Recherches sur l'état membre de la communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale.( Télécharger le fichier original )par Arsène Silvère EKO MENGUE Université de Yaoundé II-Soa - Master II de recherche en droit public international et communautaire 2012 |
B/ La place de la législation nationale de l'intégration communautaire dans l'ordre normatif interne.La question relative à la place du droit national de l`intégration communautaire dans l`ordonnancement juridique est très importante dans la mesure où elle répond automatiquement à la problématique du rapport relationnel que devrait entretenir la loi nationale et le droit national de l`intégration communautaire (1). De plus le droit national 318 Ibid, p 1026. 319 DUBOUT (E) et NABLI (B),op cit p 1032. 320 Ibid. Mémoire présenté et soutenu par EKO MENGUE Arsène Silvère 101 Recherches sur l'Etat membre de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale peut-il, à la lumière du droit communautaire bénéficier des principes fondamentaux du droit communautaire? (2). 1) Une place controversée au sein de la hiérarchie des normes en droit interne. Les principes structurant le droit communautaire présentent avant tout, une idée de suprématie une volonté des concepteurs du droit communautaire de constituer un ordre juridique unique constitué de l`ordre juridique interne et de l`ordre juridique de droit communautaire. Toutefois le caractère prééminent du droit communautaire et de la constitution des Etats membres de la CEMAC soulève d`autres soucis parce que L`intégration du droit communautaire dans l`Etat pose le problème de la place de cette norme supranationale dans l`ordonnancement interne de l`Etat. Il est clair qu`un droit tirant sa matière du droit communautaire et étant l`oeuvre d`un Etat membre, nous interpelle à plus d`un titre. Parce que la matière sur laquelle l`Etat légifère est une matière qui bénéficie de certains principes liés à sa nature même de règle de droit communautaire. Le droit national de l`intégration communautaire participe également à ce « régime exorbitant de droit commun » qu`est le droit communautaire d`où la raison d`être de la question de la place du droit national de l`intégration qui se pose avec acuité. Le droit national de l`intégration n`est pas seulement un droit de l`intégration communautaire mais également d`origine national. Devrons-nous alors le placer au même degré que la loi ou bien au même niveau que le droit communautaire ? Le droit national de l`intégration communautaire bien qu`il épouse la politique communautaire n`est point l`oeuvre de l`organisation supranationale. Peut-il être considéré au même titre qu`une loi nationale parce qu`élaboré selon la même procédure qu`une loi normale ? La réponse est négative dans la mesure où même si le droit national n`est point l`oeuvre de la communauté, il comprend tout de même dans ses énoncés l`esprit communautaires qui peuvent se prévaloir de la primauté sur la loi. Car l`objectif visé par la norme nationale de l`intégration est l`harmonisation du droit communautaire et du droit national, ou bien la réception du droit communautaire dans l`ordonnancement juridique interne des Etats. Evidemment les lois nationales de l`intégration communautaire bénéficient d`une forme de prééminence321 dans l`ordre juridique interne des Etats membres bien qu`elle soit l`oeuvre des Etats membres. Le droit communautaire ou les actes dérivés des communautés ne sont point contrôlées sur la logique du respect de la constitution bien qu`elle soit réceptionnée et intégrée dans l`ordre juridique avec le concours d`une reconnaissance et 321 DUBOUT (E) et NABLI (B), op cit, p 1032. Mémoire présenté et soutenu par EKO MENGUE Arsène Silvère 102 Recherches sur l'Etat membre de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale d`une consécration constitutionnelle. La constitution française, dans l`application de l`article 88-1, précise que les normes nationales de transposition des directives se voient, en principe, insusceptibles d'être contrôlées au regard de la Constitution322, voire à l'aune des conventions internationales qui ne feraient pas partie intégrante, directement ou non, de l'ordre juridique de l'Union323. Autrement dit « l'immunité reconnue aux dispositions internes en cause suppose dans le même temps un contrôle juridictionnel du respect par les autorités nationales de leur obligation de bonne transposition internalisée dans la Constitution »324. Au sein de l`union européenne, on peut dire qu`il y a une tentative d`abandon progressif de la hiérarchie verticale. Pour l`instauration d`une nouvelle hiérarchie qui respecte la nouvelle donne dans l`ordre juridique interne des Etats membres. On assiste donc, non plus à un conflit de norme inter systémique325, mais plus à un conflit de normes intra systémiques. Car même au sein de la CEMAC la directive nécessite pour son application sur le territoire nationale un monopole des autorités étatique pour son application. Ce fût le cas de la directive CEMAC relative au système LMD (licence master doctorat) dans les universités de l`Afrique centrale. Assistons-nous alors à une de-verticalisation de la hiérarchie des normes en droit interne. 2) Une place questionnant la pertinence des rapports verticale de la pyramide des normes. Le rapport de force entre le droit communautaire et droit national vient mettre en surface le problème de la hiérarchie des normes qui selon Kelsen est une hiérarchie verticale ou chaque norme tient une place dans la pyramide des normes et ou les normes inferieures tirent leur validité de la norme fondamentale. Se basant sur la pureté (Reinheit) de la norme juridique, c`est-à-dire une norme dégagée de toute considération sociale et économique, l`analyse des normes selon KELSEN repose sur « une exigence de non contradiction, située au plan abstrait de la valeur, et non à celui, concret, des faits empiriques. C'est-à-dire, Il importe peu de savoir si les individus appliquent ou non les règles de droit dans la réalité ; les violations de la loi, en tant que telles, sont impuissantes à fonder une valeur générale, même si telle est la volonté de leurs auteurs »326. Ceci dit une étude des normes doit se réaliser sans appréciation de leur contenu. « La théorie kelsénienne ne 322 Ibid. 323 CE, sect., 10 avril 2008, conseil national des barreaux et autres, req n° 312553, Lebon, AJDA 2008. 324 DUBOUT (E) et NABLI (B), « L'émergence d'un droit français de l'intégration européenne », op cit, p 1024. 325 C`est-à-dire entre les systèmes. 326 PINA (S), « La connaissance pure du droit et ses
limites, Mémoire présenté et soutenu par EKO MENGUE Arsène Silvère 103 Recherches sur l'Etat membre de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale s'intéresse qu'au fondement de la validité de l'ordre juridique, lequel repose sur une norme suprême fondamentale. La seule question demeure celle de la compatibilité des normes entre elles, de leur fondement de validité dans la norme supérieure »327. Conformément à sa conception, le droit en tant qu`ensemble de normes ne peut pas trouver de fondement en dehors du droit. En gros la nécessité d`une pyramide normative328 est obligatoire pour Hans KELSEN. Et cette pyramide normative se fonde sur une norme fondamentale qui assure la pureté de la norme. Cependant la pureté, dans un contexte de mondialisation, est une utopie caractérisée parce que le mode d`émergence des normes est dorénavant conditionné par les espaces d`échange et de commerce plus grand que les Etats. D`où la naissance des marchés communs structurés autour d`une organisation supranationale. La pureté de la norme est de plus en plus relative, par les regroupements étatiques et également par l`existence dans la société internationale d`un critérium de règles de droit qui s`appui sur le respect et la garantie des droits de l`homme. La consécration de l`écran constitutionnel et sa confirmation dans la matière communautaire329 révèlent un conflit dont l`enjeu est l`ordonnancement des normes, une lutte des fondements de validité de l`ordre juridique. Une lutte des normes fondamentales « d'un côté, la Constitution nationale doit préserver sa position centrale de source ultime de la validité juridique. De l'autre, le droit communautaire originaire doit dominer l'ordre juridique sans obstacle possible330. De ce fait, la Constitution est en mesure de priver le droit communautaire de ses effets et le droit communautaire est susceptible de condamner un Etat du fait de sa Constitution »331. La norme fondamentale est le fruit de la conceptualisation d`une science du droit, c`est-à-dire de la conviction que la Constitution est la dernière norme formelle du système juridique hiérarchisé, la science du droit ne devant pas chercher ses éléments d`analyse en dehors de la pure sphère normative332. Le rapport et la logique kelsenienne des normes sont remis en cause. Le droit communautaire étant à lui même un système univoque structuré, cohérent selon la conception du grand maître autrichien, elle rencontre une véritable résistance dans l`ordre juridique interne symétrique à lui. Il y a lieu de concevoir une nouvelle approche de l`unité de l`ordre juridique interne intégrant le droit 327 Ibid. 328 Ibid. p 10. 329 CE, 3decembre 2001, SNIP, Rec. P 624 ; CE, 30 juillet 2003, assoc. Avenir de la langue française, Europe, 2004, comm. P 30. Cité par FAVRE (J), « Le juriste entre pathologie de la normalisation et normalité du pathologie : le cas des conflits de normes fondamentales, VIe congrès de l`AFDC, Montpellier, 9 ;10 ;11 juin 2005, Atelier N°4 : quels outils théoriques pour comprendre le droit ? 330 CJCE, 5 février 1963, VAN GEND EN LOOS c/ administration fiscale, Aff. 26/62, Rec. P 1. 15 Juillet 1964 COSTA c/ ENEL, Aff. 6/64, Rec. P 1141. 331 FAVRE (J), « Le juriste entre pathologie de la normalisation et normalité de la pathologie : le cas des conflits des normes fondamentales », op cit, p1. 332 PINA (S), « La connaissance pure du droit et ses limites », op cit, p 11. Mémoire présenté et soutenu par EKO MENGUE Arsène Silvère 104 Recherches sur l'Etat membre de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale communautaire tirant sa substance de la force contraignante du droit de la CEMAC et des rapports qu`entretient les ordres juridiques nationaux et communautaire. Dans la conception de la hiérarchie des normes en droit interne que nous mettons en exergue, l`unité de l`ordre juridique interne entretien une double hiérarchisation normative qui ne dédouble pas cet ordre juridique ; tout au contraire l`unité est plus consolidée et plus cohérente dans l`association d`une hiérarchisation qui soit autant verticale que horizontale de l`ordre interne. La hiérarchisation horizontale l`est au niveau de la norme fondamentale nationale et du droit primaire, en ce sens où, aucune des deux normes ne peut se prévaloir d`exercer un contrôle de conformité sur l`autre. La constitution intègre les normes primaires communautaires en garantissant leurs principes fondamentaux vis-à-vis des normes inferieures, et également en organisant l`intégration et le contrôle de la conformité des normes inferieures à la norme primaire communautaire. Il s`agit d`une hiérarchisation de courtoisie. La constitution nationale dans cette hypothèse garde son autorité sur les normes de droit interne en acceptant perdre son contrôle sur les normes de l`intégration d`origine nationale ou communautaire. Le sommet de la pyramide est toujours occupé par la constitution nationale jouant ainsi un double rôle : celui de norme fondamentale nationale et communautaire. Les normes inferieures doivent respecter une hiérarchie verticale à double validité c`est-à-dire autant elles doivent être conformes aux dispositions et principes constitutionnels, qu`elles se doivent également de respecter le droit primaire communautaire. Le contrôle de conformité a la norme fondamentale mettant plus l`accent au respect du droit communautaire sous peine de faire engager la responsabilité de l`Etat. |
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