant la cour de
justice de la CEMAC stipule : « La Chambre Judiciaire statue à
titre préjudiciel sur l'interprétation du Traité de la
C.E.M.A.C. et des Textes subséquents, sur la légalité et
l'interprétation des Statuts et des Actes des organes de la C.E.M.A.C.,
quand une juridiction nationale ou un organisme à fonction
juridictionnelle est appelé à en connaître à
l'occasion d'un litige. En outre, chaque fois qu'une juridiction nationale ou
un organisme à fonction juridictionnelle saisi de questions de droit
ci-dessus doit statuer en dernier ressort, il est tenu de saisir
préalablement la Chambre Judiciaire. Cette saisine devient facultative
lorsque la juridiction nationale ou l'organisme à fonction
juridictionnelle doit statuer à charge d'appel ».
383 TATY (G), « La procédure de renvoi
préjudiciel en droit communautaire », op cit, p
29.
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communautaire, c`est-à-dire que dans le risque d`une
application ou d`une interprétation divergente du droit communautaire
dans les différentes juridictions nationales, et d`une aggravation de
cette divergence à cause des systèmes juridictionnels
différents « Ce qui pourra faire naître autant de droits
communautaires qu'il y a d'ordres juridictionnels nationaux
»384. Le renvoi préjudiciel permet une
uniformisation de l`application et de l`interprétation du droit
communautaire sur l`ensemble du territoire communautaire. C'est ce qu'exprime
R. Lecourt dans cette formule: « Il n'est pas de droit communautaire
sans une unité de jurisprudence »385.La question
préjudicielle le soulève deuxièmement une fonction
d'intégration du droit communautaire dans les systèmes juridiques
nationaux. En ce sens où, le véritable but de l`harmonisation et
de l`uniformisation du droit communautaire est principalement
l`intégration du droit communautaire dans les ordres juridiques internes
des Etats membres de la CEMAC. Il s`agit autrement dit d`un moyen efficace de
la communautarisation de l`Etat membre de la CEMAC. La troisième
fonction et l`une des plus importantes du renvoi préjudiciel est celle
qui assure la sauvegarde des droits des justiciables et des libertés
fondamentales. En effet, comme le droit européen, l`a illustré
dans de nombreux cas tirés de la jurisprudence européenne, la
question préjudicielle est préalablement posée devant la
juridiction nationale et elle permettra de savoir si le droit communautaire a
conféré aux justiciables des droits que le juge national est tenu
de reconnaître et de protéger. C`est ce qui fut fait dans la
célèbre affaire VAN GEND EN LOOS du 5 février
1963386.
Il faut dire que dans la procédure de renvoi
préjudiciel, seul les organes juridictionnels nationaux sont reconnus
comme pouvant soulever la question préjudicielle. Ainsi qu`elle soit
civile, pénale ou administrative, il s`agit des juridictions ayant le
pouvoir de juger. Toutefois l`article 17 de la convention régissant la
cour de justice de la CEMAC reconnaît également la qualité
à tout organe même s'il ne fait pas partie du système
judiciaire d'un Etat membre, pour renvoyer à la Chambre judiciaire une
question préjudicielle.
384 Voir MOLINIER (J) in « Droit du contentieux
européen », LGDJ, p 34.
385 Voir Gazette du palais, 1964, I, doctrine, pp 49-54.
Cité par TATY (G), « La procédure de renvoi
préjudiciel en droit communautaire », op cit, p
29.
386 Aff. 26/62, Rec. P 31. Dans lequel l`entreprise du
même nom avait introduit devant un tribunal des Pays Bas une action
dirigée contre l`administration des douanes néerlandaises au
motif que celle-ci avait perçu un droit de douane majoré à
l`importation en provenance de l`Allemagne. L'entreprise estimait qu'il y avait
là une violation de l'article 12 du traité CEE qui «
interdit aux Etats membres d'introduire de nouveaux droits de douane ou
d'augmenter ceux existants dans le marché commun ». La
juridiction néerlandaise a suspendu la procédure et saisi la Cour
de Justice de Luxembourg en lui demandant de clarifier la portée des
dispositions de l'article invoqué, en disant notamment si celles-ci
produisent des effets immédiats et engendrent des droits au profit des
particuliers que les juridictions nationales doivent sauvegarder. Les
gouvernements des Pays-Bas, de la Belgique et de l'Allemagne estimaient que
l'article 12 ne constitue pas une règle de droit directement applicable
dans les Etats membres. La cour a jugé dans son arrêt que
l'article 12 devait être interprété en ce sens qu'il
produit des effets immédiats et engendre des droits individuels que les
juridictions nationales doivent sauvegarder.
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Malheureusement cet article n`apporte pas plus
d`éclairage. Mais en ce qui concerne les organes ayant le pouvoir de
juger, la convention régissant la cour de justice de la CEMAC parle
premièrement, des juridictions des Etats membres qui statuent en
première instance c'est-à-dire les juridictions du premier
ressort. En ce qui les concerne, le recours préjudiciel est facultatif.
Dans la mesure où, il existe des juridictions de second degré et
des juridictions d`appel, ils ont également le choix de saisir pour
interprétation de la norme communautaire. Deuxièmement, nous
avons les juridictions des Etats membres qui statuent en dernier ressort,
dont le recours pour question préjudicielle est obligatoire en ce
sens ou l'article 17 précise que chaque fois qu'une juridiction
nationale doit statuer en dernier ressort sur une question relative à
l'interprétation ou la validité du droit communautaire
soulevée dans un litige qui lui est soumis, elle est tenue de saisir
préalablement la Chambre judiciaire. L`on peut donc penser que si la
juridiction inférieure interprète de façon discutable le
droit communautaire, sa décision sera frappée d'appel ou fera
l'objet d'un pourvoi devant la juridiction supérieure, laquelle sera
ainsi à même de renvoyer la question délicate à la
Chambre judiciaire. Quelle est donc la procédure du renvoi
préjudiciel ?
2) La procédure de renvoi préjudiciel en
droit communautaire CEMAC.
Cette procédure du renvoi préjudiciel permet,
comme signifié plus haut, aux juridictions nationales d'établir
un lien de coopération avec la Chambre judiciaire en mettant en oeuvre
la législation communautaire. Elle comporte trois phases : La
première se déroule devant le juge national saisi d'un litige
mettant en cause le droit communautaire. La deuxième se déroule
devant la Chambre judiciaire interrogée par le juge. - La
troisième se situe à nouveau devant le juge national qui, en
possession des réponses de la chambre aux questions qui leurs ont
été posées, reprend l'examen du litige en lui procurant
une solution. La procédure d`examen de questions préjudicielles
au niveau de la chambre judicaire est particulière. Le renvoi
préjudiciel concerne un certain nombre de norme de droit communautaire
à savoir : les normes de droit primaire c`est-à-dire le
traité révisé de la CEMAC, les différentes
conventions y afférentes. Il y a également les normes de droit
dérivé à l`exception des recommandations et des avis.
Parmi les normes susceptibles de soulever un renvoi préjudiciel, l'on
peut ajouter dans la liste les principes généraux du droit
communautaire constitués de règles non écrites comme les
principes de coopération, de solidarité, de légitime
confiance, et de proportionnalité. Toutefois le mécanisme de
renvoi préjudiciel au sein de la CEMAC trouve de nombreuses
difficultés de mise en oeuvre.
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