PARAGRAPHE 2 : la conséquence nationale de la
normalisation :Le développement d'une législation nationale de
l'intégration communautaire.
Les implications normatives de la qualité de membre de
CEMAC entraînent un développement d`une législation
nationale de l`intégration communautaire. C`est donc un ensemble de
règles de droit relationnel dont l'objet est d'organiser et de
réguler les rapports entre les organes et normes de droit interne et
ceux découlant des actes primaires, dérivés et sur le
fonctionnement de la CEMAC311. Bien que ce droit diffère d`un
Etat membre à un autre, cette législation partage tout de
même des objectifs communs qui permettent de mettre en exergue un certain
type de norme nationale d`intégration communautaire
(A). Toutefois cette législation soulève un
problème crucial à l`unité de l`ordre juridique national
celui de la place de ce droit hybride dans la hiérarchie des normes en
droit interne (B).
A/ La présentation des normes nationales de
l'intégration communautaire.
La fonction principale du droit national de
l'intégration est de mettre en relation des systèmes
juridiques312, les ordres juridiques communautaire et interne. Et
pour ce faire l`on retrouve en droit interne des normes nationales
d`habilitation du droit communautaire et des normes nationales d`application du
droit dérivé de la CEMAC(1). Autrement dit le
droit national de l`intégration communautaire est formée
premièrement d`un
310 CJCE, 9 mars 1978, 106\77, Rec., p 629. Cité par
MAÏA (J), « La contrainte européenne sur la loi
», op cit, pp 53-71 spec. p 57.
311 Ibid.
312 L`intégration juridique peut s`entendre comme «
[le] phénomène qui consiste à incorporer dans
l'ensemble
plus vaste de relations immédiates des rapports
juridiques jusque là isolés dans leur encadrement étatique
», selon la définition donnée par L.AZOULAI, «
La constitution et l'intégration, les deux sources de l'union
européenne en formation », RFDA, 2003, p 859.
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droit propre à « chaque Etat qui organise
à la fois la projection des positions nationales liées à
la construction »313 communautaire et deuxièmement
d`un droit issu de la réception des normes communautaires dans l`ordre
interne314. Toutefois ce droit se caractérise par des traits
communs à toutes les législations nationales de
l`intégration communautaire de chaque Etat membre
(2).
1) Les types de législation nationale de
l'intégration communautaire : la législation d'habilitation et
d'application du droit communautaire.
Les transformations qu`impliquent ou qu`impliqueront les
participations des Etats souverains à la communauté
d`intégration, ne doivent pas être réduites au simple
rapport du droit international au droit interne des Etats. Le constat est
frappant de remarquer que la majorité des Etats membre de la CEMAC se
sont préparés constitutionnellement à recevoir le droit
communautaire dans leurs différents ordres juridiques. L`habilitation
constitutionnelle d`association et de coopération à des projets
intégratifs est aussi implicitement un aveu de reconnaissance de la
particularité de ce droit, certes issu des conventions comme le droit
international mais qui se distingue par la force contraignante de ses
règles de droit. Les Etats souverains ont donc développé
des habilitations constitutionnelles. Ces dispositions constitutionnelles sont
généralement suivies par une abondante législation de
procédure de réception du droit communautaire. Mais des
décisions administratives et judiciaires nationales d`autant plus
qu`avec l`acquisition de la qualité de membre de la CEMAC, l`Etat assume
une forme de dédoublement lié à sa qualité d`Etat
souverain et d`Etat membre. Les décisions administratives doivent
prendre en considération la législation issue de la
communauté comme cela doit être le cas également pour
toute, les décisions judiciaires des juges nationaux. L`appartenance
à la CEMAC forge dans l`Etat une forme d`identité hybride des
Etats. Et c`est dans ce sens qu`intervient la législation
d`habilitation, elle permet d`établir une cohérence entre les
deux ordres normatifs dans l`Etat. Cette cohérence reste difficile
à obtenir du fait des similitudes des deux ordres juridiques. Cela met
en exergue une vision peut être inconsciente de l`Etat de
développer « un système autonome au sein de l'ordre
interne »315. Il s`agit de « débanaliser
» le droit communautaire qui, est confondu avec le droit
international. Dubout et Nabli diront que « L'adoption de
règles propres à l'élaboration et à la
réception du droit [communautaire] participe à la
313 DUBOUT (E) et NABLI (B), « L'émergence d'un
droit français de l'intégration européenne »,
op cit, p
1024.
314 Ibid.
315 DUBOUT (E) et NABLI (B), op cit, p 1024.
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création d'une sorte de « régime
exorbitant de droit commun » et fournit un fondement à la
singularisation des régimes »316. La
législation d`application quant à elle est la résultante
du champ de législation reconnu par les dispositions des traités
constituants de la CEMAC, aux Etats membres pour certaines normes dites
dérivées. Elle s`apparente plus à un acte obligatoire plus
que de volonté. C`est un acte obligatoire dans la mesure où la
portée du résultat de transposition des actes
dérivés peut éventuellement engager la
responsabilité de l`Etat membre de la CEMAC. Eventuellement, les Etats
membres n`ont pas encore pris pleinement en compte le phénomène
juridique communautaire comme c`est le cas pour les pays de l`union
européenne. A l`instar de la France, la conformité des normes
nationales à l`union européenne a permis de développer une
nouvelle qualité de normes particulièrement influencées
par l`activité européenne. A titre d`exemple, il y a le
développement des décisions de justice constitutionnelle relative
à l`Europe, Florence CHALTIEL les nomment de droit constitutionnel
européen.
2) Les traits caractéristiques communs de la
législation nationale de l'intégration
communautaire.
Découlant d`une participation de l`Etat souverain
à la CEMAC, le droit national de l`intégration communautaire est
une norme juridique à double identité parce qu`elle met en
exergue deux dimensions : la dimension supranationale renvoyant à
l`intégration sous régionale développée par la
machine communautaire qu`est la CEMAC. Et également, la dimension
nationale qui montre l`intérêt de l`Etat dans l`harmonisation des
relations entre le droit communautaire et le droit nationale. De ce qui suit,
l`on dira que le droit national de l`intégration de la CEMAC est «
hybride »317. Hybride parce que la norme nationale de
l`intégration vise un objectif communautaire celui de
l`intégration communautaire de la CEMAC, mais elle est l`oeuvre de
l`Etat indépendamment de l`initiative communautaire. La
législation nationale de l`intégration communautaire
n`obéit pas à la division du droit en droit public et droit
privé. En d`autres termes le droit national de l`intégration
communautaire est un droit transversal qui touche toutes les branches du droit
dans l`Etat, car les normes nationales visent premièrement
l`harmonisation des législations entre les Etats et deuxièmement
la réception et l`intégration du droit communautaire au niveau
national. La conséquence la plus immédiate est la naissance d`un
droit éparse qui se retrouve dans tous les domaines du droit. Il faut
remarquer que les législations nationales d`intégration «
brouillent
316 Ibid.
317 DUBOUT (E) et NABLI (B), op cit, p 1025.
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la frontière entre le droit national et le droit
dit « supranational »318, et
également les différentes frontières entre diverses
branches du droit. Il s`agit également d`un droit qui diffère
d`un Etat membre à un autre, la différenciation étant
uniquement sur les approches et les moyens de mise en place de
l`intégration communautaire. La raison principale est la
différenciation des moyens de mise en oeuvre et de coordination du droit
communautaire avec le droit national. Cette singularité de la
législation nationale de l`intégration communautaire montre
à quel point l`intégration communautaire impacte sur l`Etat et
précisément sur ses fondements normatifs. Toutes les
règles de droit étatique sont influencées d`une
manière considérable. L`exemple pris par Dubout et Nabli est
l`influence que subissent les actes administratifs pris par les
autorités administratives au point « d'entraîner un
certain « brouillage » de la catégorie
même d'acte administratif dans l'ordre interne »319,
il en est de même de la difficile relation qu`entretiendrait la
constitution avec le droit primaire communautaire au point où la
constitution devient un document d`hébergement du droit communautaire.
On assistera de plus en plus à des « constitutions duales
» au sein des quelles coexistent : une conception traditionnelle de
la souveraineté nationale et de son exercice indivisible par les
représentants du peuple et un nouveau Titre ou article de la
Constitution qui soutient l'idée d'un exercice commun de
compétences transférées à un ensemble plus
vaste320. Le droit national de l`intégration communautaire
bénéficie également d`un contrôle renforcé,
une garantie dictée par la nature étatique de sa création
et également une garantie supranationale par l`esprit de la règle
de droit qu`est le droit communautaire. Cependant ses normes nationales
traitant de l`intégration communautaire de la CEMAC posent un
véritable problème lié spécifiquement à la
place qu`occuperait le droit national dans la pyramide des normes de l`Etat.
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