SECTION 2 : L'HYPOTHESE DE LA VIOLATION DE LA NORME
COMMUNAUTAIRE: LA RESPONSABILITE DE L'ETAT MEMBRE DE LA CEMAC.
Pris à la lettre, l`article 4 du traité
révisé CEMAC stipule que : « Les Etats membres apportent
leur concours à la réalisation des objectifs de la
Communauté en adoptant toutes mesures générales ou
particulières propres à assurer l'exécution des
obligations découlant du présent Traité. A cet effet, ils
s'abstiennent de prendre toute mesure susceptible de faire obstacle à
l'application du présent Traité et des Actes pris pour son
application. En cas de manquement par un Etat aux obligations qui lui incombent
en vertu du droit communautaire, la Cour de Justice peut être saisie en
vue de prononcer les sanctions dont le régime sera défini par des
textes spécifiques ». L`objectif de sécurité
juridique
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recherché par la CEMAC impose une structuration de la
sanction en cas de violation de la règle de droit communautaire par le
mécanisme de mise en oeuvre de la responsabilité de l`Etat membre
défaillant (paragraphe I). En vertu du principe
d`applicabilité immédiate et de l`effet direct du droit
communautaire de la CEMAC, les juges nationaux sont appelés à
connaitre des litiges ayant trait aux actes communautaire une fois que ceux
entrent effectivement en vigueur dans l`ordre juridique interne, sans attendre
une quelconque intervention de l`Etat, le juge national exerçant de ce
fait l`office du juge communautaire (paragraphe II).
PARAGRAPHE 1 : Les hypothèses de mise en oeuvre de
la responsabilité de l'Etat membre de la CEMAC.
Le droit de la CEMAC étant contraignant et
impératif selon les termes de l`article 44 du traité
CEMAC333 en vigueur, impose une obligation de respect de ce droit
par les Etats membres, du seul fait de leur appartenance à la
communauté et prévoit en cas de besoin de garantir la
sécurité juridique communautaire, un régime de sanction de
la violation du droit communautaire. Ce régime met en exergue, les
normes susceptibles d`entrainer la responsabilité de l`Etat membre
(A) et également les autorités potentiellement
à l` origine de la violation du droit communautaire
(B).
A/ Les normes communautaires susceptibles de mettre en
oeuvre la responsabilité de l'Etat membre de la CEMAC en cas de
violation.
Toute norme communautaire non respectée, pas
appliquée ou violé par des particuliers ou par un Etat, est
susceptible d`entrainer la responsabilité de celui qui est à
l`origine de cette entrave. Le droit communautaire ne met pas un accent
particulier sur une norme communautaire précise. Par conséquent,
autant la violation des dispositions du droit communautaire primaire et
dérivée (1) est sanctionnée par les
juridictions de droit commun, autant les principes inhérents à la
construction communautaire sont également protégés par les
juridictions (2).
333 L`article 44 du traité révisé de la
CEMAC stipule « Sous réserve des dispositions de l'article 43
du présent traité, les actes adoptés par les Institutions,
Organes et Institutions Spécialisées de la Communauté pour
la réalisation des objectifs du présent Traité sont
appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation
nationale contraire, antérieure ou postérieure »
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1) La violation des dispositions du droit
communautaire primaire et dérivé.
L`obligation de réparer les conséquences
dommageables d`une violation étatique du droit communautaire
découle directement du principe de primauté du droit
communautaire tel que stipulé par l`article 44 du traité CEMAC en
vigueur334. En effet l`exception de refuser la réparation
liée aux conséquences relatives à la violation du droit
communautaire n`est plus possible dans la mesure où la majorité
des Etats ont consacré dans leurs lois fondamentales le principe de
primauté en reconnaissant constitutionnellement le droit communautaire.
Une consécration qui impliqua immédiatement la primauté du
droit communautaire sur les réglementations et lois nationales. le
principe de primauté dont découle le droit à
réparation des violations étatiques du droit communautaire
s`applique non seulement lorsque la norme communautaire en cause est une
disposition des traités, mais aussi lorsqu`elle constitue un simple acte
de droit dérivé, qu`il s`agisse d`un règlement. Car
l`article 44 ne fait pas une distinction particulière sur la norme mise
en cause, elle parle d` « actes adoptés par les institutions,
organes et institutions spécialisés de la communauté
». Ceci revient à ne distinguer aucune norme de droit
communautaire lors de la violation. Il n`est en revanche pas exclu que le juge
de droit commun refuse d`engager la responsabilité de l`État au
titre de violation d`actes communautaires innommés ou «hors
nomenclature». Il s`agit en effet d`actes dont l`adoption n`est pas
expressément prévue par l`article 40 du traité
révisé CEMAC335. La question que l`on peut se poser
est de savoir si la responsabilité de l`Etat peut être
engagée pour la violation des dispositions communautaires comprises dans
la constitution nationale ou du fait de la violation des lois nationales de
l`intégration communautaire ? Si l`on s`inspire de la jurisprudence
européenne, la réponse en principe devrait être affirmative
« puisque le principe de primauté du droit communautaire, tel
qu'interprété par la Cour de justice[européenne], s'exerce
à l'encontre de toutes les normes nationales, même de nature
constitutionnelle »336. En d`autres termes toute
règle de nature communautaire ou nationale
334 Ibid.
335 Article 40 du traité révisé CEMAC
stipule que « Pour l'application du présent Traité et
sauf dérogations prévues par celui-ci ou par des dispositions
particulières contenues dans les Conventions de l'UEAC et de l'UMAC
:
- la Conférence des Chefs d'Etat adopte des actes
additionnels au Traité et prend des décisions ;
- le Conseil des Ministres et le Comité
Ministériel adoptent des règlements, règlements cadres,
des directives, prennent des décisions et formulent des recommandations
ou des avis ;
- les premiers responsables des Institutions, Organes et
Institutions Spécialisées de la Communauté arrêtent
des règlements d'application, prennent des décisions et formulent
des recommandations ou des avis ».
336 Voir CJCE ord. , 22 juin 1965, San Michèle c/
Haute autorité, Aff. 9/65, Rec. 1967.35. Voir egal. CJCE, 11 juin
1991, commission c/ France, Aff. C.307/89, Rec. I.2903, dans lequel la
cour de justice, a dénié à la France le droit d`invoquer
ses règles constitutionnelles pour justifier ses manquements aux
obligations communautaires.
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traitant dans sa lettre du droit communautaire
bénéficie de l`exigence de la primauté de ce droit. Il
semble donc logique d`admettre que le juge national juge du droit commun du
droit communautaire soit habilité à engager la
responsabilité de l`État pour toutes les violations du droit
communautaire imputables à ce dernier, y compris celles qui
résulteraient d`une norme constitutionnelle interne337.
2) La violation de l'esprit et des principes
communautaires.
La question qui se pose est celle de savoir si les principes
et l`esprit communautaire tels qu`énoncés par le traité de
la CEMAC en vigueur, sont, comme ceux des dispositions du droit originaire ou
dérivé, susceptibles d`engager la responsabilité de
l`État membre de la CEMAC? La question mérite d`être
élucidée parce que les principes en questions sont
consacrés et défendus par les traités instituant la CEMAC.
Son traité révisé reconnaît les « principes
de démocratie, des droits de l'Homme, de l'Etat de droit, de la bonne
gouvernance, du dialogue social et des questions de genre » la
reconnaissance par le traité révisé de la CEMAC de ces
principes impliquerait pour les juridictions de contrôler leur respect et
de sanctionner leurs violations. Par conséquent, la reconnaissance par
la constitution du droit communautaire implique également la
reconnaissance et le respect des principes énoncés par le
traité révisé de la CEMAC. Cela augure une
possibilité d`engager la responsabilité de l`Etat membre pour
violation des principes de droit communautaire. Il faut relever que le juge
administratif français d`appel de bordeaux semble avoir admis
l`obligation pour les autorités administratives françaises,
« de respecter les principes généraux du droit
dégagés par la Cour de justice, tout au moins lorsqu'elles
interviennent dans une matière relevant de la compétence
communautaire »338. Il faut dire, que dans le cas de la
CEMAC, les principes généraux de son droit communautaire sont
consubstantiels a son traité révisé habilité et
intégré par la constitution dans le droit interne, De sorte que
leur violation par l`État membre de la CEMAC est susceptible
d`être sanctionnée comme celle d`une disposition du Traité
de la CEMAC lui-même.
De ce qui précède, quels sont les auteurs de la
violation du droit communautaire entrainant la responsabilité de l`Etat
membre de la CEMAC ?
Voir a cet effet HINDRE-GUEGUEN (M), «
Responsabilité (des Etats membres) », rep.
Communautaire,
Dalloz, aout 2006, p 18.
337 Ibid.
338 HINDRE-GUEGUEN (M), « Responsabilité (des
Etats membres) », op cit, p 18.
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